Ile Maurice: Abus et trafic de drogues - Les mesures nécessaires contre ce fléau en mutation

Ce lundi, nous célébrons la Journée internationale contre l'abus et le trafic de drogues. Des maux qui gagnent du terrain et grappillent davantage la population de jeunes. Quelle en est actuellement l'ampleur ? Comment le trafic et la consommation de ces substances changent-ils ? Quelles actions s'imposent ? Tour d'horizon à l'occasion d'une conférence-débat de l'Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), prévue ce soir.

De 18 h 30 à 21 heures, ce lundi 26 juin, l'Institut Cardinal Jean Margéot amorcera les discussions sur un épineux problème : la drogue. Une urgente et douloureuse question, et tout ce qui l'entoure, précise l'institution. Ceci inclut les ravages de ces stupéfiants au sein de la société, qui nécessitent des réflexions sur les politiques requises face au monde en pleine mutation. D'ailleurs, on assiste à une multitude de saisies de drogue régulièrement sur le plan local.

Est-ce une indication que le fléau progresse inlassablement ? Définitivement, la consommation et le trafic de stupéfiants sont en nette progression, observe Danny Philippe, chargé de prévention et de plaidoyer de Développement rassemblement Information et prévention (DRIP). «Toutes sortes de drogues pullulent sur le marché, comme l'ecstasy, la méthamphétamine, le crystal meth, la cocaïne, etc. La drogue synthétique, arrivée à Maurice depuis 2013, n'a cessé de décupler ses variantes. C'est cela qui la rend plus dangereuse. Pour l'héroïne, le gandia ou la cocaïne, on dispose de médicaments à administrer pour la désintoxication. Par contre, il peut y avoir au moins une quarantaine de variétés de drogues synthétiques présentes dans l'île. Comment traiter tout ça ? C'est vraiment difficile», explique-t-il.

%

Très souvent, c'est au décès d'un toxicomane qu'on peut déceler la présence des produits en question dans son corps. Parallèlement, le rajeunissement des consommateurs s'accentue, touchant filles et garçons dès 12-13 ans. Des jeunes de 17-18 ans en sont aussi morts. «Même si les garçons sont plus nombreux en termes d'usage de drogue, il y a une indication que les filles en font davantage usage. D'où la mise en place de la prévention dès la petite enfance. Cela peut alors donner une direction positive à ces petits», ajoute Danny Philippe.

Comparé aux 20 à 25 dernières années, ce phénomène a non seulement changé de tactiques, mais aussi de spécificités des trafiquants. Ici encore, déclare-t-il, le rajeunissement est incontournable. Il y a quelques décennies, on pouvait identifier les auteurs du trafic dans des quartiers. Aujourd'hui, des enfants de 13 ans s'adonnent au commerce de la cocaïne, pourtant une drogue qui n'est pas à la portée de tous. Ceux de six ans sont utilisés comme mules. «Chaque année, la situation s'aggrave. On ne cesse de tirer la sonnette d'alarme. Plus que jamais, il faut définir une stratégie nationale commune», affirme-t-il.

Pauvreté, exclusion et injustices

D'ailleurs Jonathan Ravat, directeur de l'ICJM, estime que parmi tous les défis à considérer dans notre République, notamment la pauvreté, l'exclusion et les injustices, entre autres, toute la problématique des drogues demeure d'actualité. «Derrière ce phénomène, il y a des êtres humains, ainsi que leurs familles, qui sont en souffrance d'addiction et de dépendance avec tout ce qui peut induire au rejet et à l'exclusion. Le risque est de s'endormir en s'habituant à ce genre de réalités.» Il convient, poursuit-il, de placer cette question sociale et humaine dans une démarche élargie pour réinventer notre regard et notre paradigme. Qui dit personne en dépendance, dit aussi réinsertion et réhabilitation, ajoute-t-il.

Pour sa part, le Dr Vinod Ramkoosalsing, consultant psychiatre et ancien officier responsable du lancement de la méthadone, est tout aussi préoccupé par l'ampleur de la drogue à Maurice. «On constate qu'il y a beaucoup d'héroïnomanes et d'accros à la drogue synthétique. D'après des études, auparavant, les autorités policières à Maurice et du monde entier saisissaient 20 % des drogues et 80 % entraient sur le marché. Avec les x-rays et les chiens renifleurs à l'aéroport, c'est peut-être arrivé à 50 %. Mais on voit aussi que les produits arrivent par voie maritime. Ce qui fait que, finalement, il y a beaucoup de drogues dans l'île», constate-t-il.

Il observe une recrudescence de la consommation chez les adolescents et les jeunes adultes, entre 15 à 35 ans. «Au sein de cette catégorie d'âge, je vois plus l'essor de l'héroïne», souligne le Dr Vinod Ramkoosalsing. Il est, selon lui, urgent de mettre l'accent sur la méthadone comme programme de désintoxication. «Tout récemment, j'ai appris que l'État viendra avec le Suboxone. Auparavant, on l'utilisait pendant deux semaines, suivi de la Naltrexone. Celle-ci bloque les effets des drogues au niveau du cerveau. Je pense au Suboxone à long terme comme programme de maintenance.» Selon lui, il ne faut pas diaboliser la méthadone, qui reste un traitement efficace dans la désintoxication.

Par conséquent, une politique des drogues doit impérativement être créée. Des assises nationales sont indiquées pour une stratégie de prévention holistique et intégrée, avec des approches communautaires. Pour Danny Philippe, il faut considérer la pauvreté, le malêtre des individus et l'injustice sociale. «Nous devons tous nous asseoir et discuter ensemble sur les mesures nécessaires. Il faut des actions complètes et concrètes. La situation du trafic est aussi inquiétante car il s'amplifie également.»

En termes d'actions, Jonathan Ravat revient sur la commission d'enquête sur la drogue. Il faut se la réapproprier. «Les autorités ont mentionné la mise en place des recommandations un peu par morceaux. Mais je crois qu'il faut plus de réappropriations et une relecture. Il y a un besoin de réapprendre ce qui se vit dans d'autres pays et modèles», affirme-t-il. À l'exemple des États-Unis, le Portugal et l'Amérique du Sud, entre autres. «N'est-il pas l'heure de convoquer une assise citoyenne qui consisterait en tout ce qu'il y a d'humain comme expérience, entre autres, et à mettre tous les acteurs ensemble ? Ce conclave favorisera une vision et un plan d'action communs», conclut-il.

300 % d'augmentation de morts par overdose de 2000 à 2019

Selon une recherche de Medical Aid, les décès par overdose ont cru par 300 %, entre les années 2000 et 2019. L'institution a également établi un classement des pays sujets aux plus fortes hausses de morts par overdose. Celui-ci est présenté dans le tableau ci-dessous :

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.