Ile Maurice: Services financiers - La capacité de retenir les compétences mise à rude épreuve

Se faire un nom dans les services financiers doit être soutenu par sa capacité à contenir une concurrence globale bien armée pour séduire les compétences locales. C'est un défi majeur pour la juridiction mauricienne.

Si elle affiche un millier de postes vacants, les sceptiques, qui estiment que beaucoup risquent de ne pas trouver preneurs, n'auront peut-être pas tort.

La Financial Services Commission (FSC), le Financial Services Fund, Mauritius Finance, qui réunit les financiers du privé, l'Insurers' Association ou encore le Financial Services Institute étaient au rendez-vous pour la Financial Services Careers Fair 2023. Cette manifestation, qui procure aux employeurs une plateforme de contact avec de futurs employés, s'est déroulée vendredi et samedi derniers à Ébène, au Atal Bihari Vajpayee Hall Tower, témoin du rôle primordial de la Grande péninsule dans l'entrée de Maurice dans la cybersociété.

Avec la participation de 47 entreprises, le ministère des Services financiers a mieux fait qu'en 2022 quand les participants n'étaient même pas une trentaine. Cette manifestation a tenu toutes ses promesses organisationnelles. La presque totalité des stands était animée par des jeunes visiblement branchés sur les technologies qui ont fait voler en éclats les vestiges d'un ancien monde avec ces deux symboles phares que sont le téléphone portable et l'ordinateur. Mais il faut surtout pouvoir maintenir le cap d'une initiative devenue indispensable pour un secteur qui ne cesse de se repenser.

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«L'objectif de cette careers fair, explique le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, Mahen Seeruttun, est de permettre aux professionnels et aux employés potentiels de bénéficier des avantages d'un face-à-face avec les employeurs de cette industrie. Il s'agit aussi de vulgariser la nature des activités et du potentiel d'embauche du secteur afin de permettre au grand public et aux étudiants de découvrir les opportunités de carrière et combler le manque de personnel dans ce secteur.»

Charlène Denidal, qui entame sa troisième année d'études à l'université de Maurice en mathématiques et finance, et Eugénie Enouf, qui s'apprête à démarrer des études supérieures en business management, y sont venues chercher un opérateur désireux de faire de la place à des étudiants en quête d'un engagement à temps partiel. Rogers Capital leur a ouvert la porte d'un secteur où la recherche de nouvelles compétences doit s'accompagner d'un encadrement capable de leur faire résister aux tentations d'aller vérifier si l'herbe est plus verte ailleurs.

Ce secteur est victime de son succès, illustré par la deuxième place qu'il occupe sur la liste des secteurs dont la contribution est essentielle pour matérialiser le Produit intérieur brut du pays. Le nombre d'emplois offerts est passé de 5 820 en 2012 à 9 947 en 2021 et le montant d'investissement étranger ramené est passé de USD 322,1 Mds en 2020 à USD 357,8 en 2021.

Puisque les compétences de la juridiction sont à la base de son succès, celles-ci sont évidemment convoitées par d'autres juridictions. Maurice paie cher en ce moment son appartenance à un secteur d'activité planétaire, qui se conjugue d'autant plus qu'il peut fonctionner virtuellement n'importe où sans s'inquiéter d'un phénomène subit qui peut mettre à genoux toutes les économies mondiales, comme la pandémie de Covid-19.

S'il fallait un signe pour démontrer l'impact de la concurrence sur la juridiction mauricienne, c'est le nombre d'emplois qui cherchent preneurs. «D'ici la fin de l'année, le nombre de postes à remplir atteindra facilement le millier», avance Mahen Seeruttun. Question: les employeurs trouveront-ils les ressources recherchées ? En fait, le problème qui donne du souci aux employeurs mauriciens des services financiers n'est pas de trouver les compétences recherchées, mais s'ils les trouvent, de les retenir. «Il y a un manque d'actuaires et de comptables», témoigne un opérateur du secteur. «Vous n'en trouverez pas même si vous lui offrez trois fois le salaire qu'il touche en ce moment.»

Flexibilité et mobilité

Fini le temps où le parcours du salaire de ces nombreuses compétences nécessaires aux services financiers était lié au sort d'une roupie en déclin. Les compétences s'arrachent au prix des devises fortes car les services financiers mauriciens évoluent dans un environnement global et les compétences peuvent naviguer d'une juridiction à une autre. On peut compter sur les doigts de la main les opérateurs locaux qui ont les moyens de concurrencer ceux qui peuvent rétribuer des compétences locales en devises.

La société Ocorian en fait partie. Avec sa capacité fournir une panoplie de services allant de l'administration et l'application des règles de conformité à la gestion des fonds, des entreprises, sans compter des acteurs du marché de capitaux ou des clients privés, Ocorian est le profil type d'entités capables de surfer à l'international sans mettre en danger les structures installées à Maurice. «Nos solutions pour y parvenir, soutient Dan Lungut, recruteur d'Ocorian, consiste, entre autres, à offrir une flexibilité des heures de travail, une prime à l'emploi et la possibilité d'opter pour le travail en milieu familial.

Il y a aussi le concept de mobilité globale après un an de service. Le personnel bénéficiaire peut demander à être affecté dans n'importe lequel de nos bureaux dispersés dans une vingtaine de locations. Point n'est besoin de quitter sa position actuelle. C'est un système qui nous permet de retenir nos talents tout en les permettant de jouir d'une insertion et d'une expérience professionnelles internationales, opportunité que beaucoup de jeunes recherchent. Nous avons une centaine de positions dans l'administration et la comptabilité.»

Autre type de société, autre formule pour parer aux conséquences de la concurrence d'entités outre-mer. Au sein de BDO, qui fait partie des cabinets d'audit select de la planète, on accorde une grande importance à la nécessité de retenir les compétences. «Afin de fidéliser nos employés, fait ressortir Annick Lavigilante, responsable de la gestion des ressources humaines, nous leur inculquons nos valeurs telles qu'Excellence, Professionalism, Innovation, Team Work, Work-Life Balance and Recognition. Chez BDO, nous avons un système d'accompagnement dédié et personnalisé pour chaque employé.

Nous leur proposons des programmes de formation pour développer leurs compétences tout en étant encadrés par notre équipe de professionnels. Pour accentuer la portée d'une de nos valeurs (Work-Life Balance), nous proposons plusieurs activités, telles qu'évènements de team building, sorties, office breaks, wellness day et bien d'autres encore. Nous attachons une grande importance au un équilibre entre leur travail et leur bien-être personnel. Il est important de souligner que 70 % de nos employés ont moins de 30 ans et la parité hommes-femmes dans les postes clés est de 50 %.»

Qu'en est-il des opportunités d'embauche chez BDO ? «Il y a plusieurs postes à pourvoir, dans les départements de l'audit et des services financiers». déclare Annick Lavigilante. «Nous sommes en pleine phase de recrutement. Nous recherchons des candidats avec ou sans expérience. Les sélectionnés bénéficieront d'un programme d'accompagnement jusqu'à la fin de leur période de formation en ACCA ou ACA (ACCA- Association of Chartered Certified Accountants & ACA- ICAEW Chartered Accountant). Ils auront également accès à des formations en soft et technical skills pour assurer leur développement personnel.»

Pour le Chief Executive de la FSC, Dhanesswurnath Thakoor, le salaire n'est pas le seul élément qui favorise l'exode des compétences de Maurice. Parmi les facteurs qui occasionnent un tel phénomène, il note principalement le manque de reconnaissance à sa juste valeur de la compétence locale comparée à la posture affichée envers la compétence qui vient d'ailleurs, pourtant sanctionnée par les mêmes qualifications universitaires.

Il souligne, par ailleurs, «qu'il faut donner la chance aux Mauriciens pour qu'ils puissent occuper des postes au sommet de la hiérarchie des entreprises et avoir recours à une politique de transfert de compétences lorsque l'appel à la compétence étrangère se présente comme une option».

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