Accusés d'être derrière la pire attaque en Ouganda depuis 2010, avec le massacre perpétré dans la nuit de vendredi à samedi 17 juin dans un lycée de la localité de Pondwe, les rebelles ADF ont reçu un soutien financier du groupe terroriste État islamique, selon un rapport d'experts de l'ONU publié lundi 19 juin. Si ces rebelles ougandais, actifs surtout en RDC, avaient prêté allégeance au groupe terroriste, leur lien financier n'avait jusqu'ici pas été prouvé.
Un des nombreux groupes armés écumant l'est de la République démocratique du Congo, les ADF (Forces démocratiques alliées), sont parmi les plus meurtriers, accusés d'y avoir tué des milliers de civils. À l'origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans, implantés en RDC depuis les années 1990, ils ont prêté allégeance en 2019 à l'EI, qui revendique certaines de leurs actions et les présente comme sa « province d'Afrique centrale » (Iscap en anglais).
Le réseau des ADF s'étend bien au-delà de ses bastions. Les experts onusiens révèlent ainsi des connexions entre le groupe terroriste et l'État Islamique en Somalie, au Mozambique et en Afrique du Sud. Il s'agit de la première fois où ce financement a été documenté.
À travers un circuit complexe incluant intermédiaires, entreprises et systèmes de transferts d'argent, la branche somalienne de l'EI a pu faire transiter 400 000 dollars jusqu'aux ADF entre 2019 et 2020. Environ 60 000 dollars sont arrivés jusqu'en Ouganda. Les enquêteurs l'affirment : c'est l'un des financements directs du groupe « par le biais d'un système financier complexe impliquant des individus dans plusieurs pays du continent, émanant de la Somalie et passant par l'Afrique du Sud, le Kenya et l'Ouganda ».
Un lien a également été établi avec l'État Islamique en Afrique du Sud, au moins depuis 2017, indique le rapport. Plusieurs individus dans le pays sont d'ailleurs sous sanctions américaines. Certains seraient même partis vers l'Ouganda pour combattre dans les rangs des ADF, avant d'être arrêtés par les Congolais.
Un regain d'activité
Enfin, ces trois dernières années, il y a eu des rencontres de haut niveau entre des responsables des ADF et de l'EI au Mozambique. Ces rencontres ont même impliqué les chefs militaires et spirituels de cette branche de l'EI, qui seraient venus en personne rencontrer les ADF en début d'année, dans le Sud-Kivu, en RDC. D'autres contacts ont été établis également dans le territoire de Shabunda, fin 2022, mais aussi à Kigoma, en Tanzanie.
Ces relations participeraient de la stratégie d'expansion des ADF. Malgré d'importants moyens militaires comme l'opération Shuja avec les armées congolaise et ougandaise, le groupe armé a prouvé sa capacité de résistance.
L'organisation a perdu des commandants et doit constamment être en mouvement. Elle déplace ses camps de base, parfois même tous les jours. Le rapport estime que les attaques militaires l'ont affaibli, en tout cas pendant un temps. Néanmoins, il y a un regain d'activité depuis fin 2022. Le recrutement se poursuit. Les ADF ont par exemple envoyé des combattants et des complices dans des missions de reconnaissance pour voir si le mouvement pouvait s'étendre au-delà du Nord-Kivu et de l'Ituri.
Selon le rapport, les ADF « ont cherché à recruter et à mener des attaques à Kinshasa » ainsi que dans les provinces congolaises de la Tshopo, du Haut-Uélé (Nord-Est) et du Sud-Kivu. En parallèle, l'organisation poursuit son recrutement dans des mosquées d'Uvira et Kalemie.
Plus forte organisation opérationnelle
Le groupe s'adapte également dans l'organisationnel, avec des attaques parfois plus courtes et impliquant moins de combattants. Ce qui limite les risques d'être poursuivi par les militaires. On a aussi une hausse de l'utilisation des engins explosifs improvisés, notamment dans les zones urbaines. C'était par exemple le cas le 15 janvier, avec une bombe devant une église de Kasindi, petite ville à la frontière ougandaise, non loin de l'attaque de samedi à Pondwe. C'était même la plus grosse bombe, estimée de 7 à 10 kg de charge, jamais retrouvée en RDC.
Les autorités ougandaises accusent justement le groupe ADF d'être à l'origine du massacre perpétré dans la nuit de vendredi à samedi dans un lycée de la localité de Pondwe, près de la frontière avec la RDC. Le dernier bilan fait état de 41 morts, pour la plupart des élèves, dont une partie brûlés vifs dans un dortoir.