Burkina Faso: Procès Vincent Dabilgou et 6 autres - L'avocat du NTD dessaisi, le dossier renvoyé au 26 juin

Alors qu'on s'attendait à la poursuite de l'instruction du dossier à la barre avec Vincent T. Dabilgou, hier 20 juin 2023, le conseil de l'ex-DAF, Me Amado Yoni, lui, n'entendait pas lâcher prise. La veille, cet avocat de Jean Gabriel Séré avait déclaré que son client porterait plainte contre l'ex-ministre des Transports et son conseil pour avoir produit de « fausses pièces » pour l'accabler. L'autre noeud gordien est que l'avocat du parti NTD dans cette procédure, Me Samuel Bougoum, a aussi défendu Jean Gabriel Séré, membre dudit parti, dans une autre affaire électorale à Ziniaré qui, est d'ailleurs toujours en cours, alors qu'il se retrouve dans la présente à plaider contre lui ; d'où un risque de conflit d'intérêts qui a conduit le tribunal à le dessaisir de cette affaire avant de renvoyer l'audience au 26 juin pour permettre au parti de s'attacher les services d'un autre avocat.

Après avoir rappelé le prévenu Vincent T. Dabilgou à la barre, le président de la Chambre correctionnelle du TGI Ouaga I a invité les avocats des autres prévenus qui auraient des questions à lui poser avant qu'il ne poursuive l'instruction à le faire. Une brèche dans laquelle le conseil de Jean Gabriel Séré, Me Yoni s'est engouffré reprenant là où il s'était arrêté la veille. Pour lui, les pièces produites par les avocats de Vincent T. Dabilgou sont « fausses » et n'ont pour objectif que de nuire à son client. Il a donc, au préalable, demandé au président de les écarter purement et simplement. Mais pour Me Seydou Roger Yamba, avocat de l'ancien ministre des Transports, c'est bel et bien Jean Gabriel Séré qui a remis ces pièces à son client au moment où il prenait fonction en 2018.

Il fait cas de trois documents dont des manifestations d'intérêt auprès de structures en Côte d'Ivoire ou à Bangui, en Centrafrique et souhaite de l'ex-DAF qu'il identifie exactement celles qui seraient « fausses » dans la liste des pièces. Me Amado Yoni, lui, se veut ferme. Son client ne reconnaît pas avoir fourni certains documents qui auraient été sortis de son téléphone volé.

Du côté du ministère public, il n'y a aucun doute sur la « fausseté » de certains documents. Il requiert donc leur mise à l'écart du dossier pour que les débats continuent sereinement mais convient tout de même avec la défense de Vincent T. Dabilgou qu'il faut identifier clairement ces documents afin que chaque partie en tire les conséquences. Ainsi, sur une vingtaine d'écrits, Jean Gabriel Séré pointe de « faux contrats », se dit surpris que des « papiers » le désignent comme P-DG d'une entreprise qui pourtant n'a qu'un gérant comme responsable. Il valide des ordres de virements qu'il juge exacts et doute de l'authenticité de relevés bancaires, le tout à partir du compte Ecobank discuté la veille.

L'ancien DAF reconnaît aussi les dépenses effectuées pour la rénovation du bureau de l'ex-ministre, la pose de rideaux et le changement de moquettes. « Mais, je n'ai jamais remis au ministre un document qui a été produit par le cabinet de Me Farama Ambroise, notamment un extrait d'acte de mariage », se défend le prévenu Séré, impliqué dans une autre affaire à Ziniaré où il avait été détenu cinq mois durant pour complicité de subornation de témoins dans le cadre électoral. C'est cette affaire du véhicule de l'Etat qui aurait servi au transport de militants du NTD dans ladite localité.

« Déontologiquement, il ne peut pas plaider ici contre son client »

Dans le dossier de Ziniaré, c'est Me Samuel Bougoum, alors avocat stagiaire au cabinet cité plus haut, qui était aux côtés de Jean Gabriel Séré, membre du Bureau exécutif national du NTD. Le même NTD, personne morale, qu'il défend dans la procédure actuelle. Les réactions fusent donc de part et d'autre, pour estimer que d'un point de vue déontologique Me Samuel Bougoum ne peut pas, dans ce cadre précis, plaider contre son client dans une autre affaire enrôlée depuis 2017 et toujours en cours ; qui pour faire remarquer aux juges qu'ils ne sont pas compétents pour se prononcer sur les règles régissant la profession d'avocat. Vincent T. Dabilgou, lui, fait noter qu'en matière de documents, le sieur Séré lui en a remis de deux types : l'un portant sur une autorisation à se rendre à Bangui et l'autre pour justifier de son train de vie lorsque lui-même ministre avait attiré son attention sur le fait qu'il avait battu «campagne à l'américaine». Me Samuel Bougoum se dit prêt à se déporter instamment de ce dossier pour son honorabilité, sous réserve de ce que dira son client le NTD, dont le répondant n'est autre que Vincent T. Dabilgou.

Une suspension est observée à 10h 40. Une quarantaine de minutes plus tard, Me Bougoum émet le souhait de recourir au Barreau sur cette question, quitte à mettre l'instruction du dossier en stand-by. Pour l'avocat de M. Séré et le ministère public, le tribunal est bel et bien compétent pour se prononcer sur une question de droit de la défense alors que la partie adverse craint un précédent dangereux si la Chambre venait à tomber dans ce « piège ». Passé une autre suspension, la Chambre a brandi une disposition de la profession d'avocat et pris acte de l'existence d'un conflit d'intérêts. En conséquence, Me Samuel Bougoum ne peut plus défendre les intérêts du NTD, dont le président entend s'attacher les services d'un autre avocat. L'audience a été renvoyée au 26 juin 2023 pour ce faire.

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