Parallèlement au dialogue national lancé le 31 mai dernier, par le président Macky Sall à Dakar, et dont les conclusions sont attendues au plus tard le 25 juin prochain, l'opposition réunie au sein de la plateforme des Forces vives F24, un regroupement de partis politiques et d'organisations de la société civile opposés à un troisième mandat du chef de l'Etat, a lancé, le 20 juin dernier, un contre-dialogue appelé « dialogue du peuple ».
Un espace de débats dont les deux thématiques retenues pour cette première phase, portent sur « le troisième mandat et la Justice à deux vitesses ». Les conclusions sont attendues le 23 juin prochain. La deuxième phase de ce dialogue se tiendra au lendemain de la fête de l'Aïd el Kébir. A noter que ce colloque, initialement prévu pour s'ouvrir le 31 mai dernier, concomitamment avec le dialogue national du chef de l'Etat, n'avait pas pu se tenir, faute d'autorisation de l'autorité pour « non-respect des formalités administratives ».
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à quelques encablures de la présidentielle du 25 février 2024, les ponts semblent définitivement coupés entre le pouvoir et l'opposition réunie au sein de la plateforme du F24 qui est vent debout contre une éventuelle candidature du chef de l'Etat à un troisième mandat.
Le problème du Sénégal aujourd'hui, c'est Macky Sall qui, s'il n'y prend garde, risque de prendre mal rendez-vous avec l'histoire
Cela n'est d'autant pas plus étonnant que la récente condamnation judiciaire de Ousmane Sonko à deux ans de prison, qui rend de facto le leader de l'opposition inéligible à la prochaine présidentielle, n'est pas loin de confirmer aux yeux de ses nombreux partisans, la cabale politique qu'ils ont toujours dénoncée, du pouvoir en place en vue de dégager un boulevard au locataire du palais de la République accusé de velléités de troisième mandat.
Comment peut-il en être autrement quand au plus fort de la crise, et malgré la multitude de cadavres qui se chiffrent entre quinze et trente, selon les sources, le chef de l'Etat continue de garder sur la question, un silence plus que coupable qui semble en dire long sur ses intentions ? Autant dire que le problème du Sénégal aujourd'hui, c'est Macky Sall qui, s'il n'y prend garde, risque de prendre mal rendez-vous avec l'histoire. Déjà, sa responsabilité est engagée dans les troubles qui secouent son pays. Car, c'est l'éventualité de sa candidature à un mandat « indu », qui déchaîne les passions au pays de la Teranga.
Et ce, au point de donner lieu à des violences meurtrières qui ne semblent malheureusement pas émouvoir outre mesure le natif de Fatick. Toujours est-il qu'en rejetant la main tendue du chef de l'Etat pour ouvrir son propre espace de dialogue sur la question exclusive du troisième mandat, l'opposition réunie au sein de la plateforme du F24, montre que c'est une question sur laquelle elle ne compte pas transiger. Et cette façon de mettre les pieds dans le plat, est un message clair envoyé au chef de l'Etat.
Il y a à craindre que ces différentes assises ne se transforment en veillées d'armes en prélude à la grande bataille
C'est une initiative qui a d'autant plus l'avantage de chercher à crever l'abcès de cette volonté supposée ou réelle du président Macky Sall de prolonger son bail à la tête de l'Etat que la question du troisième mandat est un débat incontournable aujourd'hui au Sénégal. Et il ne sert à rien de tourner autour du pot, pour une question aussi cruciale qui menace non seulement la paix sociale, mais qui engage aussi l'avenir de la Nation. La question est maintenant la suivante : jusqu'où mèneront ces deux dialogues et surtout que peut-on en attendre ? Tout le mal que l'on souhaite au Sénégal, c'est de parvenir à la décrispation nécessaire à la tenue d'élections apaisées.
Mais en la matière, comment se nourrir d'optimisme quand les protagonistes semblent raidir, chacun de son côté, la nuque en se montrant incapables de s'asseoir autour d'une même table ? En tout cas, cette façon de s'envoyer des messages codés aux allures de signaux indiens, paraît tout, sauf le chemin indiqué pour fumer le calumet de la paix. Au contraire, tout porte à croire que si d'ici là, le président Macky Sall ne se décide pas clairement dans le sens d'un renoncement, il y a à craindre que ces différentes assises ne se transforment en veillées d'armes en prélude à la grande bataille. Surtout en ce qui concerne l'opposition.
Car, même au niveau du dialogue national initié par le chef de l'Etat, la question reste encore clivante. C'est pourquoi la responsabilité du président Macky Sall est grande devant l'histoire. Il lui appartient de savoir opportunément y rentrer par la grande porte, sous peine de devoir en sortir par une porte dérobée, comme tous ceux de ses pairs, avant lui, qui se sont laissés aller à la tentation du mandat de trop, en croyant que ça n'arrive qu'aux autres. En tout état de cause, avec les conclusions de ces deux dialogues qui ne tarderont pas à tomber, le compte à rebours va bientôt commencer.