« Madagascar, pays cible de la coopération régionale de la Réunion », c'est, en tout cas, ce qu'a déclaré Huguette Bello, la présidente de cette région et île française de l'océan Indien, qui clôture ce jeudi 22 juin une visite de trois jours chez sa voisine, la Grande Île. Un déplacement qui aura été l'occasion pour l'élue de signer trois conventions de partenariat entre la région française et Madagascar. Agro-écologie, agro-alimentaire, éducation, santé : le Grand Sud du pays, régulièrement en proie à la famine et la désertification, bénéfice de l'essentiel des projets de coopération. Un choix qui découle directement d'une relation historique très forte entre les deux régions.
Impossible pour Huguette Bello, la présidente de la région Réunion, de ne pas rappeler les bases des liens qui unissent le Grand Sud malgache et son île : « La Réunion a été peuplée, notamment, par des personnes de Fort-Dauphin et dans des conditions insoutenables puisque c'étaient des personnes réduites en esclavage. La première mère qui a mis au monde le premier enfant réunionnais est une Malgache. »
« Co-développement »
Les régions Anosy et Androy bénéficieront au cours des trois prochaines années de plusieurs projets de coopération régionale. Des projets dits « de co-développement », pensés pour être mutuellement profitables, indique encore Mme Bello : « Nous voudrions qu'il y ait une réciprocité. Aujourd'hui, en matière d'agriculture, nous avons des étudiants réunionnais qui viennent à Madagascar faire leur volontariat. Mais nous souhaiterions désormais accueillir des Malgaches dans nos lycées agricoles. Nous voudrions aussi faire ce que l'on appelle le circuit court. »
Un circuit loin d'être la norme aujourd'hui, souligne l'élue, qui pointe les trajets absurdes et polluants, des produits malgaches vendus à la Réunion : « Eh bien aujourd'hui, le voyage, c'est Madagascar-Paris, Paris-Réunion, quand cela devrait être Madagascar-Réunion. Et donc il y a quand même quelque chose qui ne va pas. Nous disons à chaque fois que Madagascar qui compte 30 millions d'habitants plante du riz pour les Malgaches mais qu'ils plantent un peu aussi pour les 860 000 Réunionnais. Le circuit court ça veut dire que nous n'achetons pas notre riz chez les pays asiatiques, ou les produits dont nos élevages ont besoin, au Brésil. »
En marge des signatures, la femme politique a à plusieurs reprises abordé avec ses homologues malgaches un sujet qu'il lui tient à coeur. Celui de la contraception. Une affaire d'éducation, assène Huguette Bello, qui doit être pensée et partagée, « Y compris avec les hommes ». Dans quelques décennies, poursuit-elle, « la Terre ne pourra plus nourrir toutes ces bouches. Je ne suis pas là pour donner des leçons. Néanmoins, je ne voudrais pas que ce qui a été fait avec brutalité chez nous dans les années 60-70, les avortements forcés, les ligatures des trompes imposées aux Réunionnaises (le taux de natalité est passé de 7 enfants par femme en 1950 à 2,4 aujourd'hui), je ne voudrais pas que cette histoire douloureuse de la contraception, se reproduise dans un quelconque pays. Il faut une éducation. Lorsqu'une femme est éduquée, c'est la nation entière qui est éduquée. »
Corriger les erreurs du passé
Un discours qui devrait ébranler les franges les plus religieuses du pays qui se refusent encore à aborder cette problématique. Sur l'île, seule 40% des femmes en âge de procréer, utilisent une méthode de contraception moderne.
Pour Huguette Bello, ces projets de coopération doivent aussi corriger les erreurs du passé : « La France a un devoir de réparation vis-à-vis de la Grande Île parce qu'elle a été la puissance coloniale qui est partie en laissant un maître d'école et un médecin ». Près de 70 millions d'euros de fonds européens et réunionnais ont été mis à disposition des projets de coopération régionale dans l'océan Indien. Madagascar, comme lors de la précédente programmation, devrait bénéficier de 70% de ce budget.