Erythrée: Un Expert indépendant dénonce la politique de détention arbitraire et de répression de l' Érythrée

20 Juin 2023

« Le système de gouvernement autocratique de l'Érythrée viole le droit de tous les Érythréens à participer à la vie politique ou publique », a dénoncé, mardi devant le Conseil des droits de l'homme, un expert indépendant onusien, relevant une poursuite de la politique de détention arbitraire et de répression de ce pays le plus septentrional de la Corne de l'Afrique.

« L'Érythrée a poursuivi sa politique de détention arbitraire et de répression continue de toute forme de dissidence », a affirmé Mohamed Abdelsalam Babiker, Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Érythrée. Des journalistes, des opposants politiques, des artistes, des croyants, des réfractaires et des demandeurs d'asile renvoyés ont été victimes de graves violations des droits de l'homme.

Il s'agit notamment de disparitions forcées, de tortures et de détentions arbitraires prolongées dans des conditions inhumaines ou dégradantes. « Je demande instamment à l'Érythrée de libérer rapidement toutes les personnes détenues illégalement et arbitrairement », a-t-il ajouté. Selon l'expert indépendant, ces libérations constitueraient « un signal important » de la volonté du gouvernement d'améliorer son bilan en matière de droits de l'homme.

400 chrétiens évangéliques et 27 témoins de Jéhovah toujours emprisonnés arbitrairement

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« Il est également essentiel de révéler le lieu où se trouvent les personnes victimes de disparitions forcées et de permettre à leurs familles de leur rendre visite », a-t-il poursuivi, relevant que des familles continuent de vivre dans « un état de peur permanente et de chagrin non résolu, dans de nombreux cas des années ou des décennies après leur disparition ».

Par ailleurs, la foi et les croyances religieuses sont fortement restreintes et contrôlées par le gouvernement, qui n'autorise que quatre confessions religieuses. « Depuis mon dernier rapport au Conseil, la répression de la liberté de religion ou de conviction s'est intensifiée, avec de nouvelles vagues d'arrestations massives de chefs religieux et d'adeptes », a détaillé l'expert.

En avril, on estimait que 400 chrétiens évangéliques et 27 témoins de Jéhovah étaient toujours emprisonnés arbitrairement. Les chefs religieux et les croyants sont détenus dans des conditions inhumaines et dégradantes, sans inculpation ni procès en bonne et due forme, souvent depuis des années. En octobre 2022, trois prêtres catholiques ont été détenus arbitrairement et libérés fin décembre. Plus de 40 moines orthodoxes, partisans du défunt patriarche de l'Église orthodoxe Abune Antonios, qui avaient ouvertement critiqué le gouvernement, avaient été arrêtés en avril 2023.

Les Érythréens toujours soumis système de travail forcé et du service militaire

Plus largement, la situation générale des droits de l'homme en Érythrée a continué à se détériorer. « J'appelle les membres du Conseil et la communauté internationale dans son ensemble à prendre toutes les mesures possibles et à exercer une pression maximale sur l'Érythrée afin de promouvoir le respect des droits de l'homme en Érythrée et de garantir l'accès à la justice et à l'État de droit au peuple érythréen », a fait valoir M. Abdelsalam Babiker.

Sur place, le service national reste l'un des principaux outils de contrôle social imposé par le gouvernement érythréen. Les Érythréens continuent d'être contraints de participer à ce système de travail forcé et de service militaire parrainé par l'État, et d'y servir pendant des années, voire des décennies.

Les schémas de conscription décrits dans le dernier rapport au Conseil du Rapporteur spécial se sont intensifiés. Au milieu de la fin de l'année 2022, il indique avoir assisté à « une recrudescence du recrutement forcé.

Des pratiques de plus en plus « coercitives » ont été utilisées pour forcer les Érythréens à participer à la guerre du Tigré. Les enfants ont continué à être rassemblés et enrôlés. « La conscription forcée a fondamentalement changé la vie en Érythrée », a regretté le Rapporteur spécial.

Plusieurs rapports sur la disparition de réfugiés érythréens

Le mois de mai de cette année a marqué les 30 ans de l'indépendance formelle de l'Érythrée et de sa reconnaissance internationale en tant qu'État. « Trois décennies plus tard, il n'y a pas d'État de droit, d'indépendance du pouvoir judiciaire et de séparation des pouvoirs », a constaté l'expert, ajoutant que « le pouvoir absolu du président n'est soumis à aucun contrôle ni contrepoids ».

Depuis des décennies, tous les aspects de la vie en Érythrée sont « surveillés et strictement contrôlés. Le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ) reste le seul parti autorisé. Il n'y a pas non plus de médias indépendants, de société civile ou d'opposition politique dans le pays, a dénoncé l'expert.

Dans ce climat, plus de 577.000 Érythréens avaient demandé l'asile en dehors de leur pays à la fin de l'année 2022, selon l'Agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR). « Plus récemment, la situation des 134.000 réfugiés et demandeurs d'asile érythréens au Soudan est devenue particulièrement grave. Déplacés une fois de plus, les réfugiés érythréens se retrouvent dans une situation extrêmement vulnérable ».

Le Rapporteur spécial indique avoir reçu plusieurs rapports sur la disparition de réfugiés érythréens, ce qui fait craindre que certains d'entre eux n'aient été enlevés par les autorités érythréennes. « J'insiste sur le fait que les demandeurs d'asile érythréens risquent fort d'être victimes de graves violations des droits de l'homme lors de leur retour dans leur pays d'origine », a-t-il conclu.

Note

Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d'établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

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