Rwanda: Génocide - La justice française annule le non-lieu dans l'enquête sur les massacres de Bisesero

Un militaire français supervise l'entraînement des miliciens Interahamwe. Les Interahamwe ont tué plus d'un million de Tutsi pendant le Génocide.

Nouveau rebondissement dans une des affaires judiciaires les plus sensibles liées au génocide au Rwanda : la cour d'appel de Paris a annulé mercredi 21 juin l'ordonnance de non-lieu rendue dans l'enquête sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Bisesero, fin juin 1994.

L'armée française va-t-elle être jugée pour ne pas avoir porté secours à des Tutsis lors des massacres de Bisesero, au Rwanda, en juin 1994 ? Le non-lieu rendu en septembre 2022 dans ce dossier sensible a été annulé ce mercredi 21 juin 2023 par la cour d'appel de Paris, mais seulement pour une question de procédure.

C'est une question de forme qui a conduit la cour d'appel de Paris à annuler l'ordonnance de non-lieu du 1eᣴ septembre 2022. Quelques mois auparavant, une synthèse du rapport Duclert qui soulignait « l'échec profond » de la France à Bisesero était versée au dossier d'instruction à la demande de l'un des magistrats en charge de l'affaire. Les investigations - terminées depuis l'été 2018 - sont ainsi relancées. Les juges d'instruction auraient dû les clore à nouveau avant d'ordonner ce non-lieu.

Le dossier va désormais retourner sur leur bureau. À eux de décider si les 5 officiers généraux impliqués doivent être jugés. Les associations Survie et Ibuka, la Fédération internationale pour les droits humains et six rescapés reprochent aux soldats de l'opération Turquoise d'avoir sciemment abandonné les Tutsis réfugiés dans les collines de Bisesero.

Dès lors que l'ordonnance de non-lieu est annulée, cela veut dire que cela nous laisse la possibilité de faire valoir des observations, de relancer des investigations. Des magistrats instructeurs vont être obligés de tenir compte de notre demande. Il y a lieu de rouvrir les débats sur la base du rapport Duclert, ce qui n'a pas été fait, ce qui a été refusé. Le rapport Duclert a dit très clairement qu'il n'avait pas à se prononcer sur des qualifications pénales. Donc, il ne dit pas qu'il y a des responsables de l'armée française qui sont coupables ou qui doivent être poursuivis, il ne prend pas parti. Mais dans les éléments qui figurent dans le rapport Duclert, on trouve une série d'éléments incriminant tout de même des militaires et nécessitant à nos yeux en tout cas des investigations complémentaires. Cela nous permet de continuer le combat. C'est ça qui est positif.

Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale des droits humains, partie civile dans cette affaire (FIDH)

Marine de La Moissonnière

En septembre dernier, au terme de 17 ans d'instruction, les magistrats écrivaient dans leur ordonnance de non-lieu que « la participation directe des (...) militaires français à des exactions » n'a pas pu être établie. Pas plus qu'une « complicité par aide ou assistance aux forces génocidaires » ou « par abstention ». Pas sûr qu'ils changent d'avis aujourd'hui.

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