Madagascar: Les premières monnaies locales disparues

Jusqu'au XVIIe siècle, Madagascar connaît le système de circulation des valeurs le plus primitif. Les transactions entre les habitants se réduisent à de minimes échanges de produits de première nécessité.

« Celui qui a besoin de quelque chose, va le chercher là où il y en a en abondance ; ils portent et conduisent avec eux des bœufsm, des vaches, du riz, du fer et des racines d'ignames, échangeant les choses qu'ils ont en abondance pour celles qui leur manquent, car il n'y a ni foire, ni marché et chacun s'entraide par son industrie et son travail », écrit Étienne de Flacourt en 1658.

Les premières monnaies étrangères - des dinars d'or fatimites- sont introduites vers le XIIIe et peut-être même le Xe siècle, par les Arabes qui viennent trafiquer sur les côtes Nord-Est et Nord-Ouest, mais elles ne servent pas dans les transactions courantes, car l'usage de la monnaie est inconnu. Les dinars retrouvés dans des sépultures de la côte Nord-Est à Benavony, à Mananara et à Vohémar, sont utilisés comme objets de parure. Suivant une coutume encore en vigueur dans certaines régions, les pièces sont placées sur le front ou entre les mâchoires des morts.

À partir du XVIe siècle, les Européens qui se rendent aux Indes font souvent relâche à Madagascar soit pour réparer leurs navires, soit pour reconstituer leurs « rafraîchissements ». En échange de boeufs, de volailles, de fruits, les indigènes acceptent des perles de verre, des bracelets et des étoffes. Lorsqu'ils sont démunis de marchandises de traite, les navigateurs offrent parfois des monnaies, mais l'usage en est prohibé par les principales nations européennes. Dans un mémoire destiné aux directeurs de la Compagnie des Indes, Colbert a édicté que les transactions ne pourraient se faire que sous la forme de troc sans intervention de monnaie.

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Hormis un petit nombre d'espèces d'origine française ou hollandaise, la monnaie étrangère longtemps introduite à Madagascar est représentée par les piastres d'Espagne. Ces pièces d'argent d'une valeur de 8 réales de plata proviennent de l'atelier monétaire de Mexico qui fournit à lui seul la moitié de l'argent monnayé mis en circulation dans les empires coloniaux.

« Prise d'abord comme bijou et objet de curiosité, la pièce d'argent fut peu à peu recherchée dans les opérations de troc » (J. et S. Chauvicourt). En 1613, le père jésuite Luis Mariano, à bord de la caravelle Nossa-Senhora da Esperança note « qu'au Sud du cap Saint-André, les indigènes vendent leurs articles de commerce très cher ; ils acceptent en paiement des piastres, des réaux, des chaînes d'argent, etc. ».

Le 4 février 1667, le prêtre Bourrot de Tolagnaro informe Alméras, supérieur de la Congrégation de la Mission de Saint-Lazare à Paris, que « M. Chevi (conseiller et marchand de la Compagnie des Indes orientales) laisse mourir les malades sans aucune assistance, quoiqu'il leur doive de l'argent. Quand on lui en demande, il dit qu'il n'en a point et pourtant, on en fond tous les jours pour faire des pièces qui servent dans la traite des nègres. »

Les pièces auxquelles le père Bourrot fait allusion sont restées inconnues. « Si l'on tient compte de l'outillage rudimentaire dont disposait l'établissement de Fort-Dauphin, l'opération devait se réduire à fondre les matières d'argent prélevées parmi les objets de traite pour fabriquer quelques monnaies frustes, à l'imitation des pièces espagnoles de forme irrégulières appelées cortados (écourtées) bien connues de la population du Sud de Madagascar. » Louis XIV est informé de la mise en circulation de cette monnaie dans le Sud.

Dans une lettre du 19 janvier 1669, après avoir blâmé le gouverneur, il termine : « J'espère apprendre que vous aurez tenu à empêcher la continuation du cours de l'argent dans l'isle, et que vous aurez tenu la main à faire retirer ou tout ou la plus grande partie de ce qui en a été débité. » Après cette première fabrication d'une monnaie particulière à la Grande île, il faudra attendre le milieu du XVIIIe siècle pour qu'un roi de l'Imerina fasse fabriquer une monnaie d'argent. Un manuscrit hova repris par Alfred Grandidier indique : « On recherchait à Imerina pour les sorona (sacrifice), pour offrir à Kelimalaza, les pièces d'argent nommées taraiky, faites à Imerina par quelques Blancs y résidant sous le règne d'Andriambelomasina. »

Pour l'auteur, ces fabricants du « volan-drazana » ou « argent des ancêtres » seraient des Arabes venus de la côte Nord-Ouest. Mais Leguével de Lacombe souligne l'intelligence très développée et l'habileté des Hova dans plusieurs branches de l'industrie, notamment dans la fonte et le travail des métaux. « Ils fabriquaient autrefois de fausses piastres d'Espagne dont l'imitation était si parfaite que les Blancs eux-mêmes y ont été longtemps trompés. »

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