Tanzanie: L'affaire d'un immigré maltraité par le système judiciaire et carcéral

communiqué de presse

M. X est un ressortissant congolais qui vivait à Dar es Salaam, en Tanzanie. Au début du mois de juin 2006, il a perdu son passeport. Il est allé déclarer cette perte à la police tanzanienne et s'est rendu à l'ambassade de République démocratique du Congo (RDC) afin de demander un nouveau passeport.

Le 9 juin 2006, les autorités tanzaniennes l'ont arrêté, ainsi que sa femme et leurs deux fils, au prétexte qu'il résidait illégalement dans le pays, et ce en dépit du fait qu'il a présenté l'attestation de perte de son passeport, qui contenait un visa de séjour dans le pays valable jusqu'en septembre 2006, et le courrier officiel de l'ambassade de RDC en Tanzanie, qui confirmait que le processus d'obtention d'un nouveau passeport était en cours.

M. X a été conduit en prison avec sa famille. À son arrivée, il a été soumis à une fouille rectale devant ses enfants, puis tous ont été placés en cellule. Ils ont été détenus pendant 5 jours avant d'être libérés, grâce à l'intervention de l'ambassade de RDC.

Quelques jours après seulement, la famille de M. X a reçu l'ordre de quitter le pays, tandis que lui-même était autorisé à demeurer en Tanzanie pour la durée de la procédure judiciaire visant à déterminer son statut au regard de la législation sur l'immigration. Sept ans plus tard, quand l'affaire s'est conclue devant les tribunaux tanzaniens, il lui a été ordonné de quitter lui aussi le pays. Sans aucun autre recours légal à sa disposition, il a déposé une plainte devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples en 2015.

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Le 28 mars 2019, la Cour a jugé que la Tanzanie avait violé plusieurs droits fondamentaux de M. X : ses droits à la dignité et à l'intégrité physique, ses droits de résidence et de libre circulation, et son droit à un procès équitable¹. La Cour a déclaré que les autorités tanzaniennes n'auraient jamais dû l'arrêter, étant donné qu'il se trouvait dans le pays légalement. De plus, le traitement dégradant auquel il a été soumis à son arrivée en prison, à savoir la fouille rectale, constituait une violation de sa dignité.

La Cour a ajouté qu'il ne représentait pas une menace pour la sécurité, puisqu'il était uniquement accusé de ne pas avoir son passeport et que, même en partant du principe qu'une fouille rectale était justifiée, les représentants de l'État n'auraient pas dû y procéder en présence de ses enfants. Par la suite, les tribunaux tanzaniens ne l'ont pas jugé dans un délai raisonnable, puisque de nombreuses années se sont écoulées avant qu'une décision soit rendue concernant son expulsion.

La Cour a ordonné à la Tanzanie de verser une indemnisation à M. X, son épouse et ses enfants pour les souffrances psychologiques qu'ils ont endurées au fil des années et de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier ses pratiques à l'égard de la fouille rectale systématique, afin que, le cas échéant, ce type de fouille soit mené d'une manière respectueuse de l'intégrité, de la dignité, de la réputation et de l'honneur de la personne.

Cet arrêt a par conséquent reconnu que ce que M. X avait subi était mal et lui a fourni, ainsi qu'à sa famille, une forme de réparation, mais il a aussi le potentiel de changer la situation et de faire en sorte que toute personne arrêtée et menée en prison en Tanzanie soit traitée de façon plus humaine.

[1] Violation des articles 5, 4, 12 et 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, respectivement.

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