Ile Maurice: Simon Ngono - «Les médias dits traditionnels doivent leur survie à des processus d'adaptation au changement»

interview

De passage à Maurice, Simon Ngono, professeur de l'Université de La Réunion, a animé une conférence sur les médias et l'évolution numérique à l'Université des Mascareignes, le 12 juin. Il revient sur cette transition technologique pour les médias de l'océan Indien, les difficultés pour les organes de presse traditionnels ainsi que les stratégies nécessaires.

Comment les médias de l'océan Indien font-ils face à la transition numérique, qui se consolide de plus en plus avec l'introduction de nouveaux réseaux, comme TikTok etc., dans le paysage médiatique ?

Jusqu'à maintenant, mon observation porte sur le fait que les médias classiques de l'océan Indien s'adaptent de plus en plus aux évolutions technologiques, compte tenu des enjeux liés à la publication de contenus en ligne. Tous semblent avoir compris la nécessité d'opérer le passage au numérique. Cela se traduit par des changements dans les pratiques du métier lui-même ainsi que les formats. Les médias dits traditionnels dans l'océan Indien suivent la tendance des nouveaux réseaux comme TikTok. Beaucoup font des directs, des «reels» et diffusent des conte- nus aux formats courts afin de répondre aux attentes du public. Cependant, la transition numérique des médias de l'océan Indien doit davantage être pensée en termes d'inclusion des anciens médias dans les nouveaux, et non pas une création de nouveaux réseaux par opposition aux médias anciens. D'autant plus que nous sommes à l'ère de la convergence des médias, toutes tendances confondues.

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Lors de votre conférence à l'Université des Mascareignes, vous évoquiez la mort annoncée mais jamais concrétisée des médias traditionnels. À quoi doit-on leur survie? À Maurice et à La Réunion plus particulièrement ?

La question que vous posez est de savoir si une technologie nouvelle pourrait mettre un terme à l'ancienne. Il s'agit d'une vue de l'esprit. Tout est généralement une question de transformation, voire d'adaptation. Les médias dits traditionnels à Maurice et à La Réunion doivent leur survie à des processus d'adaptation au changement, se traduisant notamment par leur migration en ligne et la manière dont ils s'approprient l'espace numérique.

Ce que j'observe dans les deux îles, c'est que chaque média traditionnel possède dorénavant une extension numérique. À Maurice comme à la Réunion, la diffusion simultanée de contenus via différents supports (analogiques et numériques) est perceptible. Loin d'être un simple effet de mode corrélé à des enjeux de visibilité, cette migration en ligne s'accompagne de la volonté d'engager des retombées économiques dans un paysage info-communicationnel très mouvant, tant politiquement que socialement.

Quel modèle l'industrie médiatique mauricienne doit-elle adopter face à l'essor des sites et réseaux gratuits d'information qui engloutissent la majorité des audiences ?

Je suis conscient qu'il est difficile de proposer des modèles ou des stratégies clés en main. Cependant, l'une des stratégies que pourrait adopter l'industrie médiatique mauricienne consisterait à intégrer les éléments de l'écosystème classique à ceux de l'univers numérique.

La méthode possible serait de mettre l'accent sur la qualité de contenu et la valeur supplémentaire à apporter à une information par rapport à celle qui circulerait sur les sites et réseaux gratuits d'information en ligne. Cela suppose une offensive dans le traitement de l'information correspondant aux réalités de l'environnement numérique. Il pourrait s'agir de produire un contenu digeste, captivant et possédant une plus-value cognitive pour le public.

Sur le plan déontologique, il est nécessaire qu'un accent particulier soit mis sur le respect des canons du métier afin que les médias classiques maintiennent leur centralité dans l'espace public, malgré l'irruption et la généralisation des sites et réseaux gratuits d'information.

Par ailleurs, il est souhaitable de repenser le modèle économique dominant essentiellement basé sur les revenus traditionnels issus de la publicité. Si celui-ci semble obsolète et limité, je pense que le modèle hybride, c'est-à-dire celui qui intègre les sources de revenus de l'écosystème classique et numérique, serait le plus approprié. Un tel modèle favorise une diversification de sources potentielles de revenus. Cela pourrait se traduire par des coûts de publicités et de contenus moins onéreux sur les plateformes numériques par rapport aux prix appliqués dans les supports classiques.

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