Tunisie: Les accidents mortels se multiplient - Tueurs en série sur nos routes !

26 Juin 2023

Le relâchement est à tous les niveaux et les vieux réflexes refont surface. On oublie dans le sillage de ces drames successifs qu'être chauffeur est un métier qui obéit à des règles strictes.

Selon l'Association tunisienne de prévention routière, les accidents de la route coûtent 800 millions de dinars chaque année à la Tunisie, outre le nombre important de victimes. Il est temps de renforcer le contrôle au niveau des voies routières et d'appliquer fermement la loi afin de mettre fin aux comportements irresponsables de certains conducteurs.

Selon l'Association des ambassadeurs de la sécurité routière, les accidents de la route ont fait 511 morts en Tunisie du 1er janvier au 22 juin 2023. Il faut rappeler qu'en une seule journée, la semaine dernière, on a enregistré un déraillement de train qui a fait deux décès et deux accidents qui ont fait 14 morts. Ceux qui ont provoqué ces accidents sont souvent des professionnels du transport ferroviaire et de la route : chauffeurs de poids lourds, conducteurs de bus, de louages ou de taxis. Et pour cause, ils échappent aux contrôles sur la route et aux inspections d'usage pour exhorter les chauffeurs à mieux se comporter sur les routes.

Le relâchement est à tous les niveaux et les vieux réflexes refont surface. On oublie dans le sillage de ces drames successifs qu'être chauffeur est un métier qui obéit à des règles strictes. On ne se comporte pas sur des routes déjà classées parmi les plus meurtrières au monde de la même façon que quand on transporte des malades en ambulance, des enfants à la crèche, des jeunes en excursion ou des personnes âgées. Ici, le rôle du chauffeur est de conduire à bon port ses passagers sains et saufs. Or, il ne suffit pas de délivrer un permis de conduire pour garantir une bonne attitude du conducteur.

%

Il est à rappeler que l'émission de télévision française « Enquête exclusive », diffusée sur M6, s'est penchée dimanche 18 février 2018 sur les routes les plus meurtrières du monde en citant trois pays, dont la Tunisie. «Dans le monde, la route tue chaque année 1,3 million de personnes et en blesse près de 50 millions. Parmi les pays où les routes sont les plus meurtrières, il y a la République Dominicaine, la Tunisie et le Mozambique», a indiqué Bernard de La Villardière, le présentateur de l'émission.

Il est à noter également que l'ex-ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire, Mohamed Salah Arfaoui, a déclaré le 29 novembre 2017, lors d'une audition à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), que «45% des routes en Tunisie sont dans un état non satisfaisant, et ne répondent pas aux normes en vigueur». Cependant, il a affirmé lors du 13e congrès de l'Organisation internationale de prévention routière, tenu sur le thème "la gouvernance des routes", que «les études ont démontré que l'infrastructure routière n'est pas la seule principale cause des accidents de la route en Tunisie, mais également le comportement de certains usagers de la route», laissant entendre que leur comportement est grave.

Il n'empêche, l'état des routes meurtrières dans notre pays est confirmé par le classement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS, 2013). En effet, la Tunisie fait partie des pays dont les routes sont les plus meurtrières au monde. Elle est classée 138e/180 avec un taux de mortalité de 24,4 morts pour 100.000 habitants. En effet, le nombre moyen de décès sur les routes tunisiennes est de 1.453 avec un pic enregistré en 2012: 1.623 décès. En moyenne, la Tunisie enregistre près de 1.300 accidents par an mais le nombre de décès est beaucoup plus important.

Selon la même source, Kairouan, Médenine, Zaghouan et Sidi Bouzid arrivent en tête du classement des régions dont les routes sont les plus meurtrières par rapport au nombre d'accidents. Parmi les causes des accidents de la route, la traversée des piétons arrive largement en tête (26%), suivie de la distraction au volant (16%) et l'excès de vitesse (16%). Selon l'Association tunisienne de prévention routière, ces accidents coûtent 800 millions de dinars chaque année à la Tunisie, outre le nombre important de victimes.

Force est de reconnaître que l'inattention de la part des conducteurs entraîne parfois des sorties de route, mais l'état déplorables des routes et l'absence de signalisation, peuvent transformer des fautes bénignes en des accidents mortels.

Il ne s'agit nullement d'infractions lourdes. Pourtant, le résultat est le plus souvent catastrophique. Ainsi, l'on dénombre des tués contre des arbres, contre des pylônes et des poteaux, contre le talus et des fossés ou même contre des panneaux de signalisation. Tous présentent des obstacles latéraux sur les abords des routes. Sachant qu'un choc contre un obstacle rigide est mortel dès 65 km/h en choc frontal, et dès 35 km/h en choc latéral et qu'il est presque toujours fatal à 90 km/h quel que soit le point d'impact. Il semble dès lors important d'intervenir sur certains obstacles aux abords des routes et sauver des vies humaines.

Il est toutefois vrai que l'absence d'une structure de coordination entre les divers intervenants pour la gestion de la sécurité routière n'arrange pas les choses et il est temps de développer l'infrastructure de base et d'étoffer la législation en vigueur pour réduire les accidents de la route.

En effet, le retard dans la mise en place notamment d'une instance qui regrouperait sous son toit toutes les structures concernées par la sécurité routière avec pour mission principale la mise en place d'une stratégie nationale et une coordination plus efficiente de la prévention et de la sécurité routières, affecte négativement la sécurité routière dans notre pays.

En effet, la sécurité routière devrait figurer comme un point permanent à l'ordre du jour des conseils ministériels. Car, tout comme la lutte contre le terrorisme, sauver des vies humaines sur les routes tunisiennes doit être l'une des priorités du gouvernement.

Etant donné que nos routes ne sont pas conformes aux normes, l'absence d'un audit en matière de sécurité routière qui porte entre autres sur la qualité des routes ne fait qu'augmenter le risque de décès lors des accidents. L'absence d'un plan directeur de la signalisation qui est un langage routier fait également défaut sur nos routes.

L'Etat devrait donner l'exploitation et l'entretien des route aux privés dans le cadre du PPP, car il n'est pas acceptable que 17% des piétons meurent dans des zones d'agglomérations.

Les présidents des conseils municipaux sont aussi invités à appréhender l'ampleur du phénomène et à lutter contre ce fléau en adaptant les routes au comportement routier.

Enfin, l'on ne peut que formuler le voeu de voir tous les efforts déployés en vue non seulement de fluidifier et canaliser la circulation sur nos routes mais aussi de renforcer la sécurité des usagers. Pour ce faire, un effort sur l'amélioration des routes par le biais de l'élimination de certains obstacles ou de leur isolement nous semble plus qu'indispensable, tandis qu'un effort sur la signalisation horizontale et verticale à même de permettre un guidage sécurisé de jour comme de nuit est plus que nécessaire.

Il ne faut pas oublier qu'une route sans précaution, c'est infliger des blessures aux usagers. Nous avons fort besoin de routes qui pardonnent et nous sommes plus que certains que des solutions tant correctives que préventives se bousculent déjà dans la tête des gestionnaires des voiries. Alors, il est temps de multiplier les efforts pour intervenir sur les infrastructures existantes pour une année avec moins de dégâts et de perte en vies humaines.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.