L'ex-militaire est poursuivi à Paris pour crimes de génocide, crimes contre l'humanité et entente en vue de commettre ces crimes commis en avril 1994, dans la préfecture de Butare, dans le sud du Rwanda. Un réquisitoire sans surprise où l'attitude de l'ancien adjudant-chef rwandais au cours du procès a pesé lourd.
Philippe Manier n'a eu « aucune empathie envers les rescapés du génocide », a souligné l'une des avocates générales. Sa phrase la plus fréquente était : « Ce témoin, je ne le connais pas. » Avant de se murer dans le silence, l'ancien adjudant-chef de Nyanza a nié toute implication dans le meurtre d'un bourgmestre et dans les massacres de tutsis à trois endroits de la préfecture de Butare, affirmant qu'il était déjà parti pour Kigali.
Alors que selon les témoins, rescapés ou gendarmes, Biguma, c'était son surnom, organisait les patrouilles et la rotation des gendarmes aux « barrières » où l'on tuait les tutsis, et qu'il lançait même le premier tir de mortiers sur la colline de Nyaburaré.
Naturalisé français en 2005 sous le nom de Manier, Philippe Hategekimana est donc selon le parquet « auteur » de génocide et « auteur » de crimes contre l'humanité dans trois des quatre faits jugés. « Ce n'était pas un petit poisson, un simple exécutant », conclut l'avocate générale en s'adressant aux jurés : « les victimes ont attendu 29 ans. Au nom de la lutte contre l'impunité, nous vous demandons de dire qu'il est responsable ». « Vous écrivez une page d'histoire. La France ne peut pas être terre d'asile pour les génocidaires. »
Attitude défavorable pendant le procès, selon l'avocate des parties civiles
La peine requise n'est pas une surprise pour Me Domitille Philippart. Selon l'avocate du collectif des parties civiles, l'implication de l'ancien adjudant-chef de Nyanza dans l'assassinat d'un bourgmestre, dans les massacres de tutsis réfugiés sur les collines de Nyaburaré et de Nyamuré et à l'institut Isar Songa, était suffisamment documentée, « compte-tenu des nombreux témoignages que l'on avait eu et qui confirmait la présence de l'accusé sur tous les lieux pour lesquels il était mis en accusation et la fourniture d'armes pour l'un des lieux des massacres. C'est assez sans surprise en réalité, on a la confirmation de ce que le parquet a considéré que l'intégralité des faits était établie. »
L'attitude de l'accusé pendant le procès a joué en sa défaveur, observe aussi l'avocate. « On est chez quelqu'un qui n'est pas sorti de son idéologie génocidaire depuis 1994 [et qui] a dissimulé pas mal de choses pendant l'instruction, à son arrivée en France et à l'audience, il a refusé d'expliquer les faits, son positionnement, d'expliquer qui il était, même ça il l'a refusé à la cour et je pense que ça a été retenu contre lui ».
Les principaux avocats de la défense ont quitté l'audience avant le réquisitoire final, ne souhaitant pas s'exprimer à la veille de leur plaidoirie. Verdict attendu mercredi.