Sénégal: La maison rose de Guédiawaye, un espoir de vie pour des femmes en souffrance

- La maison rose de Guédiawaye, un centre d'accueil de femmes, filles désespérées, violentées, et violées mais aussi de bébés demeure un refuge social pour combattre la souffrance. Non loin du stade Amadou Barry de la ville de Guédiawaye, la maison rose un bâtiment à étage de couleur identique à son nom, fait face aux bureaux de la Sonatel dans la grande banlieue dakaroise.

Conçue pour accueillir des femmes en détresse la Maison rose offre pourtant un environnement où, des filles, femmes, mères, retrouvent le sourire et la joie de vivre après avoir été cassées mentalement suite à un choc antérieur.

La maison qui servirait autrefois des locaux du tribunal de Guédiawaye fonctionne en temps plein comme tous les services avec un personnel particulièrement très jovial. Dans ce site, les pensionnaires arrivent sous le choc, désespéré, mais repartent avec une réelle envie de continuer à vivre pleinement et à se battre avec le métier acquis sur place pour à leur tour, sauver d'autres victimes de la barbarie de certains inconscients.

"Cette maison accueille des femmes, des enfants et des bébés qui naissent et qui arrivent en souffrance et ayant vécu souvent des histoires très difficiles. J'ai vu toute ma vie à l'envers" a dit Mona Chasserio, fondatrice de la maison rose de l'association universelle.

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En France, "j'étais la première à m'occuper des femmes de la rue. Dans mon premier parcours je travaillais dans des industries pharmaceutiques avec des chercheurs et des savants jusqu'au jour où, j'ai une ouverture spirituelle. J'ai compris que je pouvais soigner la mal-à-vie et qu'il fallait aller à la source du mal", a-t-elle raconté à l'équipe de l'APS, en reportage sur place.

Ma pratique du scoutisme musulman comme catholique, dit-elle, m'a permis "de regarder la nature, dominer la peur et développer ce que l'on est".

Cela aidant, car le scoutisme est une valeur forte pour la nature l'idée de s'occuper des enfants m'est venue. "Cet amour s'explique du fait que je suis mère de deux enfants et je viens d'une famille matriarcale mais également j'ai toujours été avec les femmes", a-t-elle avancé.

De fait, a poursuivi Mano Chasserio, "j'ai tout quitté pour m'occuper des femmes de la rue pendant vingt ans en France. J'ai développé une philosophie selon laquelle, on apprend à se connaitre avec la violence et la souffrance notamment se connaitre.

"Après l'orient et l'occident, je me suis retrouvée au Sénégal, un pays de réflexion où, il y a la spiritualité, beaucoup de choses intéressantes. Ainsi, je suis arrivée à Guédiawaye au moment où l'ancien tribunal venait d'être restauré. Il donnait une architecture que je recherchais. Un lieu qui convient car, l'image reflète qu'une fois à l'intérieur, les femmes en souffrance, renaissent" a théorisé la fondatrice de cette maison créée depuis 13 ans.

"J'ai une expérience d'une trentaine d'années de comment accompagner les femmes pour leur renaissance. Mais la souffrance reste la chose négative. Tout ce que l'on peut vivre de négatif nous sert à nous arrêter un moment de notre histoire pour savoir, qui nous sommes"

Elle a fait constater que toutes ces femmes et jeunes filles de cette maison sont très jeunes. C'est rare de voir une, âgée de 30 ans. Néanmoins, nous avons des petites filles âgées de 12 à 13 ans accoucher.

"C'est problématique a-t-elle déploré. Nous avons développé des ateliers dans cette maison qui permettent de remonter l'insouciance et apprendre à se connaître. Il s'agit aussi de séances de manière à ce qu'elles développent tout ce qui est en elles".

En outre, il s'agit de transformer une souffrance en vie pour un meilleur vécu, a indiqué, Mme Chasserio ajoutant que, les violences sont enregistrées dans leurs banques de données afin de mettre en marche ce mécanisme.

"Quand elles arrivent, elles s'emploient à diverses activités socio sportif comme le théâtre, le yoga entre autres, de manière à stimuler et développer tout ce qui a en elles. Le vendredi, elles font un récapitulatif de tout ce qu'elles ont vécu comme émotion dans la semaine et au fur à mesure, on les voit évoluer" a expliqué Mona Chasserio.

"C'est ce qui est intéressant, selon elle, est de transformer le négatif en positif et devenir ce qu'elles sont. C'est à la fois un travail individuel et de groupe parce que justement elles sont assez nombreuses. Nous avons des mères très jeunes avec 14 bébés en charge. Ce sont des bébés aimés et pour celles qui ne sont pas pensionnaires, soient elles tuent ou abandonnent".

Il y a un temps pour se changer, un temps pour chacune d'entre elle, s'empresse-t-elle de lancer, soulignant qu'il y a un temps de la naissance, de la transformation et celui de l'enfant. De ce point de vue, "la maison rose solutionne beaucoup de problème. Les personnes qui y sont, cherchent leur identité. Aujourd'hui, nous faisons un travail particulier, nous avons des femmes provenant de partout de la sous-région et d'ailleurs".

Le but, selon elle, est de faire un travail sur soi pour transformer la souffrance. Elles développent des métiers d'art selon la qualité de chacune. D'autres font des poupées en crochets magnifiques, la création de chaussure avec de la récupération. On transforme leur souffrance en vie, se reconnait. Ce que l'on fait c'est la qualité et non la quantité.

"Nous dépendons du ministère de la justice et nous avons un +rapid protection+ car nous formons des associations et près de 130 personnes à Pikine et nous travaillons avec les autorités administratives, les Bagnu gox" (marraines) entre autres avec des codes de violences pour qu'à chaque fois qu'il y a des cas que cela soit enregistré au niveau du quartier et que cela soit traité immédiatement afin que le mécanisme soit en marche.

"Nous avons fait beaucoup de choses pour que les souffrances soient visualisées et traitées. C'est un travail de fond que nous menons avec la justice. Chaque cas est unique. D'autres structures nous confient des enfants à élever ou violentées" a dit la fondatrice.

Des contraintes financières

"L'Etat ne donne pas un sou. Nous nous appuyons sur l'Unicef qui nous croit car nous faisons un travail humain. Nous avons énormément souffert avec le covid" a-t-elle laissé entendre.

Aujourd'hui, a souligné la bienfaitrice, "nous espérons que des financiers vont nous appuyer pour cette structure qui accueille des talibés en passant par des femmes violentées ou brûlées ; des filles et bébés. Nous enregistrons présentement 14 présentement en plus des triplés qui viennent de nous rejoindre".

"Du nouveau-né jusqu'à 5 ans, nous intervenons pour aider l'enfant à se développer" a déclaré Mona Chasserio. "Le temps de la grossesse, de la naissance et celui de l'enfant. La maison rose répond à beaucoup de problèmes" a-t-elle relevé.

"C'est plus l'humain qui m'intéresse, l'universel mais aussi le spirituel. Comment apprendre à voir l'au-delà pour renaitre", a insisté la fondatrice de la maison rose soulignant qu'il faut "apprendre à cheminer pour se connaitre soi-même".

A l'en croire, "c'est mieux de soigner la violence et la souffrance que d'aller voir le juriste, d'aller aider celle qui souffre afin qu'elle transforme sa souffrance en vie et qu'elle reparte demain faire ce qu'elle a à envie de faire". "Je soigne beaucoup plus aujourd'hui que je ne le faisais avec les médicaments" a-t-elle témoigné.

Témoignages de victimes

NDN congolaise, vivant au Sénégal depuis mars 2021qui, malheureusement à la suite du décès de sa grand-mère en septembre de la même année, a vécu des moments difficiles pour surmonter tous se déboires.

"J'ai décidé de chercher des compatriotes congolais au Sénégal, finalement je les ai rejoint. Après ils sont parvenus à me trouver un job dans un restaurant à la Liberté 6. Au retour de mon lieu de travail un 5 juin 2022 dans la soirée, descendant d'un car de transport en commun, un homme me tamponna à l'épaule et nous nous sommes échangés des excuses et de petits mots en me demandant d'où je venais car se disait-il mon accent lui donnait celui d'un congolais" a-t-elle raconté.

Cela l'emmena à pousser la discussion jusqu'à m'inviter à l'accompagner. Un peu hésitante j'ai par la suite accepté. Des bavardages inutiles sur une éventuelle maladie qu'il inventant sur ma personne, il m'a invité à son appartement à Diamalaye (quartier de Dakar) et je l'ai suivi jusque chez lui. Après une prise de médicament inhalé de manière insouciante, je me suis réveillée sur son lit, fatiguée, pâle et toute nue, s'est rappelée, la victime.

A la suite de cette mésaventure, NDN dépose une plainte à la police qui confirme que son bourreau, un habitué des faits, purge aujourd'hui, une peine d'une dizaine d'années.

Rejetée par ses compatriotes avec une grossesse de cinq mois, elle atterrit dans un site en chantier, une habitation de fortune puis, elle trouve refuge à l'Eglise grâce à l'entremise d'une étudiante de même nationalité, a-t-elle témoigné.

Ainsi, un 21 octobre 2022, elle a finalement trouvé loge à la maison rose, un centre d'accueil des femmes et filles désespérées. Tant soit peu, s'est-elle sentie heureuse au Sénégal où, elle compte séjourner encore pour le reste pour se refaire le reste de sa vie ainsi tourner cette page malheureuse.

"La vie continue. Je ne peux pas rester là, à me morfondre et toujours me lamenter de ce viol subi" a-t-elle confié, très relaxe dans ses réponses et qui attend des lendemains plus offrants dans ce centre.

Toutefois, elle a souligné que grâce à ce centre elle a beaucoup changé et est prête à investir pour bâtir de telles structures ailleurs pour aider des femmes avec qui, elle partage le même sort. "Il faut faire preuve de dépassement au-delà de tout ce qui s'est passé" a lancé cette brave victime.

Quant à une de ses pairs, une guinéenne abandonnée de son époux avec son bébé après une séparation violente dès son cinquième mois de grossesse.

"Suis partie chez ma grande soeur à Pikine Texaco (banlieue dakaroise) qui m'a hébergée avant son départ en Guinée pour les besoins de son mariage. Après mon accouchement, devant un père ne pouvant même pas assurer le lait ni les layettes à son bébé, A Diallo (nom d'emprunt) a finalement rejoint ce refuge social par l'aide de la maison des femmes de Pikine.

Le centre selon elle, "nous permet d'être confiants en soi", a-t-elle reconnu. Tout cela, grâce à des ateliers de couture, de création et de" méditation" pour la concentration qui nous a permis de connaitre nos qualités et de croire en nous, de faire preuve de maitrise de soi.

Entreprenante, elle s'adonne à la confection de poupées dont neuf sont déjà commercialisées à l'extérieur du pays.

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