Sénégal: Modou Diagne Fada, DG de la Sonacos - « Avec le soutien d'Afreximbank, nous pourrons collecter 300 000 tonnes de graines »

27 Juin 2023

Le Sénégal va bientôt bénéficier d'un accompagnement de 20 milliards de FCfa d'Afreximbank. Cet argent servira à financer le renouvellement des outils de la Sonacos. Dans cet entretien, son Directeur général, Modou Diagne Fada, qui a participé à l'Assemblée générale de la banque, à Accra, revient sur les enjeux et défis qui interpellent l'huilerie nationale.

Vous venez de participer à l'Assemblée générale d'Afreximbank. La moisson a-t-elle été bonne ?

Nous sommes venus pour pousser un dossier de prêt de 30 millions d'euros, soit 20 milliards de FCfa. Nous avons entamé les négociations depuis longtemps à Dakar, puis à Abidjan, sur instruction du Président de la République. Il a souhaité que l'outil de production de la Sonacos soit rénové. Le Chef de l'État connait l'importance de la Sonacos dans l'économie de notre pays. C'est la raison pour laquelle il avait instruit le Ministre des Finances et du Budget, il y a de cela quelques mois, de prendre toutes les dispositions pour permettre à la Sonacos d'être financée par Afreximbank. Ce que le Ministre a fait. Nous avons profité de notre présence à Accra pour rencontrer les plus grands responsables d'Afreximbank pour leur dire l'importance que le Sénégal accorde à ce prêt. Nous avons reçu un accueil favorable de nos interlocuteurs.

Le Comité de crédit d'Afreximbank se réunira après la Tabaski pour approuver ce montant. Ensuite, il ne restera que des formalités administratives pour aller vers la signature de cette convention entre Afreximbank et l'État du Sénégal. Nous avions déjà anticipé à la Sonacos en prenant contact avec les constructeurs des équipements dont nous avons besoin. Nos partenaires européens sont prêts. Le type de matériels dont nous avons besoin pour cette première phase de réhabilitation de la Sonacos a été identifié. Je rappelle que nous avons cinq phases. Pour les quatre autres, nous avons de bonnes promesses de la Banque africaine de développement (Bad). Il y a quelques semaines, le Ministre de l'Agriculture, de l'Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, Aly Ngouille Ndiaye, nous demandait de préparer un dossier de 50 milliards de FCfa dans le cadre du Compact sénégalais. C'est vous dire que la Sonacos a de belles perspectives pour rendre disponibles l'huile d'arachide et les tourteaux.

Pouvez-vous nous faire le bilan de la dernière campagne de collecte ?

La dernière campagne de commercialisation n'a pas été bonne. Nous avons collecté 22 000 tonnes de graines décortiquées que nous avons reportées pour la prochaine campagne en espérant obtenir un tonnage plus important pour pouvoir démarrer la structuration. Avec 22 000 tonnes, réparties entre Kaolack, Diourbel, Ziguinchor, Dioulacolon et Louga, nous ne pouvons pas démarrer nos unités de production. Avec la nouvelle campagne, nous étions obligés de démarrer la trituration vers novembre ou décembre. Compte tenu de la vétusté de nos installations, si nous avons 100 000 tonnes, nous pouvons fonctionner correctement toute l'année. Si nous obtenons le prêt sollicité auprès d'Afreximbank, nous pourrons monter jusqu'à 250 000, voire 300 000 tonnes de graines par campagne.

Quelles sont les difficultés de la Sonacos ?

La Sonacos rencontre beaucoup de difficultés, même si, depuis quatre ans, nous sommes sortis du trou. Nous avons interrompu la chaine des défauts de paiement et le cycle des pertes annuelles. Aujourd'hui, nous faisons des bénéfices, même s'ils ne sont pas importants. En 2022, malgré une campagne de collecte difficile, nous aurons un léger bénéfice. La Sonacos se relance, mais il reste deux grandes problématiques à résoudre. Il s'agit de la vétusté de nos installations et de l'approvisionnement correct en matières premières. C'est une difficulté majeure et il faut un schéma régulier d'approvisionnement en graines.

Pour résoudre le problème de l'approvisionnement en graines, l'État ne devrait-il pas faire de la Sonacos le principal collecteur ?

C'est une bonne piste. L'État devrait faire de la Sonacos, des huiliers en général, le réceptacle des graines d'arachide. Ainsi, ils vont collecter toutes les graines d'arachide, les traiter pour exporter des produits finis ou semi-finis. S'il y a un excédent de graines décortiquées, les huiliers peuvent, avec les entreprises étrangères, signer des contrats de vente. Ce système offre plus de sécurité pour nos partenaires et pour nous.

Pourquoi les producteurs préfèrent-ils vendre aux exportateurs qu'aux huiliers locaux ?

Il y a la proximité. Les exportateurs ou ceux qui travaillent pour les Chinois sont présents partout au Sénégal. Ils sont à côté des champs, dans les marchés hebdomadaires... Ils sont donc proches des paysans. Depuis deux ans, nous faisons des efforts en nous installant dans des zones de production comme Sinthiou Malème, Ida Mouride, Dioulacolon. Mais, nous ne pouvons pas le faire dans toutes les communes du Sénégal. Aussi, les producteurs avancent des prix plus rémunérateurs ; ce qui ne me semble pas être le seul argument parce que cette année, nous avons acheté le kilogramme d'arachide à 450 FCfa en démarrant à 300 FCfa.

Les exportateurs sont plus flexibles, mais ils ne paient pas plus. Quand nous achetons, nos instruments de pesée sont bons. Ce qui n'est pas le cas de nos concurrents. Leurs instruments de pesée ne sont pas normés. Donc, c'est plus bénéfique pour le paysan ou l'opérateur de vendre à l'usine que dans les loumas, même si la commercialisation est libéralisée.

Cependant, il faut souhaiter que l'État mette en place un mécanisme de régulation de la campagne pour éviter que nos graines d'arachide qui sont subventionnées soient exportées sans transformation. Si nous exportons des graines, nous exportons également des emplois et notre pays en souffre. L'État du Sénégal a intérêt à ce que les matières premières soient transformées au Sénégal pour mieux impacter le Produit intérieur brut. Je suis sûr que, pour les prochaines années, nous aurons un bon mécanisme de régulation de la campagne arachidière pour éviter que toutes les graines soient exportées.

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