Afrique: Le duel Wagner - Poutine - Quelles conséquences pour l'afrique ?

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analyse

Dans la matinée du samedi 24 juin 2023, le chef de la milice Wagner Evgueni Prigojine se mettait en route pour Moscou, à la tête de plusieurs milliers de mercenaires, suite à une frappe de l'armée russe ayant touché un camp de Wagner. Il a qualifié son insurrection de «une marche pour la justice» .

Après un vent de panique au Kremlim, Prigojine a quitté ses positions en Russie et a mis fin à son avancée. La rébellion a duré quelques heures et a crée des pertes en vies humaines, entre 13 et 20 selon des blogs militaires pro-russes.

L'Afrique est l'un des principaux enjeux de ce soulèvement aussi bien dans ses causes que dans l'examen de ses multiples conséquences.

L'Afrique comme l'une des causes de la mutinerie :

Dans son allocution du 24 juin 2023 Prigojine n'a pas manqué de citer l'Afrique comme l'une des causes de son courroux avec le Kremlin. L'Afrique occupe une place centrale dans les activités de Wagner. Si la milice est devenue en quelques années seulement, une redoutable organisation, c'est grâce à son expérience sur le continent.

L'Afrique a été une source de crispation entre Wagner et Moscou comme le révèlent les propos tenus par Prigojine avant sa marche vers la capitale. Il déclarait en substance :

« On nous disait qu'on a besoin de l'Afrique et après ça , elle a été abandonné parce que tout l'argent qui était destiné à l'aide a été volé»

D'après une source diplomatique française, «Wagner réclamait plus d'argent et de matériel pour continuer ses actions en Afrique».

Evgueni Prigojine voulait étendre ses activités en Afrique. "Il voyait l'argent qu'il était possible de faire, très vite, sur ce terrain. Il voulait que Moscou l'investisse pour faire plus et gagner plus. Mais les militaires russes ont rapidement tenu à calmer les ardeurs de Prigojine. Ils avaient besoin de l'argent pour la guerre en Ukraine et ils ne voulaient pas que Wagner devienne trop riche. Ils avaient compris que Prigojine n'était pas un militaire", poursuit le diplomate.

Wagner est financé par ses clients africains, mais son armement est offert par Moscou. En retour les hommes de Prigojine ont permis à l'administration russe de lever des réserves substantielles à partir des extractions d'or contrôlées par les mercenaires, permettant ainsi à Vladimir Poutine de contourner les sanctions imposées pendant la guerre. Les responsables américains situent à 130 milliards de Dollars le montant des réserves d'or que l'administration russe a pu lever dans cette coopération. Le Kremlin a d'abord nié toute liaison avec la milice. Il assume aujourd'hui son tutorat.

Depuis fin 2017, période pendant laquelle on situe les premières implantations militaires de Wagner sur le continent, le groupe a développé ses activités dans 5 pays. Mais en réalité ses structures paramilitaires sont présentes sous diverses formes dans plus d'une douzaine de pays. Wagner a remplacé l'armée française au Mali où l'organisation russe possède plus de 1500 mercenaires. La situation est relativement différente au Burkina-Faso où le départ des militaires français n'a pas donné lieu à leur remplacement par un important contingent de mercenaires russes.

Wagner n'est pas seulement un outil d'influence qui permet de prendre ses marques dans la nouvelle configuration géopolitique. C'est aussi une affaire rentable. Le Mali et la Centrafrique s'endettent pour payer les mercenaires russes. 9 millions d'euros soit 6 milliards de francs cfa par mois, voila ce que représente la facture du groupe Wagner au Mali. Ce montant sert à payer le solde de 1400 mercenaires soit un salaire de 7000 à 9000 euros par homme. Le montant de cette facture représente plus de 100 millions d'euros soit 2 fois le budget du ministère de la justice et près de la moitié celui du ministère de la santé.

L'escalade du week-end dernier a eu de fortes résonances en Afrique. Elle est suivie de très près à Bamako. Elle embarrasse les panafricanistes. Certains ont été financés par Wagner pour lui servir de relais dans sa propagande anti-française. Au même moment ils étaient de grands laudateurs de Poutine, persuadés que Poutine et Wagner constituaient un couple inséparable et unit pour l'éternité.

Comment peut-on envisager les conséquences de la mutinerie pour l'Afrique ?

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a tenté dans une intervention largement diffusée de rassurer ses partenaires sur la poursuite des activités africaines de Wagner. L'organisation va « continuer » à opérer au Mali et en Centrafrique. Laissait-il entendre. Ses propos n'ont pas été suffisants pour dissiper toute interrogation sur le futur africain du groupe de mercenaires.

De nombreux questionnements persistent. Quelles suites pour le groupe paramilitaire russe en Afrique ? Y aura-t-il un avant et un après ? Va-t-on vers une modification de la présence russe en Afrique ?

Il est difficile d'envisager que la relation qui lie les acteurs africains avec leurs partenaires russes ne soit pas perturbée par l'escalade de Samedi dernier. D'après le politologue et avocat Oumar Berté "L'État malien est en effet aujourd'hui engagé dans un double partenariat, avec l'État russe - le camp Poutine - et avec le groupe Wagner - le camp Prigojine. Ce qui, jusqu'à présent, ne faisait pas grande différence, mais qui pourrait changer si les deux camps ne se réconciliaient pas durablement".

Il n'est pas toujours facile de voir clair dans les partenariats qui lient les Etats africains à Wagner. Interrogé par l'AFP, un haut responsable de la présidence centrafricaine indique toutefois que la Russie continuera d'opérer en Centrafrique, avec ou sans Wagner :

"La République centrafricaine a signé (en 2018, NDLR) un accord de défense avec la Fédération de Russie, et non avec Wagner", a déclaré Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. "La Russie a sous-traité avec Wagner. Si la Russie n'est plus d'accord avec Wagner, alors elle nous enverra un nouveau contingent."

On ne saurait occulter l'embarras des Etats africains. Si la brouille devait persister entre le Kremlin et Wagner comment continueraient-ils à collaborer avec une organisation qui serait en disgrâce à Moscou ?

Et la rue africaine dans tout cela ? Elle avait applaudi à la fois Wagner et Poutine. Si le torchon continuait à brûler, elle devrait choisir son camp.

Par ailleurs, Prigojine pourrait sortir de cette mutinerie comme un partenaire peu fiable. Il était connu comme une fabrication de Poutine. Il s'est retourné contre son maître au point de se livrer au chantage du parricide. Peut-on faire confiance à un tel personnage ? L'éditorialiste Djely du courrier international pense à cet effet que ce qui s'est passé en Russie devrait servir de leçon aux Etats africains.

Qu'est ce qui empêcherait à Prigojine de prendre le contrôle d'une région du Mali ou de la Centrafrique ? Une telle perspective n'est plus une vue de l'esprit. Elle appartient désormais au domaine du possible tant les Etats africains ont la réputation de ne respecter leurs engagements.

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