Ile Maurice: Stephanie Chitpin - Effacer la honte, un moteur de réussite

Un bébé abandonné à Hong Kong que l'on fait entrer clandestinement à Maurice. Stephanie Chitpin, élevée comme une pupille dans une pagode, était vouée à une vie religieuse. Mais son désir d'apprendre en décidera autrement. C'est la clé de ses mémoires, «Keep my memory safe Fook Soo Am, The Pagoda»

Des débuts difficiles dans la vie. Un bébé dont les parents - qui ne sont pas mariés - ne veulent pas. Une jeune existence dont on se débarrasse en la faisant entrer clandestinement dans le pays, dans un panier de paille. Le destin de Stephanie Chitpin est à la fois hors norme et émouvant. Elle-même ne peut lire des extraits de son autobiographie sans arroser son histoire de larmes.

C'est avec transports que Keep my memory safe Fook Soo Am, The Pagoda a été lancé le jeudi 15 juin, à l'Audi Zentrum, sous les auspices de Philip Ah Chuen. Il s'agit de l'autobiographie de Stephanie Chitpin, Full professor of leadership à la faculté d'éducation de l'université d'Ottawa, au Canada. En 2020, elle y a reçu le Research Excellence Award.

Ses souvenirs peignent un tableau parfois perturbant, parfois attendrissant du bébé sans famille voué à devenir une nonne. Mais elle fera tout pour changer son destin. Jusqu'à partir. Quitter la pagode de Port-Louis, pour le Canada. Partir pour mieux se retrouver.

L'autobiographie de Stephanie Chitpin n'est pas de ces histoires embellies par leur auteur. Elle ne fait pas mystère des gifles reçues, au propre comme au figuré. Elle ne cache rien des travers de la nature humaine, des inégalités. Des blessures qui vous affligent, longtemps après les avoir reçues. Keep my memory safe, c'est le pari réussi de la sincérité. Faire table rase de ce qui a été. Pour affronter ce qui a fait si mal, si longtemps.

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En prologue, l'auteur s'épanche : «I left Mauritius not because I had a thirst to discover another world, or even because I was curious to meet other people (...) Rather, it was to escape a haunting outline of shame circumscribing every aspect of my life (...) When I was teased by classmates or called a bastard, I pretended that I did not understand and that it did not hurt (...) Shame has followed me since birth. Being born ashamed of my veiled origins, and shame about my lack of legitimacy in the eyes of the Mauritian state, I learned to create my own sense of self early on.»

Le cycle est complet. Le bébé abandonné, voué à une vie de service, de sacrifices et de dénuement comme nonne dans une pagode à Port-Louis, a atteint la rédemption. C'est ce qui explique sans doute pourquoi, après tant de péripéties, «in 2021, I created a scholarship at the University of Ottawa in Ah Pak's name: the Ah Feeti of Fook Soo Am Memorial Scholarship. Through this I hope to help racialized students, including Indigenous, Métis and Inuit, who are pursuing undergraduate degrees in the faculty of Education», écrit l'auteure.

En filigrane : des images qui donnent à réfléchir sur l'évolution de la condition des femmes. Et des mentalités. Keep my memory safe, c'est une galerie de portraits de femmes à forte trempe. À commencer par Ah Pak, la fondatrice de la pagode Fook Soo Am. Koung Koung, l'ancienne supérieure devenue subordonnée. Hannah, mère de famille et nounou. Francine, qui voit bien que ses parents ne traitent pas ses frères et elle de la même façon. C'est dans une ambiance de gatoawi, de nouilles faites maison, servies les jours de fête avec du satini et de corvées de tasses de thé au jasmin, que Stephanie Chitpin se forge. À l'ombre d'une belle figure paternelle, monsieur Chui.

«My spontaneous feedback to professor Chitpin over the phone was, You are so brave!», écrit en avantpropos, soeur Cécile Leung, professeure émerite, Winthrop University, Caroline du Sud. «Besides being an inspirational true story, the memoir saves from oblivion historical facts about the founding of Fook Soo Am and life in Chinatown in rue Léoville L'Homme in the '70s.»

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