Ile Maurice: À quand une nouvelle étude du panier de la ménagère ?

Face à l'optimisme déroutant du Trésor public et de la Banque centrale concernant la capacité des Mauriciens à dépenser et à consommer, il est intéressant de noter que la dette des ménages, y compris celle liée au logement, a augmenté de Rs 132,9 milliards en mai 2022 pour passer à Rs 149,7 milliards en mai 2023.

L'inflation, quant à elle, est passée, sur une base annuelle, de 0,8 % en mai 2019 à 2,4 % en mai 2021, puis à 10,7 % en mai 2022 et enfin à 7,9 % en mai 2023. Nous sommes confrontés à une conjoncture où le coût de la vie augmente, où les Mauriciens sont plus endettés, encouragés par les autorités, qui les incitent à consommer davantage. Cependant, malgré les discours optimistes qui circulent, il serait intéressant d'obtenir une étude actualisée de la véritable situation des ménages, sachant que le dernier household budget survey de Statistics Mauritius remonte à 2017.

Évidemment, entre 2017 et 2023, les para- mètres ont évolué. Durant cette période, il y a eu une augmentation des salaires, des pensions et la mise en place de plusieurs mesures d'aide sociale. Cependant, il convient également de mentionner la dépréciation de la roupie, qui a dégringolé par plus de 20 % au cours de ces trois dernières années, de même que l'inflation persistante.

Ainsi, d'une année financière à l'autre, les Mauriciens pourraient disposer de liquidités légèrement supérieures mais cet argent continuera à perdre de la valeur. Dans ce contexte, il serait opportun d'obtenir une véritable mise à jour des revenus des ménages, ainsi que de leurs dépenses, y compris la dette, afin de confirmer ou d'infirmer un feel-good factor chez les consommateurs.

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On le remarque tous d'une façon ou d'une autre, les petits plaisirs qu'un ménage pouvait s'accorder diminuent, quand ils ne disparaissent pas totalement ; et si les consommateurs ne font pas preuve de prudence, ils risquent sérieusement de s'enfoncer sous le poids des dettes, y compris des crédits ménagers. Pendant ce temps, pour rappel, les revenus de la taxe sur la valeur ajoutée sont estimés à Rs 61,5 milliards pour l'année financière 2023-24 contre Rs 49,4 milliards pour 2022-23, Rs 38,3 milliards pour 2021-22, Rs 32,7 milliards pour 2019-20. L'État mise donc sur l'inflation et l'augmentation du coût de la vie pour financer ses subventions.

«Mortgage protection»

Dans ce contexte, la position de la Banque centrale apparaît quelque peu confuse. Après avoir annoncé un nouveau cadre de politique monétaire en décembre 2022, celle-ci revient en juin, soit après le discours budgétaire, maintenir le taux directeur à 4,5 %. Du point de vue des consommateurs, le maintien du statu quo est un soulagement, notamment pour ceux qui remboursent leurs dettes avec des intérêts plus élevés que le capital emprunté.

Cependant, cela remet en question l'objectif ultime de la Banque centrale, qui est de ralentir l'inflation et de décourager l'emprunt. Bien que la stabilité financière des ménages et des entreprises soit un élément important à prendre en compte, la Banque centrale ne devrait pas aller à l'encontre des efforts visant à éradiquer le problème fondamental, à savoir l'inflation.

Un exemple vient du débat actuel au Royaume-Uni. En effet, le Resolution Foundation think-tank anticipe que la Bank of England devra relever ses taux d'intérêt de près de 6 % en 2024. Dans ce contexte, le chef de file des libéraux démocrates, sir Ed Davey, a appelé à la création d'un «mortgage protection fund» d'une valeur de 3 milliards de livres sterling, destiné à aider les personnes dont les maisons sont saisies.

Cette suggestion a sus- cité une réaction du chancelier Jeremy Hunt, qui a souligné que cela pourrait contribuer à alimenter l'inflation tandis que le Premier ministre Rishi Sunak a affirmé que la maîtrise de l'inflation était sa priorité principale. En effet, dans l'idéal et pour une politique monétaire efficace, le taux directeur devrait être supérieur au taux de la core inflation, ce qui, dans notre cas, impliquerait qu'il soit supérieur à 7 %, comme cela a été le cas en 2008.

Toutefois, pour éviter d'en arriver aux extrêmes de la crise sociale avec un taux élevé d'insolvabilité et des saisies à la pelle face à l'augmentation brutale des taux d'intérêt, il est crucial que les autorités, au lieu d'encourager les dépenses et la consommation, sensibilisent la population aux risques de la surconsommation et imposent des mesures temporaires pour renforcer les critères d'allocation de nouveaux crédits, par exemple, afin de décourager les emprunts non-prioritaires.

Finalement, le discours confus de la Banque centrale quant à sa position sur la lutte anti-inflationniste affecte sa crédibilité sur le marché et donc, ne décourage pas les spéculations, ce qui nuit à toute volonté de renforcer la valeur de la roupie. Au contraire, la situation empire et le dollar frôle les Rs 46 sur le marché des changes. Pourtant, une roupie faible ne peut que contribuer à creuser davantage le déficit de la balance commerciale.

Au-delà des encouragements illusoires des autorités en faveur de la consommation, il est essentiel que les Mauriciens prennent conscience de la situation et contrôlent leur niveau de consommation et d'endettement. Car lorsque viendra le moment de payer la facture, chacun se retrouvera bien seul.

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