Le Mali a réclamé vendredi (16.06.2023) devant l'ONU, le "retrait sans délai" de la mission des Nations unies sur son territoire (Minusma).
"Le réalisme impose le constat de l'échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire", a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, devant les membres du Conseil qui doivent se prononcer le 29 juin sur un renouvellement du mandat de la mission de maintien de la paix qui expire à la fin du mois.
Pour Abdoulaye Diop, "la Minusma semble devenir partie du problème en alimentant les tensions communautaires et cela engendre un sentiment de méfiance des populations à l'égard de la Minusma et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Minusma."
Alors, "le gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la Minusma. Cependant le gouvernement est disposé à coopérer avec les Nations unies dans cette perspective", a ajouté le ministre, rejetant toutes les options d'évolution du mandat de la mission proposées par le secrétaire général de l'ONU.
"La décision des autorités maliennes a été très abrupte et j'ai été aussi surprise comme de nombreux observateurs. Mais, elle s'inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par les autorités maliennes qui consiste à affirmer la souveraineté du Mali en opposition aux positions de la communauté internationale", estime Niagalé Bagayoko, chercheuse en relations internationales et présidente de l'African Security Network jointe par la DW.
"Cette décision s'inscrit dans le droit fil de la détérioration des relations entre le Mali et la France. Il ne faut pas oublier le départ de l'opération Barkhane du Mali et le retrait du Mali du G5 Sahel. Le Mali se positionne clairement aujourd'hui comme le chef de fil d'une position africaine désireuse de faire valoir la souveraineté et la vision nationale sur des solutions conçues par des partenaires étrangers", ajoute la chercheuse.
La goutte d'eau qui a fait déborder le vase ?
La publication en mai 2023 d'un rapport accablant de la Minusma accusant l'armée malienne et des combattants "étrangers" d'avoir exécuté au moins 500 personnes lors d'une opération présumée antijihadiste à Moura en mars 2022 serait une des raisons de la décision annoncée par les autorités maliennes.
"Depuis le renouvellement du mandat de la Minusma en juin 2022, les autorités maliennes ont clairement fait savoir leur refus de voir le mandat de la Minusma activer sur cette question des investigations sur les violations des droits de l'homme. Il faut saluer le courage de la Minusma qui a dénoncé avec grand courage les violations des droits de l'homme de la part de tous les acteurs après des enquêtes très sérieuses. Que ce soit les forces armées maliennes, étrangères ou les groupes d'auto-défense. Cette question des droits de l'homme est très importante pour les autorités maliennes qui y voit une instrumentalisation, une politisation de la question des droits de l'homme alors qu'elles ne sont pas les seules à avoir été mises en cause. Depuis une année, des entraves ont été faites à la mission par les autorités maliennes", explique Niagalé Bagayoko.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a été créée en 2013, prenant le relais d'une mission sous conduite africaine alors que le Mali était en proie à une rébellion islamiste menaçant l'Etat et qui perdure aujourd'hui.
Son mandat, renouvelé en 2022 et expirant le 30 juin, lui assigne d'appuyer l'application d'un important accord de paix avec d'anciens groupes rebelles du nord (non jihadistes); d'aider les autorités maliennes à stabiliser le centre, autre foyer de la violence; de protéger les civils; de défendre et protéger les droits humains.