Accra — Les récentes crises ont rappelé l'impérieuse nécessité pour les pays africains de trouver des solutions endogènes pour faire face notamment aux chocs exogènes et aux besoins de financement de leurs économies. Des autorités présentes à l'assemble générale d'Afreximbank, à Accra (Ghana), ont lancé un énième appel dans ce sens.
La crise entre la Russie et l'Ukraine a mis à nu la dépendance des pays africains vis-à-vis des marchés extérieurs. Une tendance qu'il faut inverser pour mieux protéger les économies africaines en vue d'amorcer l'émergence, d'après Mouhamadou Issoufou, ancien président du Niger, champion de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Il s'exprimait, mardi, à l'occasion du 30ème anniversaire d'Afreximbank qui se tient à Accra (Ghana).
Selon lui, l'Afrique ne s'est pas encore remise des crises qui constituent de sérieuses menaces pour son développement. « En Afrique, le déficit annuel du commerce est de 81 milliards de dollars », a-t-il déclaré. Cependant, il a estimé que le continent dispose de nombreux leviers sur lesquels il peut s'appuyer pour réduire sa forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Cela passe, à son avis, par la souveraineté alimentaire et une plus grande intégration.
« L'accélération de la Zlecaf est un levier qui peut nous aider à transformer cette crise en opportunités. Nous devons produire et promouvoir le commerce intra-africain. Il nous faut promouvoir des chaînes de valeur agricoles », a-t-il préconisé. Pour Gamal Negm, vice-gouverneur de la Banque centrale d'Égypte, le moment est venu pour les Africains de travailler en synergie pour trouver des solutions intégrées aux défis du continent.
Parmi ceux-ci, M. Issoufou a cité une agriculture performante, des infrastructures de qualité et en nombre. « Le manque d'infrastructures routières, ferroviaires, numériques est un frein majeur à l'intégration. Il s'y ajoute que 60 % de terres arables sont chez nous. Il est grand temps que l'Afrique nourrisse les Africains. Un secteur agricole bien maîtrisé soutiendra la croissance et offrira des emplois à nos jeunes. C'est à ce niveau que nous devons concentrer nos efforts », a-t-il ajouté.
Le Secrétaire général de la Zlecaf, Wamkele Mene a insisté sur l'importance de relever le défi du financement et de lever les barrières commerciales, convaincu que l'un ne peut aller sans l'autre.
Revoir la structure bancaire internationale Dans sa volonté de soutenir les pays et de permettre aux entreprises de s'adapter aux exigences commerciales mondiales, la Zlecaf a mis en place un fonds d'ajustement de 10 milliards de dollars. Partenaire de premier plan, Afreximbank a signé une convention avec la Zlecaf pour aider les pays à s'adapter au nouveau contexte. Wamkele Mene a affirmé que ce soutien était essentiel, car l'Afrique cherchait à compter sur elle-même pour créer un avenir meilleur.
Le soutien d'Afreximbank au projet monétaire devant permettre les paiements commerciaux intra-africains en monnaies locales a été d'un grand apport, a renchéri Mouhamadou Issoufou. « Dans plusieurs pays, les échanges se font en monnaie locale et non avec des devises étrangères », a-t-il relevé.
M. Issoufou a ajouté que le manque d'institutions financières africaines a comme impacts des taux d'intérêt élevés alors qu'ils sont presque négatifs dans les pays développés. « C'est comme si on punissait les pauvres. Cela a des conséquences sur l'accès aux financements et à la viabilité de la dette.Nous devons mener le combat pour réformer la structure bancaire internationale », a plaidé l'ancien président du Niger.
Il a suggéré « de renforcer les institutions financières africaines comme la Banque africaine de développement (Bad), Afreximbank et en créer d'autres. Pour y arriver, il appelle à retourner au traité d'Abuja qui avait déjà listé ces enjeux. « Il s'agissait de créer une communauté économique et monétaire africaine. Il était question de mettre le fonds monétaire africain. Certains diront que c'est trop ambitieux.
Mais il le faut, pour s'en sortir.Ces institutions nous permettront de mobiliser des ressources. Nous avons notre agenda, nos programmes avec le plan de développement des infrastructures en Afrique, le plan de développement industriel et il faut les financer », a-t-il rappelé.
Le secteur privé africain invité à saisir les opportunités de la Zlecaf
La Zone de libre-échange continentale francophone (Zlecaf), c'est aussi un secteur privé fort. Dans une note lue par le Ministre de l'Entrepreneuriat du Gabon, le conseil des ministres de la Zlecaf appelle les hommes d'affaires et opérateurs économiques du continent à saisir les nombreuses opportunités.
« Le secteur agricole et pharmaceutique regorge d'opportunités. Le secteur privé doit y investir. Il est important de combiner les efforts pour la réussite de la Zlecaf », a insisté l'ancien président du Niger, invitant les États à mettre en place un cadre réglementaire attractif pour permettre aux privés de créer de la richesse.
Il a également appelé les structures bancaires à financer davantage les entreprises, particulièrement les petites et moyennes entreprises (Pme) et petites et moyennes industries (Pmi) pour relever le défi de la croissance et du développement.
Gabby Otchere, Directeur d'Africa Prosperity network, a insisté sur l'impératif de mettre en place un cadre juridique attractif pour inciter le secteur privé africain à investir davantage sur le continent et à nouer des alliances avec leurs homologues étrangers. Il a noté que le potentiel est énorme puisque des hommes d'affaires étrangers sont disposés à investir 50 milliards dollars et l'Afrique dispose de 40 % des terres arables dans le monde. « Ce sont des pistes à explorer. Il y a aussi des Pme partout. Malheureusement, elles ne connaissent pas la Zlecaf. Elles ont besoin d'être sensibilisées sur les avantages de cette zone », a-t-il indiqué.
Doter l'Afrique d'institutions financières fortes
Dans un contexte où les ressources financières se font de plus en plus rares, l'Afrique doit songer à disposer de structures bancaires solides, à l'image d'Afreximbank, a préconisé Nanu Akufo-Addo. Le Chef de l'État ghanéen présidait la cérémonie officielle du 30e anniversaire d'Afreximbank. Il a souligné que la première transaction financière d'Afreximbank a été faite au Ghana avec le cacao.
« Nous sommes fiers du chemin parcouru. Aujourd'hui, à y voir de près, Afreximbank concorde avec les programmes de développement de l'agenda 2063 de la Zlecaf », a-t-il déclaré. « Afreximbank, avec son mécanisme de riposte, a permis au Ghana de se relever alors que les portes du marché financier lui étaient fermées. Les privés doivent devenir actionnaires de Afreximbank. C'est ce qui participe à la construction de notre croissance. Nous encourageons les États à appuyer le programme de mobilisation des ressources domestiques d'Afreximbank. Il est également important de renforcer la coordination des institutions financières africaines pour mieux répondre aux aspirations des populations », a plaidé Nanu Akufo-Addo.