Enfin, le Rova Manjakamiadana renaît de ses cendres. Le 19 juin 2023 dernier, était un grand jour pour la capitale malgache, et la nation toute entière. Tout était beau à voir, les lumières, les décorations, le tapis rouge ont embelli le monument, chargé d'histoire.
Le régime actuel a le sentiment du devoir accompli. Toujours est-il que l'architecture suscite des polémiques. Il est baptisé «le musée de Madagascar», et cela choque certains conservateurs des régions. « Nous avons des doany, des zomba, des maisons d'ampanjaka, mais ces édifices ne sont-ils pas importants ? Maintes fois, nous avons fait appel aux autorités compétentes, mais je crois qu'ils font la sourde oreille », a martelé un des notables qui ne désire pas prononcer son nom.
Au XXIe siècle, quelques habitants des régions n'arrivent pas encore à digérer la conquête de Laidama. Ce ressentiment alimenté d'ici et d'ailleurs ira à l'encontre de l'Unité nationale, souhaitée par les aïeux.
Sans équivoque, la ville des Mille est la capitale de Madagascar. Pourtant, cette vérité est dure à avaler pour les traditionalistes des régions. Car d'après eux, « Antananarivo n'est pas Madagascar ». Une phrase maintes fois répétée par les adeptes de la décentralisation mais surtout les fédéralistes. Ces derniers prouvent que « le Pays avait plusieurs souverains, leurs moeurs, leurs structures sociales».
Et le gouvernement doit absolument considérer ces paramètres. « Madagascar se développe à grand pas si nous nous reconnaissons. Malheureusement, c'est le cas contraire. Je crois que les cultures des autres provinces ne sont pas mises en avant. L'Etat ne favorise qu'un seul groupe humain au détriment des autres. C'est dommage, mais cela a été comme ça depuis l'indépendance », cria un autre traditionaliste de Bemarivo.
D'une part, ces messieurs ont peut-être raison puisque l'assistance ne voit que des lamba landy et malabary lors des cérémonies d'ouverture et les fêtes solennelles à Iavoloha. Les kitamby et lambahoany sont mis de côté. « J'aimerais voir le président porter un pagne sakalava, un chapeau betsimisaraka, une sagaie tandroy, parce qu'il incarne la tradition malgache », rêve Presley Zandrihaja, un sociologue.
Quand et où le numéro Un malgache portera-t-il un tel «dress code» ? Seul Dieu le saura ! D'autre part, les érudits ayant poursuivi leurs études à l'extérieur qualifient ce débat comme stérile. « Il est élu par le peuple malgache. Il n'est pas obligé de s'habiller en tanala, ou en tesaka pour prouver qu'il est malgache. C'est le président de tous les Malgaches. Pas besoin de le prouver. En ce qui concerne le Musée de Madagascar, qu'il se nomme ainsi, je ne vois pas où est le souci. Antananarivo n'est-elle pas le centre de la décision dans ce pays ? », la politiste formée au Canada, Jenny Mihanta Raherimahefa, donne son opinion.
Bref, Madagascar a d'autres soucis que de se pencher sur un faux problème. Le pays est en retard, et incapable de se démarquer sur tous les domaines. Très bientôt, la Grande Île célèbrera les soixante-trois années de l'indépendance. Les Malgaches « tsy vaky volo » devraient faire le bilan, tout en élaborant une perspective d'avenir... proche... ou... lointaine.