Afrique Centrale: Violences sexuelles en RD Congo - Après le traumatisme vient la stigmatisation

communiqué de presse

Dans les provinces de l'est de la République démocratique du Congo, les survivantes de viols et de violences sexuelles doivent supporter, en plus de leur traumatisme, le regard stigmatisant de leur entourage. Diane Ndjangusi, psychologue du CICR, nous explique les ressorts de ce phénomène.

1. Quelles sont les différentes formes de stigmatisation qui affectent les survivantes ?

Il y a en premier lieu le regard des gens, cette manière de fixer les survivantes, qui peut susciter de la culpabilité et de la honte. Il y a aussi les paroles blessantes, les reproches et les avertissements des proches ou d'autres membres de la communauté. Certains pensent bien faire mais de simples mots peuvent être choquants et provoquer des dommages émotionnels, voire psychologiques, dont l'entourage ne soupçonne pas toujours la gravité.

Parfois, nous avons des patientes qui affirment ne pas vouloir sortir de chez elles parce que beaucoup trop de gens connaissent leur situation. À chaque rencontre, elles ont l'impression que leur histoire est une fois de plus colportée. Alors elles restent enfermées sans pouvoir accomplir leurs tâches quotidiennes. Elles se refusent même de sortir pour aller chercher des soins auprès des structures de santé.

J'ai honte. Partout où je passe, on me pointe du doigt et les gens disent : Voilà celle qui a été violée. C'est le fardeau que je traîne depuis cet acte. Je suis obligée de rester à la maison, loin des regards.

Didi*, survivante de viol à Beni, province du Nord-Kivu

2. Quelles sont les conséquences psychologiques pour les survivantes ?

Le sentiment principal qui domine est la honte. Ces personnes pensent qu'elles ne servent plus à rien, ni à leur famille ni à la société, et se replient sur elles-mêmes. Malheureusement, l'isolement facilite la résurgence des événements traumatiques. Alors survient une grande tristesse, et même une forme grave de dépression si la personne n'est pas prise en charge dans des délais rapides.

Elle est très traumatisée. Quand je lui demande de faire une course, elle est effrayée. J'ai peur pour sa vie, parce que le jour où cet homme a violé mon enfant, il lui a aussi dit qu'il allait la tuer si elle parlait de ce qui lui était arrivé.

Amandine*, à propos de sa fille Nathalie*, 10 ans, victime de viol à Nyakunde, province d'Ituri

3. Que fait le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour prévenir ou combattre ces actes de stigmatisation ?

Le CICR adopte une approche multidisciplinaire contre la stigmatisation. Étant donné que les auteurs de ces actes sont très souvent des membres de la communauté et même des proches des victimes, nous utilisons des relais locaux pour aller à la rencontre des familles et des personnes influentes dans les environnements concernés.

Nous passons ainsi des messages spécifiques de lutte contre la stigmatisation en mettant notamment en avant l'importance du soutien aux survivantes de violences sexuelles. Et quand les responsables de ces communautés s'approprient cette démarche et sensibilisent à leur tour leurs proches, leurs conseils sont bien écoutés.

Nous organisons aussi des activités communautaires, comme des séances de théâtres participatifs. Ces sketchs sur la thématique des violences sexuelles attirent beaucoup de monde. A la fin, le public a la possibilité de poser des questions à nos équipes présentes sur le lieu et de recevoir des réponses appropriées Nous véhiculons ainsi nos messages directement auprès de la population afin de bien faire comprendre quelles formes peut prendre la stigmatisation, leur impact sur la vie des survivantes, et ainsi les réduire.

C'est dans ma famille que je suis mal à l'aise. À chaque fois que je sors de la maison, on me rappelle ce drame. On dit que c'est à cause de mon arrogance et de mes sorties que j'ai été violée. Mais ce jour-là, ils m'avaient demandé de faire une course pour eux.

Salma*, 19 ans, victime de viol à Nyakunde, province d'Ituri

4. Avez-vous des retours quant à un changement de comportement des membres des communautés grâce à ces activités ?

Nous voyons le résultat concret de notre travail. Quand nous avons commencé à apporter notre soutien au centre de santé de Nyakunde, nous avons remarqué que la majorité des survivantes arrivaient plus de 72 heures après leur agression. Ce délai est excessif car il réduit les chances d'une bonne prise en charge médicale. A l'origine de cette attente se trouve principalement la peur du regard ou de la parole des autres.

Nous parlons donc de ce problème spécifique et nous constatons que plus de survivantes arrivent à sortir de leur isolement et osent chercher de l'aide dans un délai correct auprès des services médicaux.

Nous avons aussi constaté que les habitants de Nyakunde commencent à comprendre qu'une personne ayant subi un viol est semblable à toute autre personne ayant subi un événement traumatisant. Ils portent alors un regard moins lourd sur les survivantes.

Former le personnel des établissements de santé locaux pour que ces structures puissent soutenir les survivantes est utile et gratifiant. Voir des personnes retrouver le sourire après des séances de travail psychosocial renforce ma motivation.

« La famille du garçon s'est irritée. Elle a raconté partout que je n'étais qu'une sorcière qui ne cherchait que du profit pour sa fille. Nous souffrons. Je ne me rends plus au champ, je suis condamnée à rester à la maison car ma fille est dans l'incapacité de s'occuper seule de son bébé. »

Rachel*, à propos de sa fille Blandine*, vivant avec une déficience motrice et mentale, survivante de viol à Beni, province du Nord-Kivu.

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