Alors que le nouveau projet de loi relative à la promotion immobilière va être examiné lors de la plénière du 20 juin 2023 par les députés de l'Assemblée législative de Transition, le ministre de l'Urbanisme, des Affaires foncières et de l'Habitat, Mikaïlou Sidibé se veut formel. La nouvelle loi ne vise pas à déposséder qui ce que soit de sa terre.
Elle vise plutôt à mettre fin aux nombreuses dérives telles que l'accaparement des terres et l'occupation des terres rurales. Mikailou Sidibé fait le bilan du programme 40 000 logements et se prononce sur la suite de l'opération de vente de parcelles par la SONATUR à Ziniaré.
Sidwaya (S.) : Quelles sont les missions de votre département ?
MikaÏlou Sidibé (M.S.) : Le ministère de l'Urbanisme, des Affaires foncières et de l'Habitat est en charge de la question de la planification urbaine, de l'élaboration et la conduite des projets de développement urbain. Le ministère contribue avec les autres ministères qui interviennent sur la chaine foncière à la gestion foncière de façon générale.
Plus spécifiquement, nous nous occupons de la délivrance des documents de possession foncière. Nous donnons des avis sur les demandes de titres de propriété et intervenons en amont dans la gestion des dossiers qui entrent dans le cadre du cadastre de façon générale.
Cette année, nous avons prévu d'informatiser le cadastre foncier national. En matière d'habitat, nous intervenons sur toutes les questions relatives à la construction, mais également à l'élaboration et l'application de la réglementation en matière d'aménagement urbain.
S : Qu'entend-on par promotion immobilière et promotion foncière ?
M.S. : La promotion foncière renvoie au contenu du code de l'urbanisme et de la construction de façon générale. Il s'agit, pour parler trivialement des opérations de lotissement de façon générale et d'aménagement du foncier. Il s'agit aussi de restructuration et de remembrement urbains. Par contre, on entend par promotion immobilière, toutes les questions de construction de logements, mais aussi de bâtiments destinés au commerce.
S : Le ministère en charge de l'urbanisme a engagé la relecture de la loi n°057-2008/AN portant promotion immobilière au Burkina Faso. Qu'est-ce qui a motivé cette relecture ?
M.S. : Actuellement, la loi qui régit la promotion immobilière au Burkina Faso date de 2008. C'est à partir de cette année que l'Etat a ouvert le domaine de la construction au secteur privé afin qu'il puisse l'accompagner dans l'amélioration de l'offre en matière de logement.
A l'épreuve de sa mise en oeuvre, on s'est rendu compte qu'il y avait des insuffisances dans la loi qui ont été exploitées par certains acteurs de la promotion immobilière et qui ont contribué à dévoyer l'activité de sa mission première.
Plus spécifiquement, au cours des 5 dernières années, nous avons assisté à une augmentation vertigineuse du nombre de promoteurs immobiliers, dont la plupart ne se sont pas seulement contentés de construire, mais se sont adonnés à des opérations foncières c'est-à-dire à la vente des parcelles nues.
Cela contient naturellement un certain nombre de dérives, notamment l'accaparement des terres urbaines et rurales. L'Etat s'est donc vu obligé de relire la loi qui régit la promotion immobilière afin de mettre fin à ces dérives.
S : Quelles sont les insuffisances de la loi de 2008 ?
M.S. : D'abord dans l'ancienne loi, il était permis aux promoteurs immobiliers de faire de la promotion foncière. Un certain nombre de promoteurs immobiliers faisaient la demande d'agrément pour la promotion immobilière, mais, une fois leur dossier approuvé, s'adonnaient plutôt à la vente de parcelles qu'à la construction.
Il y avait aussi le fait que les sanctions qui étaient prévues dans l'ancienne loi n'étaient pas suffisamment dissuasives pour décourager les acteurs dont les pratiques ne contribuent pas à l'amélioration de l'offre en matière de logement. Par ailleurs, dans la loi de 2008, la nature juridique des coopératives d'habitat n'est pas suffisamment définie et il faut l'étoffer pour éviter des dérives.
S : Quelles sont les innovations que la nouvelle loi va apporter ?
M.S. : Fondamentalement, la relecture vise à redéfinir l'activité même de la promotion immobilière pour la recentrer uniquement à la question de construction de logement. L'Etat et les collectivités territoriales vont principalement s'occuper de la mobilisation du foncier et son aménagement, en vue de le mettre à la disposition des promoteurs immobiliers. Les promoteurs immobiliers vont exclusivement procéder à la construction. Toutefois, les sociétés d'Etat qui sont des promoteurs immobiliers, elles, pourront continuer à faire de la promotion immobilière.
La deuxième innovation porte sur la nature juridique même du promoteur immobilier. Jusque-là, des personnes physiques peuvent pratiquer la promotion immobilière. Dans le projet de loi qui est en cours d'examen à l'ALT, ce sont désormais des personnes morales, des sociétés qui sont autorisées à exercer l'activité de la promotion immobilière. L'une des innovations majeures de la loi concerne la limitation des superficies destinées à l'activité de promotion immobilière à 5 hectares.
Actuellement, nous assistons à l'accaparement des terres, ce qui est contraire à l'esprit de la loi qui visait à accompagner l'Etat à construire des logements. Cette innovation va nous permettre de réduire l'étalement urbain et l'accaparement des terres surtout rurales qui sont destinées à d'autres usages. Nous avons également revu à la hausse les montants des sanctions pécuniaires et prévu des peines privatives de liberté qui, à notre sens, vont contribuer à dissuader les acteurs qui s'adonnent à des pratiques autres que la promotion immobilière.
S: l'examen du projet de loi par les députés de l'ALT est prévu pour le 20 juin prochain. Est-ce que l'ensemble des acteurs sont associés au processus de relecture ?
M.S. : Effectivement, le processus de relecture de la loi a démarré courant 2021 de façon inclusive. Cela faisait suite au constat qu'il fallait prendre des mesures conservatoires pour limiter les dérives constatées sur le terrain. Il était prévu de suspendre l'examen des demandes d'approbation des projets immobiliers et de relire la loi portant promotion immobilière.
Il a non seulement concerné les acteurs de l'administration, notamment le ministère en charge de l'urbanisme, celui de l'administration territoriale, entre autres, mais également la société civile, les ordres professionnels du secteur de l'urbanisme et de la construction et les promoteurs immobiliers. Quand nous avons repris ce processus au mois de décembre 2022, nous avons, encore une fois, associé tous les acteurs dans les concertations et lors des ateliers que nous avons organisés.
A titre d'exemple, une fois le texte finalisé à l'interne, nous avons organisé un atelier national, le 10 février 2023, auquel nous avons convié tous les acteurs concernés d'une façon ou d'une autre par la gestion foncière. Les promoteurs immobiliers y étaient invités. Ils se sont physiquement présentés, mais sont immédiatement repartis. Toutefois, ils ont pris le soin de soumettre un mémorandum qui recense un certain nombre de préoccupations et ce document a été examiné par les participants. Au regard de tout cela, je puis vous assurer que le processus a été inclusif et participatif.
S : Néanmoins, des voix s'élèvent pour dénoncer un projet de loi contre les promoteurs immobiliers en ce sens que la profession risque de disparaitre. Que répondez-vous ?
M.S. : Notre souci est de préserver les terres, surtout les terres rurales et recentrer l'activité autour de son coeur de métier, c'est-à-dire la construction. Nous avons également reçu beaucoup de promoteurs qui nous ont encouragés dans cette relecture, parce qu'eux-mêmes ne se retrouvent plus, au regard de ce qui se pratique sur le terrain.
La mobilisation du foncier n'est pas une tâche aisée et il y a une sorte de compétition entre les promoteurs immobiliers qui handicape leur travail, car ils consacrent beaucoup d'énergie pour conclure des protocoles d'accords avec les propriétaires terriens et disposer des délibérations au niveau des collectivités territoriales avant de monter leurs projets. L'une des innovations qui consacre que l'Etat va désormais mobiliser le foncier est de notre avis, une épine de moins aux pieds des promoteurs immobiliers qui auront seulement la charge de construire.
La loi n'est pas contre les promoteurs immobiliers, mais vise seulement à assainir le secteur et à préserver nos terres pour éviter qu'on ait des villes qui s'étalent sans fin. Nous avons à ce niveau, une nouvelle vision qui consiste à faire des constructions en hauteur qui ont l'avantage de réduire les coûts de déploiement des services sociaux de base, notamment l'eau, l'électricité et les infrastructures socio-économiques. Le projet de loi n'est nullement élaboré contre des acteurs.
Les promoteurs qui sont désireux de continuer dans la construction se retrouvent dans le contenu du texte qui a été élaboré. S : Une fois la loi adoptée, quel sera le sort des dossiers en instance qui avaient été jugés recevables ? M.S. : Nous avons effectivement un passif au niveau de la promotion immobilière et nous le traitons de la façon la plus adéquate. Lorsqu'il a fallu prendre des mesures conservatoires pour suspendre la délivrance des agréments de promotion immobilière, il s'est trouvé qu'il y avait déjà un stock de 400 dossiers de demande d'agréments de promotion immobilière au ministère.
A l'époque, au mois d'août 2021, un comité ad hoc avait été mis en place par le ministère pour examiner ce passif. Ce comité a permis de retenir 105 projets jugés recevables, sur la base du respect des documents de planification urbaine, tels que le schéma-directeur d'aménagement et le plan d'occupation du sol. A notre arrivée, nous avons mis en place un autre comité ad hoc au mois de février 2023 pour examiner définitivement ces 105 projets, en plus des réclamations sur des projets qui avaient été rejetés. L'examen concerne les paramètres techniques du projet et les capacités financières des porteurs de projet.
S : Les propriétaires terriens disent craindre de perdre leurs terres si la nouvelle loi portant promotion immobilière entre en vigueur. Qu'en est-il réellement ?
M.S. : S'il y a un point sur lequel je souhaite être vraiment clair, c'est que la loi ne vise nullement à déposséder les propriétaires terriens. Que ce soit clair, les textes sur la possession foncière sont différents de la loi portant sur la promotion immobilière. Les propriétaires terriens gardent leurs terres. Seulement, ils ne pourront plus les mettre à la disposition des promoteurs, pour faire de la promotion immobilière, c'est la seule différence. C'est l'Etat seul qui a l'initiative de mobiliser la terre, car il veut s'assurer qu'il s'agit de terres urbaines et éviter que les promoteurs ne s'accaparent des terres rurales destinées aux activités agro-sylvo-pastorales.
S : En fait, la crainte des propriétaires terriens est de savoir si l'Etat sera aussi bon payeur que les promoteurs immobiliers ?
M.S. : Au niveau du ministère, nous avons prévu, sur le plan institutionnel, une direction qui va s'occuper de la mobilisation foncière. Nous avons également en cours d'élaboration, un mécanisme de financement des actions d'aménagement. L'Etat se donnera les moyens pour assurer son rôle de protecteur des terres rurales. C'est ce qui se passait avant.
Quand la loi a été adoptée en 2008, la pratique était que l'Etat mobilisait le foncier et le mettait à la disposition des promoteurs immobiliers. Mais il y a eu à un moment donné, la libéralisation de la question foncière à travers notamment la loi portant Réorganisation agraire et foncière(RAF) qui a décidé que la terre appartient à trois entités à savoir l'Etat, les collectivités et les propriétaires terriens.
S : Concrètement, que gagneront les propriétaires terriens si l'Etat mobilise leurs terres ?
M.S. : l'Etat n'est pas là pour déposséder les propriétaires terriens. Un dispositif est en place et il n'y a pas d'inquiétude à se faire.
S: Quels sont les garde-fous pour protéger les terres à vocation agro-sylvo-pastorales, halieutiques et fauniques au Burkina Faso ?
M.S. : La nouvelle loi prévoit que les activités de promotion immobilière ne puissent se faire que sur des terrains urbains aménagés. C'est une précaution pour protéger les terres rurales des activités de promotion immobilière.
S : Quelles sont les précautions prévues en termes de sanctions pour éviter de retomber dans les mêmes travers qu'avec la loi de 2008 ?
M.S. : En plus de relever les amendes liées aux infractions, nous avons prévu des peines privatives de liberté. A titre d'exemple, les contrevenants à la loi s'exposent à des peines de prison qui vont de 5 à 10 ans en fonction de l'infraction qui a été commise. Les amendes sont liées au nombre de parcelles qui ont été vendues.
S : Quel est le bilan du programme 40 000 logements ?
M.S. : Le programme 40 000 logements a pris fin en décembre 2022. Actuellement, le secrétariat permanent en charge de la promotion du logement a établi un bilan de sa mise en oeuvre. Les objectifs initiaux n'ont pas forcément été atteints. Un certain nombre de difficultés ont été rencontrées. La principale est que le niveau de mobilisation de financement par l'Etat et le privé n'a pas été à la hauteur des attentes.
Il y a eu également des évènements conjoncturels qui sont venus compliquer la mise en oeuvre du programme, dont entre autres la survenue de la COVID. Il a été aussi relevé que certains promoteurs immobiliers ont été défaillants, après que l'Etat a mis les sites à leur disposition. Nous avons tiré beaucoup de leçons dans la conduite de ce programme que nous sommes en train de mettre à profit pour élaborer un nouveau programme. L'élaboration du document est suffisamment avancée.
S : Quelle est la suite de l'opération de vente de parcelle lancée récemment à Ziniaré par la SONATUR ?
M.S. : la SONATUR a mobilisé un site aménagé à Ziniaré qui est destiné à la vente. Personnellement, nous avons été sur le terrain pour marquer le fait que le site est prêt à être mis à commercialisation. C'est juste le début des souscriptions qui était prévu en début juin qui a été reporté en fin juin. L'engouement suscité autour de ce programme faisait que l'option de souscription, notamment la présence physique, pour des raisons de sécurité ne pouvait pas être implémentée.
Nous allons nous organiser pour aller probablement vers des souscriptions en ligne. La vente est toujours d'actualité et incessamment, par voie de communiqué comme on en a l'habitude, les Burkinabè seront informés de la relance de la commercialisation à Ziniaré plus d'autres sites que la SONATUR aura aménagés.