Cameroun: littérature - le baiser de la vipère

«Il m'a mordu , Gil, il m'a mordu !». J'entendis de nouveau les cris de Manuelito appelant à l'aide. Ses pleurs me sortirent de mes pensées et je courus désespérément sur les lieux où Manuelito s'agitait comme un malade, comme secoué de convulsions. C'était un tout jeune homme originaire de cette région de Mixe, avec un langage maladroitement articulé, du fait de la malformation de ses lèvres. Je l'avais engagé avec la permission de ses parents, car ils étaient dans une situation critique et avaient grand besoin du solde du petit.

Quand enfin j'arrivai près de Manuelito, une énorme vipère, de l'espèce des serpents à sonnettes, passait en rampant avec un glissement doux, l'air de vouloir prendre tout son temps. Nous avions suivi un séminaire de conscientisation sur le respect de la flore et de la faune, mais en ce moment la colère m'envahit, je ramassai un gourdin et j'assenai le reptile de plusieurs coups avec le bois dur jusqu'à ce qu'il perde la vie. Alertés par les cris, les trois hommes que j'avais sous mon commandement accoururent au moment où le serpent rendait son dernier soupir.

-- Qu'allons-nous faire ? marmotta la Tortue avec un air dépité, ce gamin va crever.

La «tortue» était le conducteur du puissant tracteur à chenilles D8R, qui arrachait des pentes entières de collines. Il était originaire de l'Etat de Guerrero. C'était un grand gaillard, râleur, fort et téméraire, mais il avait un grand coeur. Il savait se montrer noble et amical avec tout le monde, toujours disposé à tendre la main à ceux qui avaient besoin d'aide.

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Je pris ma radio de longue portée et appelai la direction de l'entreprise, située à deux heures de route (en camion de trois tonnes). Je les informai de la gravité de l'incident tout en leur demandant d'envoyer une unité de secours pour transférer la malheureuse victime qui venait de succomber aux assauts de l'impressionnante vipère. Hélas ! Ils me répondirent que le véhicule était en réparation et qu'il ne serait disponible que le jour suivant.

Abattu, je regardai mes compagnons, eux-mêmes en proie à l'angoisse, ne sachant que faire devant une situation aussi désespérée...

Extrait de La lamida de la víbora , de Vicente Delgado Carreto,

Traduit de l'espagnol (Mexique) par Palabre Intellectuelle.

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