Ile Maurice: Ackshay Chuttooree - «Nou Moris pe brilé...»

interview

Dans le cadre de la Journée internationale contre l'abus et le trafic de drogues, célébrée demain, cet ancien consommateur de drogue a accepté de nous livrer son parcours de combattant contre cette addiction qui lui a pourri une partie de sa vie. Et cela à visage découvert...

Nous savons que le fléau de la drogue prend de l'ampleur à Maurice, que pensez-vous de la situation actuelle ?

Nou Moris pe brilé... Les transactions liées à la drogue se font partout, aux quatre coins de l'île, dans chaque village et chaque ville. À chaque fois qu'on en attrape un (NdlR : personne liée au trafic de drogue), il y a deux autres qui prennent la relève.

Que pensez-vous de la politique gouvernementale à ce sujet ?

Je ne m'intéresse pas à la politique, donc je préfère ne pas faire de commentaire à ce sujet.

Pourquoi n'attrape-t-on jamais les 'gros requins' ?

Cela dépend mais je pense qu'il y a quand même quelques-uns actuellement en prison.

Racontez-nous comment vous vous êtes retrouvé dans cet univers...

Je me suis retrouvé dans cet enfer très jeune. Trop jeune même. À l'adolescence, je faisais le va-et-vient entre le domicile de mes parents et celui de ma tante à Mahébourg. À 13 ans, je touche à ma première cigarette, puis c'est la descente aux enfers par manque d'encadrement mais aussi par les fréquentations que je commençais à avoir, ces connexions que je commençais à tisser, un peu par naïveté. Après la simple cigarette, j'ai touché au cannabis, puis à toutes les autres drogues, comme le synthétique ou les drogues dures, comme l'héroïne, mais aussi aux hallucinogènes et psychotropes. Bref le tout ! Je peux vous dire que toutes les drogues sont nocives. Pa dir enn mwin nosif ki lot, manti sa...

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Comment avez-vous vécu ces années de «martyre» ?

De 2013 à 2017, cela a été très pénible pour moi. Un enfer. J'avais tous les regards braqués sur moi, je ne pouvais plus rien faire. J'avais tout perdu. Mon travail, tout ! Tout ce que je réussissais à avoir en termes d'argent se volatilisait dans l'achat de ma dose quotidienne. Je ne pouvais plus vivre sans. Zamé mo ti dan mo léta normal mem...

«Toutes les drogues sont nocives. Pa dir enn mwin nosif ki lot, manti sa... »

Comment êtes-vous parvenu à sortir de là ?

C'est un peu bizarre. C'était en 2017, j'avais environ 23 ans (NdlR : Ackshay a 31 ans aujourd'hui) quand je me réveille un matin et que je suis très malade. J'ai des douleurs atroces, insupportables aux intestins. Je me dis alors que je suis peut-être en manque mais après une visite au médecin, j'apprends que j'ai contracté une infection aux intestins. Je suis dirigé vers une clinique où je me soigne et là, j'ai le déclic. Je prends conscience de ma santé, de ma vie et, du jour au lendemain, j'arrête d'en consommer et je ne ressens plus de manque. Bizar non ? Mé se koumsa ki monn arété. Aussi, moi qui n'avais jamais trop été croyant, je ressens le besoin de me rapprocher de Dieu, j'avais à l'époque un voisin qui était chrétien, je lui ai emboîté le pas et je me suis senti bien...

Que faites-vous aujourd'hui ? Avez-vous une vie plus ou moins normale ?

Aujourd'hui, je peux vous dire que je ne ressens plus aucun manque et je ne suis plus tenté à en prendre. Pena okenn lenvi ki la. J'ai même arrêté la cigarette. J'ai une vie normale, oui. J'ai aussi changé de fréquentation. Je suis comme un poisson dans l'eau. À l'aise ! Je suis entrepreneur depuis quelque temps et je dirige un commerce de poulets à St-Pierre. Village où j'habite avec mes parents.

Quid du regard des autres ?

Je ne subis pas ce genre de regard malveillant. Au contraire, je suis un exemple pour montrer que si vous voulez vous en sortir dans la vie, peu importe l'obstacle, vous le pouvez avec beaucoup de volonté.

Avez-vous eu le soutien de vos proches pour revenir sur le «droit chemin» ?

Je dois avouer que mes parents avaient perdu confiance en moi à un moment donné. Ils ont tout fait pour que je puisse m'en sortir. Oui, ils m'ont toujours soutenu...

Qu'est-ce qui a été le plus dur ?

Le fait d'avoir le sentiment d'avoir tout perdu dans la vie. Mon travail à l'époque, j'étais endetté, je m'étais perdu moi-même. Je me disais même que la mort était peutêtre la solution à envisager...

Aujourd'hui, cela fait combien de temps que vous n'avez pas touché à ce poison ?

Depuis 2017 !

N'êtes-vous pas tenté ? Vous faites quoi, si c'est le cas ?

Non pas du tout. Je garde foi en Dieu...

On dit souvent que les toxicomanes sont les plus persécutés par la police, plus que les trafiquants eux-mêmes. Votre avis.

Fort heureusement, je n'ai jamais eu affaire à la police. C'est ce qui me permet aussi d'avoir une vie normale.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes, à tous ceux qui sont toujours plongés dans cet enfer ?

Ekout zot paran. Ena enn simé sorti. Kwrar dan Bondié. J'ai décidé de partager mon histoire, mon vécu à visage découvert car j'ai envie que ceux qui sont toujours coincés dans cet univers voient que tout n'est pas perdu. Qu'eux aussi peuvent et méritent le respect dans la société et que du moment que vous décidez de 'met seryé ek lavi la', tout ira bien. Ayez confiance en vous !

Youth For Christ sensibilise contre les méfaits de la drogue

Dans le cadre de la Journée internationale contre l'abus et trafic de drogues célébrée le 26 juin, la branche locale de Youth For Christ a organisé, hier samedi, une journée de réflexion sur le thème «la prévention, outil indispensable» au centre de l'organisation, à Allée Brillant Branch Road, Castel. Cyril Palan, un des organisateurs, confie que tous les ans des activités sont faites à l'occasion de cette journée avec le soutien de Danny Philippe, chargé de prévention à l'association Développement, rassemblement, information et prévention (DRIP).

«Puis, il y a eu le confinement et là nous reprenons nos habitudes. Nous faisons en premier, aujourd'hui, un état des lieux puis nous nous étalerons sur d'autres sujets comme la dépendance et les témoignages de ceux qui ont pu s'en sortir, toujours durant cette journée.» Comment aider les jeunes à ne pas sombrer dans ce fléau ? La prévention, les conseils mais aussi la spiritualité, la prière et la camaraderie. «Nous privilégions le contact direct, nous passons beaucoup de temps avec eux et il y a aussi le sport en plein air qui aide. Quand les jeunes sont occupés à faire quelque chose, ils ne sont pas tentés de tomber dans cet enfer, de toucher à la drogue...»

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