Sénégal: L'enrobage des gris-gris, une tradition à la peau dure à Kolda

Kolda — La cordonnerie traditionnelle, spécialisée dans la confection d'amulettes, talismans et autres gris-gris, résiste toujours à la concurrence dans le Fouladou, malgré le modernisme, comme pour accompagner cette survivance de croyances magicoreligieuses et occultes encore très présente dans la société.

Comme partout en Afrique, le métier de cordonnier remonte aux temps immémoriaux dans cette région Sud du pays, située en Haute-Casamance. Dans la commune de Kolda, les gardiens de cette tradition entourée de savoir ésotérique, sont disséminés dans les quatre coins de la ville.

Du fait des croyances magicoreligieuses toujours prégnantes dans la société sénégalaise, les cordonniers traditionnels, qui ont résisté à travers les âges, continuent aujourd'hui encore de tirer leur épingle du jeu, malgré une concurrence réelle.

"Nous sommes des cordonniers et nous avons hérité ce métier de nos parents, qui également l'avaient hérité de leurs parents. Ce savoir se transmet de génération en génération (et) n'est pas cordonnier qui veut", avertit Oumar Diallo, ce cordonnier traditionnel, dont le gagne-pain consiste uniquement à coudre, sur commande, des gris-gris pour ses clients et surtout ses clientes.

"Nous, on ne touche pas aux chaussures et autres objets comme des ceintures et ou sacs, notre travail se limite exclusivement à coudre des gris-gris, toutes catégories confondues", dit ce cordonnier, assis à l'air libre dans un coin de rue faisant office d'atelier.

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Selon lui, ses parents ont toujours insisté sur le fait de ne pas mélanger le travail de confection de talismans avec, par exemple, la réparation de chaussures car, disaient-ils, après avoir touché à des chaussures peut-être souillées, on peut être amené à manipuler quelques minutes plus tard, un gris-gris et ou talisman.

Ce qui, ajoute-t-il, peut produire un "effet négatif" sur les supposées vertus magiques attachées à l'objet prescrit par un marabout ou guérisseur traditionnel.

Moussa Seydi, la soixantaine, un autre cordonnier interrogé par l'APS, se veut catégorique. Sur un ton menaçant, il martèle : "N'est pas cordonnier et ou forgeron qui veut, le métier de cordonnier comporte des risques et c'est pourquoi avant de le pratiquer il faut être préparé, avoir un savoir ésotérique, car sans cette préparation (mystique), vous pouvez être en face d'un travail qui, par la suite, peut vous détruire".

"Si vous êtes bien initiés, vous pouvez faire la distinction entre un travail simple et un autre qui nécessite une préparation de votre part, car il y a des gris-gris ou talisman qu'on ne peut pas toucher sans un rituel interne", avance-t-il.

La cordonnerie traditionnelle, un métier codifié

Pour le psychosociologue Abdoulaye Coly, tous les métiers qui relèvent des castes ont une dimension magicoreligieuse. La cordonnerie traditionnelle est un métier codifié dont l'exercice nécessite une initiation pour avoir la légitimité.

Le matériel utilisé, les peaux des animaux ne viennent pas de n'importe quel animal et le cordonnier peut faire face à des tâches exigeant de lui des pouvoirs mystiques, explique-t-il. "C'est pourquoi, il est transmis de génération en génération, en y incluant toutes les démarches et préparations des initiés".

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