Initialement prévu pour le 19 mars 2023 et reporté en raison d'obstacles multiples dont des difficultés d'ordres économique, logistique, administratif et sécuritaire, le référendum sur le nouveau projet de Constitution a finalement a eu lieu le 18 juin dernier au Mali.
Au-delà des résultats, c'est un premier rendez-vous aux urnes, tenu par les autorités de la transition, qui mérite d'autant plus d'être salué que le pari n'était pas gagné d'avance. Et ce, au regard de la situation sécuritaire du pays qui reste encore fortement préoccupante. Pour autant, avec la tenue de ce référendum, peut-on dire que le plus dur est passé ?
La question est d'autant plus fondée qu'au-delà du vote lui-même, les Maliens étaient très divisés sur le contenu de cette Loi fondamentale censée apporter des changements fondamentaux dans la gestion du pays. Dans la forme, la tenue de cette première consultation populaire est un premier pas qui pourrait rassurer la communauté internationale ; tant le scrutin, en lui-même, se veut, pour la junte au pouvoir à Bamako, un gage de bonne foi dans sa volonté de conduire à terme la transition en vue du rétablissement de l'ordre constitutionnel.
Tout porte à croire que le Mali n'est pas encore sorti de l'auberge, que ce soit le « Oui » ou le « Non » qui l'emporte
Mais dans le fond, la vive contestation dont cette Constitution a été l'objet, fonde à croire qu'elle reste éminemment conflictogène, d'autant que si le vote n'a pu se tenir dans certaines localités du pays pour des raisons sécuritaires, dans d'autres comme par exemple à Kidal où l'organisation du vote a été purement et simplement interdite par les ex-rebelles qui contrôlent la ville, c'est le projet de texte, lui-même, qui a été rejeté.
Preuve, si besoin en est, que les séparatistes du Nord ne se reconnaissent pas dans cette nouvelle Loi fondamentale. Alors, quels lendemains pour le Mali, au sortir de ce scrutin pour l'adoption d'une Constitution qui peine véritablement à fédérer les Maliens ? La question se justifie d'autant plus que tout porte à croire que le Mali n'est pas encore sorti de l'auberge, que ce soit le « Oui » ou le « Non » qui l'emporte.
En effet, si c'est le « Non » qui est majoritairement voté, au-delà du cinglant désaveu, ce serait un véritable camouflet pour la junte au pouvoir qui semble avoir tout misé sur ce référendum, en liant son sort à l'adoption d'une loi censée non seulement couvrir ses arrières en mettant les doubles tombeurs d'Ibrahim Boubacar Kéita et de Bah N'Daw à l'abri d'éventuelles poursuites, mais aussi en leur ouvrant de nouvelles perspectives s'ils devaient être éligibles au scrutin de fin de transition. Et dans ces conditions, rien ne dit que les autorités de la transition ne mettront pas un point d'honneur à organiser un nouveau référendum, pour ne pas rester sur un cuisant échec potentiellement lourd de conséquences.
En revanche, si c'est le « Oui » qui l'emporte, tout porte à croire qu'au-delà de la légitimité recherchée, il faudra plus que du tact aux autorités de la transition pour recoller les morceaux du vase de la confiance brisée entre concitoyens, relativement au contenu d'une Loi fondamentale qui divise profondément les Maliens.
Le résultat du référendum permettra-t-il de mettre fin à la controverse ?
Entre les deux, la marge de manoeuvre des autorités intérimaires semble bien réduite, au regard du chronogramme électoral qui prévoit d'autres scrutins électoraux devant aboutir au retour à l'ordre constitutionnel en mars 2024. Reste à savoir si la tenue de ce référendum qui demeure, quoi qu'on dise, un test grandeur nature de la capacité des autorités intérimaires à organiser un vote, emportera respect des engagements des militaires maliens concernant le calendrier de la transition que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) surveille comme du lait sur le feu.
Ou si un glissement de chronogramme reste envisageable au regard des nombreuses difficultés qui ont émaillé ce scrutin qui a permis, entre autres, de constater que le défi sécuritaire reste entier. En tous les cas, entre boycott du scrutin et incidents signalés dans des régions où les électeurs ont pu se rendre aux urnes, l'engouement des partisans du référendum n'a pas permis de combler la faible affluence dans les bureaux de vote.
C'est dire si l'éventualité d'un faible taux de participation, ne sera pas une surprise. Et cela pourrait avoir pour conséquence de remettre au goût du jour, le débat sur la légitimité d'un scrutin qui n'a pas réussi, en amont, à faire consensus, si ce n'est d'argument ou de prétexte, c'est selon, aux contempteurs de la junte, pour continuer à ruer dans les brancards.
En tout état de cause, entre question de la laïcité de l'Etat, renforcement des pouvoirs du président, amnistie pour les putschistes et leur éligibilité aux scrutins de fin de transition qui sont autant de dispositions de la nouvelle loi, ce ne sont pas les sujets de discussion qui manquent. Le résultat du référendum permettra-t-il de mettre fin à la controverse pour tourner définitivement la page des débats ? On attend de voir.