Burkina Faso: OWL Afro Festival 2023 en Allemagne - « Le Burkina a le mérite d'être plus connu », Malick Koutou, promoteur

Malick Koutou est un Burkinabè résidant dans la ville de Bielefeld en Allemagne depuis 17 ans. Gestionnaire logisticien de formation, il est aujourd'hui gestionnaire de projet. Socialement engagé au sein de la communauté burkinabè et aussi de l'Afrique subsaharienne résidant en Allemagne, Malick Koutou a occupé le poste de secrétaire général de l'association des ressortissants burkinabè en Rhénanie du Nord Wesfalie et a été élu en 2018 comme délégué au Conseil supérieur des Burkinabè de l'étranger (CSBE) de la juridiction pour un mandat de 3 ans. Aujourd'hui, il est le président de l'association Afrika Wakati e.V. qui fait la promotion de la culture de l'Afrique subsaharienne en République fédérale d'Allemagne. Dans cet entretien accordé à Sidwaya lors de son passage à Ouagadougou, M. Koutou explique les objectifs visés par son association et le festival dénommé « OWL Afro Festival 2023 » prévu pour se tenir en août 2023 en Allemagne avec comme pays invité d'honneur le Burkina Faso.

 Présentez votre association à nos lecteurs

Afrika Wakati e.V, comme vous pouvez le constater « Wakati » est un mot utilisé dans pratiquement toutes les communautés africaines. En dioula, il signifie le « temps ». Afrika Wakati . En effet, e.V. veut dire le temps des Africains est arrivé (Wakati Sera en langue dioula). Comme le nom l'indique, nous avons décidé de nous lever pour revoir la manière de faire et d'agir de la communauté africaine résidant en Allemagne pour plus d'engagement politique et social. Afrika Wakati e.v est une association de droit allemande qui a pour objectif, la promotion de la culture de l'Afrique subsaharienne en République fédérale d'Allemagne ; la promotion de la tolérance et l'intégration ; la réalisation de projets de solidarité en Allemagne et en Afrique où le besoin se fait sentir. Elle se donne pour mission l'accompagnement et l'assistance à l'éducation et à la formation professionnelle. Très souvent, bien d'autres communautés parlent au nom des noirs africains. Afrika Wakati e.V. est donc un outil pour marquer notre présence dans toutes les couches sociales en Allemagne. L'association a été créée en 2021. Elle est certes jeune mais elle se distingue des autres structures par son engagement et son pragmatisme. Elle n'est pas uniquement un regroupement de burkinabè, mais une association de toutes nationalités confondues, de toutes personnes sensibles à la culture africaine, à la personne africaine résidant en Allemagne. La structure comporte une vingtaine de membres constitués de Turcs, des Kurdes, des Allemands et des Africains engagés socialement pour la communauté africaine.

Quelles sont les activités menées par votre association durant ses 3 années d'existence ?

En 2021, où le monde était confronté à la crise sanitaire mondiale, il s'agit bien évidemment de la COVID-19, nous avons créé l'association en plein confinement. C'était à une période où on parlait de l'obligation de se vacciner. La première action que nous avons menée en collaboration avec notre mairie, celle de Bielefeld était de créer une plateforme où un débat était ouvert sur ce sujet. C'est ainsi que nous avons pu regrouper une centaine de personnes autour de la question de la vaccination. Le problème de la vaccination est que nous Africains, nous avons des antécédents assez négatifs, des expérimentations qui ont été faites par exemple au Nigeria dans les années 1960 où la population a toujours des séquelles. Nous avons donc eu l'opportunité d'inviter un médecin africain et tout le public avait la latitude de poser toutes ses inquiétudes et les questions concernant le vaccin. Il n'était pas seulement question de sensibiliser les gens à aller se faire vacciner mais aussi de permettre à tout un chacun de pouvoir interagir avec les autres. C'était un débat ouvert. L'année 2022 a été une grande année pour nous, parce que nous avons organisé trois festivals différents. Nous avons renforcé nos capacités, nous avons fait un accompagnement des femmes et notre activité majeure est en lien avec la crise en Ukraine. Nous avons tous vu sur les médias et réseaux sociaux comment nos frères africains étaient persécutés en Ukraine. Notre association et nos amis avons décidé d'accueillir ceux qui avaient besoin d'aide. C'était vraiment avec des amis et à titre personnel que nous avions initié cette action. C'est ainsi que nous avons pu accueillir une cinquantaine d'Africains, dont la majeure partie était des étudiants africains en Ukraine, dans notre ville pour leur réinsertion. Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous leur avons tous permis avec la collaboration des services communaux de s'installer dans notre ville, loin de la guerre. Ces jeunes étudiants venant de l'Ukraine sont présentement inscrits à l'université de notre ville, ils ont même eu la bourse grâce à nos efforts et nous sommes très fiers de dire qu'ils sont bien insérés dans la société allemande.

Cette année, quelles activités prévoyez-vous dans le cadre de votre association ?

Après toutes les expériences suscitées, nous avons réfléchi à ce que nous pouvons apporter comme plus-value à nos pays d'origine. Et c'est alors que l'idée de faire un festival est née. La raison est que nous utilisons beaucoup l'outil culturel pour sensibiliser les communautés en Allemagne. Nous prônons le vivre-ensemble et le partage, raison pour laquelle nous avons donc décidé d'utiliser l'outil culturel pour apporter une plus-value pour nos pays. On peut dire que nous nous sommes un peu inspirés du FEMUA (Festival des musiques urbaines d'Anoumabo) de la Côte d'Ivoire pour créer notre projet qui consiste à organiser un festival où à chaque édition un pays africain serait invité d'honneur. L'aspect original de ce projet est de faire plus de partages d'expériences sur des thématiques choisies de commun accord avec le pays invité d'honneur. Nous avons estimé que cette manière de procéder serait beaucoup plus bénéfique pour nos Etats. Cette année, c'est le Burkina Faso qui est le pays invité d'honneur et le thème, c'est « Agriculture bio et commerce équitable ». Nous invitons le Burkina Faso à venir se présenter sur toutes ses facettes en matière d'agriculture et de commerce et ce, pendant une semaine. Nous espérons une grande mobilisation des Burkinabè.

Vous avez parlé tantôt de la culture. D'autres secteurs seront-ils à l'honneur à ce grand rendez-vous ?

En effet, nous travaillons sur ce projet depuis un an. Notre démarche n'est pas d'écrire un projet depuis l'Allemagne pour le Burkina Faso. Il fallait d'abord approcher les autorités pour les informer du projet et du fait que le Burkina Faso a été désigné comme pays invité. Il fallait aussi écouter les attentes du Burkina en tant que pays invité d'honneur. Les autorités ont souhaité que l'agriculture, l'artisanat, la culture et l'éducation soient les thèmes qui seront abordés. C'est ainsi que nous avons travaillé beaucoup avec l'administration burkinabè, les techniciens des différents ministères impliqués dans le projet. C'est d'ailleurs l'occasion pour moi de remercier l'ensemble de ces techniciens qui nous ont aidés énormément en nous exprimant clairement leurs besoins et attentes autour desquels a été construit le projet.

Une date est-elle prévue et comment l'évènement va se dérouler ?

Le festival est prévu du 28 août au 03 Septembre 2023 en Allemagne. Nous prévoyons l'arrivée des délégations à partir du 27 août et leur retour le 04 septembre. Les délégations se composent de techniciens dans chaque domaine parce que nous aimerons que ces délégations qui viennent, partagent leurs expériences. Nous ne demandons pas à une délégation de venir uniquement apprendre des Allemands parce que nous pensons que notre pays a beaucoup de potentialités qu'ils peuvent montrer et expliquer. C'est ainsi que pour l'agriculture, nous avons retenu des thèmes que le ministère a souhaités. Il s'agit de l'agriculture bio qui sera abordé avec des sous-thèmes comme la certification bio, l'utilisation des pesticides, le warrantage et l'utilisation de l'eau. Le thème sur l'eau nous tenait à coeur parce que nous avons eu cette discussion plusieurs fois avec les agriculteurs allemands. Ils veulent comprendre comment dans un pays où il pleut trois mois dans l'année, les agriculteurs arrivent à s'en sortir. En Allemagne, ils ont l'eau tout le temps. Nous pensons que cette expérience serait bénéfique à la partie allemande.

Concernant l'artisanat, nous avons aussi étudié les attentes du ministère du commerce qui a souhaité qu'on crée une plus-value à l'artisanat. La question que nous nous posions était de savoir si nous avons les capacités de recevoir des artisans, de trouver le public nécessaire qui viendra voir leur travail et créer une plus-value pour eux. Nous avons trouvé que nous n'avons pas cette capacité. Comme solution alternative, nous avons pris attache avec l'une des grandes foires de jardinage de notre Etat, c'est la foire de jardinage de la ville de Höxter (Landesgartenschau Höxter 2023 landesgartenschau-hoexter.de).

Cette foire reçoit environ 500 mille visiteurs par édition et ils ont été très enchantés de recevoir une délégation burkinabè qui viendra représenter le Burkina Faso. De surcroit, cette foire n'a jamais reçu une délégation africaine alors qu'ils ont un hall de l'artisanat. Les responsables de la foire se proposent d'offrir gracieusement une dizaine de stands à la délégation burkinabè. Nous invitons donc les artisans burkinabè à venir représenter valablement le Burkina pendant 8 jours à cette foire.

Qu'en est-il du côté de la culture ?

Nous avons prévu combler l'attente du ministère en charge de la culture qui a souhaité que les intervenants du milieu culturel burkinabè rencontrent ceux de l'Allemagne dans notre région. Des contacts ont déjà été pris avec des acteurs culturels de l'Allemagne. Nous avons prévu des activités culturelles chaque soir pendant la période du festival. Nous avons créé une plateforme où les acteurs culturels burkinabè pourront montrer leur savoir-faire aux cotés des acteurs allemands. N'oublions pas non plus la date du 02 Septembre prévue pour le festival avec une trentaine de stands et un podium avec des artistes burkinabè comme Mamadou Diabaté et Adama Dicko. Nous espérons que des coopérations sortiront de ce cadre pour une plus grande visibilité de la culture burkinabè.

L'argent est le nerf de la guerre, comment comptez-vous financer toute cette activité ?

M. K. : Nous sommes déjà dans la gestion des projets en Allemagne. De ce fait, nous avons acquis une certaine confiance des structures qui accompagnent les projets. Pour ce projet, nous nous sommes basés sur les 17 ODD (Objectifs de développement durable) des Nations unies pour voir comment nous pouvons apporter une plus-value au Burkina Faso. Il était très difficile de convaincre ces structures mais avec les partenaires (coorganisateurs) que nous avons en amont comme Welthaus Bielefeld, Welthaus Minden et Synergize, ils ont compris que nous avons une expérience. Et c'est ce qui nous a permis d'avoir des partenaires pour regrouper tout le budget.

Au-delà du fait que nous sommes Burkinabè, nous nous disons que le Burkina a le mérite d'être plus connu en Allemagne surtout dans cette période difficile qu'elle traverse. C'est ainsi que nous avons pu convaincre nos partenaires qui nous accompagnent et qui financent entièrement l'activité. Au regard de la situation actuelle, le pays ayant d'autres priorités, nous n'avons pas jugé nécessaire de solliciter une aide financière au Burkina. Mais nous avons l'accompagnement des autorités burkinabè.

Si une délégation burkinabè doit venir en Allemagne, il faut bien une autorisation des autorités burkinabè et que les acteurs qui ne peuvent pas financer leurs voyages aient l'accompagnement des autorités. C'est l'occasion pour nous de remercier les autorités burkinabè, les ministères en charge des affaires étrangères ; de la Culture ; du commerce ; de l'agriculture et le ministère en charge de l'enseignement supérieur sans oublier l'ambassade de l'Allemagne au Burkina.

Quel est le regard des autorités allemandes sur votre association ?

Nous avons été à plusieurs reprises félicités. Si nous avons pu créer cette plate-forme, c'est avec l'accompagnement des autorités allemandes. Ce projet est parrainé par une députée allemande du nom de Christina Osei. Nous avons aussi pu mobiliser le ministre de l'Agriculture de notre Etat en Allemagne qui sera présent au festival. Nous avons une région de 8 villes et sur les 8 villes, 6 sont partenaires du festival. Des fermiers ont accepté mettre leurs fermes à notre disposition. La semaine d'action sur l'agriculture se déroule dans 5 villes et dans différentes fermes bio. Les deux premiers jours, la délégation d'agriculteurs va visiter une ferme bio qui fait de la culture maraichère où il y aura une table ronde publique portant sur les normes de production alimentaire écologique/biologique.

La délégation d'agriculteurs sera le troisième jour dans la Ferme Brinkman oû il y aura des échanges sur les thèmes portant sur l'accès aux semences sans pesticides, hybrides et OGM, de la conservation des variétés et de la biodiversité, ainsi que du lien entre le changement climatique, la pénurie d'eau et la qualité des sols. Le quatrième jour, la délégation sera reçue par une association des agriculteurs solidaires. Cette visite portera sur le sujet du maintien des connaissances traditionnelles, les soucis de la relève et les nouvelles formes d'organisation d'agriculture à petite échelle et ensuite suivra la visite d'une école agricole. Nous espérons que cette visite inspirera la partie burkinabè et qu'on aura une école de la classe de 6e à la terminale où on pourra étudier l'agriculture. La quatrième ville à visiter propose une ferme où sa spécialité est de produire des céréales et de les transformer en pain. Aujourd'hui où la problématique de la hausse du prix du blé se pose chez nous au Burkina Faso alors que nous produisons beaucoup de céréales, pourquoi ne pas aussi créer des boulangeries artisanales comme le font les Allemands ?

Aucune oeuvre n'étant parfaite, quelles difficultés rencontrez-vous dans la préparation de ce festival ?

Nous travaillons dans un système différent à celui du Burkina. Les partenaires allemands évoquaient la lenteur au niveau du Burkina. Nous leur avons expliqué les raisons qui ont conduit à une telle situation, notamment les changements au niveau institutionnel et les difficultés que traverse le pays. S : Avez-vous déjà pensé à l'après festival en termes de perspectives ? M. K.: Nous cherchons le long terme. Nous ne voulons pas faire du folklore. Nous voulons évaluer ce projet à moyen terme pour voir en termes de plus-value ce que nous avons apporté au Burkina.

C'est ainsi que nous avons pris attache avec la faculté de Design de l'Université de Bielefeld dans notre ville qui a déjà envoyé une invitation à l'Ecole polytechnique de Ouagadougou qui a aussi une faculté de design. A ce niveau, nous parlons de la valorisation du « Faso dan fani ». Mais nous avons remarqué qu'il manque une filière académique pour travailler dans ce domaine. En Allemagne, nous sommes en train de créer notre premier atelier communautaire dédié au « Faso dan fani ». Nous travaillons en outre pour une collaboration entre la chambre des métiers du Burkina et celle de notre région en Allemagne. Nous espérons que d'autres coopérations sortiront de ce projet pour une plus grande visibilité du Burkina.

 

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