L'ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, accusé de détournement des fonds destinés au parc agroindustriel de Bukanga-Longo, récuse à son tour le Procureur général près la Cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo, et le président du Sénat, Modeste Bahati. Il a déposé vendredi 23 juin des plaintes contre eux à la Cour de cassation.
« En vue d'accélérer le traitement de la plainte contre le PG Mukolo, le dossier vient d'être déposé directement au Parquet près la Cour de cassation. J'espère que le Pdt Bahati et son complice Mukolo, qui violent la Constitution et les lois du pays, seront interpellés rapidement », écrit Matata Ponyo sur son compte Tweeter.
Augustin Matata accuse Jean-Paul Mukolo de demander à son co-accusé Patrice Kitebi, ancien ministre délégué aux Finances, de témoigner à charge du sénateur, afin de le faire condamner et l'éliminer de la présidentielle 2023.
Il reproche aussi à Modeste Bahati de vouloir à tout prix l'éliminer politiquement.
Matata sera jugé ou pas ?
Selon de sources proches de la Cour constitutionnelle, « l'action publique à l'encontre de Matata est déjà enclenchée. Tous ceux qui sont concernés dans la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo ont comparu, sauf lui ». Toujours d'après ces sources, « le Procureur général près la Cour constitutionnelle n'est pas soumis à une récusation des justiciables. Car, il s'agit d'une institution qui ne relève pas de juridictions de l'ordre judiciaire. »
A ce sujet, Leopold Kondaloko, professeur de Droit à l'Université de Kinshasa (UNIKIN), se référant à la Constitution, estime que tous les Congolais sont égaux devant la loi :
« Tous les Congolais sont égaux devant la loi. Matata Ponyo, on le poursuit pourquoi ? D'abord, en tant que Congolais, ensuite il a été Premier ministre pour avoir géré ce pays. Alors, lorsque vous commettez des infractions, la Constitution l'a si bien dit à l'article 163 que la Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l'Etat et du Premier ministre dans les cas et les conditions prévus par la Constitution ».
L'article 164, poursuit-il, indique que « la Cour constitutionnelle est le juge pénal du président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques, de haute trahison, d'outrage au Parlement et pour les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, point ».
Ce professeur de Droit ajoute que « lorsqu'il y a une erreur, il faut corriger. C'est à tort que le premier arrêt de la Cour constitutionnelle a dit que Matata Ponyo n'était pas justiciable de la Cour constitutionnelle. C'est à tort ».
Willy Wenga, avocat au barreau de Kinshasa-Gombe, abonde dans le même sens. Pour lui, au regard de la réponse du Sénat, l'ancien Premier ministre pourrait être entendu devant la Cour constitutionnelle :
« Le Sénateur Matata Ponyo n'est pas encore jugé jusque-là, parce que le procureur général près la Cour constitutionnelle, qui l'avait poursuivi dans un premier temps, avait saisi la Cour constitutionnelle et celle-ci s'était déclarée incompétente à juger un ancien Premier ministre. Maintenant que le Procureur général près la Cour constitutionnelle vient de relancer le dossier Matata, il est fort à croire qu'au regard de la réponse du Sénat, le Procureur général va l'entendre et éventuellement va refixer l'affaire devant la Cour constitutionnelle cette fois-ci devenue compétente et, à ce niveau-là, je suis sûr et certain que, sauf d'autres moyens de forme, la Cour va le juger au fond et il pourra soit être condamné, soit être acquitté ».
Pour lui, la Cour constitutionnelle avait déjà tranché de telle sorte « nul ne soit au-dessus de la loi, que nul ne reste sans être poursuivi quel que soit ce qu'il a occupé comme fonctions ».