Sénégal: [Focus] Grossesse extra-utérine - Un bonheur étouffé dans l'oeuf !

19 Juin 2023

L'annonce d'une grossesse est souvent source de bonheur chez les futures mamans. Mais, elle ne se passe pas toujours comme prévu. Des complications peuvent pointer le bout de leur nez comme c'est le cas dans une Grossesse extra-utérine (Geu), où l'ovule fécondée s'implante dans les tissus, à l'extérieur de l'utérus menaçant le foetus et la santé de la mère.

Khady Mbengue a fait deux Grossesses extra-utérines (Geu) sur les deux trompes de Fallope (constituants de l'appareil génital féminin). Elle a subi une première intervention en 2017 et une autre au début de l'année 2022. C'est en 2017 qu'elle a entendu, pour la première fois, le terme Grossesse extra-utérine. Ainsi, ce qu'elle considère être comme une première grossesse ne va pas se passer comme prévu. Après un retard des règles de sept jours, Khady se rend à l'hôpital. Le test revient positif. Un début de grossesse qui va se passer sans anicroche. Mais, c'est à dix semaines que la femme au foyer ressent de petites douleurs.

Au bout de quelques jours, ces dernières s'intensifient et s'accompagnent de petits saignements. Après consultation, la sage-femme lui demande de faire une échographie d'urgence pour vérification. « Le gynécologue me confirme que c'était une Geu. C'était la première fois que j'entendais ce terme », lâche-t-elle, préoccupée. « Je n'étais pas au bout de mes peines, car je devais me faire opérer d'urgence », poursuit celle qui se languissait de devenir mère pour la première fois. Khady Mbengue va subir une ablation de la trompe. Cette douloureuse épreuve ne va pas l'empêcher de retomber enceinte en début 2022. « J'avais fait un malaise et j'ai eu la confirmation de la grossesse. Cependant, il était très tôt pour faire une échographie », se remémore-t-elle.

%

La trentenaire reprend alors ses activités. Au bout de quelques jours, elle commence à avoir de petits saignements. Ce qui n'est pas alarmant selon la sage-femme. Méfiante, Khady décide de se faire consulter par un gynécologue. « Je n'avais pas l'esprit tranquille. Après consultation, j'avais encore une Geu sur la trompe droite », dit-elle avec une pointe d'amertume. Rebelote ! La jeune femme va se faire opérer à nouveau et va s'ensuivre une ablation de la trompe. « On m'a dit que je ne pourrais plus contracter une grossesse », se souvient-elle peinée. Khady Mbengue a défié les diagnostics et est devenue la maman de deux petites filles. « J'ai beaucoup appris et cela m'a permis de raffermir ma foi », dit-elle, guillerette.

Entre douleurs et incompréhensions

Alimatou Niang a à peine eu le temps de savourer la nouvelle de sa grossesse. Entre l'annonce et son opération d'urgence, tout s'est enchaîné très vite. « Je n'étais pas au courant. J'étais sous stérilet et, après de fortes douleurs, je suis allée aux urgences où j'ai découvert que j'étais enceinte », dit-elle, revenant sur ce jour fatidique. Après une échographie, ils ont vu qu'il y a une hémorragie et la femme de 43 ans a perdu beaucoup de sang. « J'ai dû être opérée d'urgence et on m'a retiré une trompe », se souvient-elle d'un air triste. En bon croyante, la mère de deux enfants finit par encaisser le coup grâce au soutien de son époux.

L'histoire de Coumba Sène ressemble, à quelques détails près, à celle de Alimatou. La femme de 31 ans a su son état 30 minutes avant de passer sur le billard pour interrompre la grossesse. Coumba a été alertée par des maux de ventre et des saignements qu'elle met sur le compte de règles douloureuses. Mais, cette dernière finit par se rendre à l'hôpital. « Je ne comprenais pas vraiment ce qui m'arrivait. Tout était nouveau pour moi », avoue-t-elle. Cette dernière prit peur sur le coup. « J'étais terrifiée à l'idée de ne plus revoir les siens », confie la trentenaire. Après l'intervention, on lui annonce qu'elle a perdu une trompe. Depuis cette mésaventure, Coumba Sène révèle avoir peur de refaire une autre Geu. En convalescence depuis un mois, elle espère retomber enceinte au plus vite.

« Je suis en quête d'un bébé depuis 8 ans »

Agnès Ndour a déjà eu la chance de connaître les joies de la maternité. Cette dernière est la maman d'un petit garçon né en 2015. Après cet heureux évènement, elle décide de ne prendre aucun moyen de contraception. Mais, au bout d'un an, Agnès commence à s'inquiéter de ne pas tomber enceinte. « Je l'ai mis sur le compte de l'allaitement exclusif que je pratiquais. Par ailleurs, j'ai fait des consultations chez le gynéco mais, tout a été normal », dit-elle peinée. Durant six ans, la mère de famille n'arrive toujours pas à tomber enceinte. « Rien ne m'empêchait de contracter une grossesse et il n'y avait rien à signaler également du côté de mon mari », explique Agnès. C'est finalement en fin janvier 2020, après examens, analyses, échographies qu'elle finit par tomber enceinte. « J'étais aux anges et j'avais hâte de revivre à nouveau l'expérience de la grossesse », avoue-t-elle. Mais, deux jours après, un samedi, la jeune femme commence à se plaindre de légers maux de ventre.

« C'est à l'hôpital que j'ai appris pour ma Grossesse extra-utérine. C'était tout nouveau pour moi et je ne pouvais m'arrêter de pleurer », confie-t-elle. Agnès avoue avoir pleuré ces années passées à espérer un nouveau bébé. « J'ai subi une intervention en urgence. Durant l'opération, j'ai eu un début d'hémorragie. J'ai cru que j'allais y laisser ma vie », dit-elle, revenant sur cet épisode. Elle révèle avoir beaucoup souffert après cette intervention. Elle en ressort avec une ablation de la trompe et de l'ovaire gauche. Une dépression s'ensuivit. « Mes proches me réconfortaient en me disant que j'avais au moins un fils. Mais, ils ne comprenaient pas ma détresse », dit-elle. En dépit de sa Geu, la femme de 34 ans tente de retomber enceinte. « Je suis en quête d'un bébé depuis 8 ans. Je suis un traitement », informe-t-elle.

Première cause de décès au premier trimestre de la grossesse

La Grossesse extra-utérine suscite énormément d'interrogations chez les patientes. Le Secrétaire général de l'Association sénégalaise des gynécologues obstétriciens revient sur cette complication, cause de mortalité.

Une Grossesse extra-utérine (Geu) est située en dehors de l'utérus. Après la fécondation, qui a lieu dans la trompe, l'oeuf formé va progresser vers la cavité utérine, en augmentant de volume régulièrement : on appelle cela la migration. « Il arrive parfois que cette migration soit gênée ou retardée, ce qui entraîne un blocage de l'oeuf dans la trompe et l'implantation de la grossesse dans un lieu non adapté », a expliqué Dr Abdoulaye Diop, secrétaire général de l'Association sénégalaise des gynécologues obstétriciens.

Cette grossesse dans la trompe (ou ailleurs hormis l'utérus) s'appelle la Geu. « Il n'y a pas de durée d'apparition de la Geu car, étant l'implantation anormale de la grossesse, elle finira inexorablement vers une complication tôt ou tard, souvent entre 8 et 12 semaines d'aménorrhée », a fait savoir le gynécologue. Ce dernier renseigne que, dans certains cas, la Geu peut conduire à une hémorragie interne. Le principal risque est le décès lié à cette hémorragie interne. « Geu est d'ailleurs la première cause de décès au premier trimestre de la grossesse », affirme-t-il.

Les autres complications peuvent être une hémorragie, un décès, une récidive dans la trompe controlatérale aboutissant à une infertilité, si on fait deux Geu. Dans ces complications, les chances de retomber enceinte dépendent du type de Geu, selon le gynécologue. « Si c'est une Geu maladie, les circonstances de survenue de la grossesse extra-utérine sont réunies donc, il y a un risque de récidive ou de survenue d'avortement à répétition. Si c'est une Geu accident, la chance de grossesse ultérieure est intacte », explique-t-il.

DR DAOUDA CISS, GYNÉCOLOGUE-ACCOUCHEUR À L'HÔPITAL GÉNÉRAL IDRISSA POUYE DE GRAND YOFF

« Une femme qui a déjà fait une grossesse extra-utérine a plus de risques d'en faire une autre »

La Grossesse extra-utérine est le développement et la nidation de l'oeuf en dehors de la cavité utérine. Dans cet entretien, Dr Daouda Ciss, gynécologue-accoucheur à l'hôpital Général Idrissa Pouye de Grand Yoff, explique que plusieurs facteurs peuvent être à l'origine de cette complication.

Quelles sont les causes d'une Grossesse extra-utérine ?

Il n'y a pas de cause évidente. Il n'y a que des facteurs de risques. Les plus fréquents sont d'abord la contraception et les antécédents de Grossesse extra-utérine. Une femme qui a déjà fait une grossesse extra-utérine a également plus de risques de refaire une Geu. Le tabagisme, les causes tubaires comme une malformation au niveau de la trompe font partie des facteurs de risques. La fécondation in-vitro, ainsi que l'endométriose, peuvent aussi être des causes. Il y a également les causes compressives à savoir toutes les tumeurs ovariennes, pelviennes, utérines et qui peuvent comprimer la trompe, les dispositifs intra-utérins, c'est-à-dire la pose du stérilet. Dans certains cas, on ne trouve pas la cause. C'est idiopathique.

Quand apparaissent les signes d'une Geu ?

Cela varie d'une femme à une autre. Ce sont des signes de grossesse à savoir des vomissements, des nausées. Le premier signe est le retard des règles. Il peut y avoir des saignements vulvaires en cas de complications. On peut également avoir des douleurs abdominales ou pelviennes, surtout dans le cas d'une grossesse rompue. Mais, quand ce n'est pas rompu, on n'a pas de signe. On constate le retard des règles, on fait un test de grossesse, une échographie et on voit qu'il y a une grossesse en dehors de l'utérus. Hormis ces complications, les signes sont latents.

Ces signes permettent-ils de détecter une grossesse extra-utérine ?

Nous nous basons sur les signes, le test de grossesse positif, l'échographie. À l'issue de l'échographie, s'il n'y a pas de sac intra-utérin, on demande le dosage des hormones. C'est ce qu'on appelle le « Beta Hcg ». S'il est élevé en taux, c'est-à-dire supérieur à 1500 unités, et qu'il n'y a pas de sac dans l'utérus, on conclut à une Geu. On se base sur le taux hormonal de « Beta Hcg ». Dans ces cas de figure, on fait un traitement médical. On surveille la décroissance du Beta Hcg par les médicaments. C'est lorsqu'elle est détectée tôt. Si le diagnostic est précoce, on n'opère pas. C'est en cas de complications qu'on opère. Lorsque c'est une grossesse extra-utérine rompue, il y a une complication. On peut enlever la trompe, elle aura une chance de grossesse sur deux. Il peut y avoir également des risques d'hémorragies, d'anémie aiguë, sévère, de cardiopathie. Elle peut mourir à cause du degré d'anémie sévère. Il faut donc éviter la cigarette, les infections sexuellement transmissibles et certaines contraceptions qui sont des facteurs de risques.

Propos recueillis par A. NDIAYE

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.