Congo-Kinshasa: 30 juin 2023 - Le pays face aux mêmes défis socio-économiques qu'en 1960

analyse

Contexte international difficile

Le 30 juin 2023, la RDC fête ses 63 ans d'indépendance dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine, avec ses conséquences désastreuses sur le plan économique.

Cet anniversaire est malencontreusement célébré au moment où les puissances étrangères ont envahi notre pays, en douce ou à travers des guerres, pour faire une razzia sur les ressources minières et les hydrocarbures.

Par-delà son aspect conjoncturel et mondial, la crise actuelle ne devrait pas voiler la profondeur du déséquilibre structurel qui plombe la croissance en RDC, empêchant l'exploitation de son potentiel économique en vue de son émergence.

A bien des égards, la démarche stratégique pour le développement du Congo demeure aussi complexe qu'à l'époque coloniale. D'une part, il faudrait attirer à bon compte les entreprises multinationales et, avec elles, mobiliser les capitaux dans le but de valoriser les ressources naturelles destinées à l'exportation et, d'autre part, promouvoir une industrie locale et une agriculture vivrière afin de relever le niveau du PIB et de l'emploi.

  • Bilan du développement après l'indépendance.

Plus que la plupart des nations accédant à l'indépendance, la RDC était dépourvue de techniciens et d'administrateurs, chasse gardée, en général, des expatriés de l'ère coloniale.

De 1974 à 2001, l'économie congolaise s'est effondrée, alignant des taux de croissance négatifs avec - 13,5 % en 1993, accompagnés de niveaux historiques d'hyperinflation culminant à 23.773 % en 1994. C'est au cours de cette période que le pays a atteint le niveau extrême de pauvreté, soit 4,3 milliards de dollars US de PIB et 79,31 USD de PIB/habitant. (Cfr. Note du FMI 1994)

  • Défis économiques à relever

Depuis 1960, la révolution indépendantiste ainsi que la sempiternelle question de gouvernance ont suscité, sur le plan économique, des distorsions telles que le déficit budgétaire chronique et le financement monétaire, la détérioration de l'appareil de production, la régression des exportations, l'augmentation de la dépendance alimentaire, la dégradation des infrastructures socio-économiques, de l'appareil agricole et du système financier hérités de l'époque coloniale.

Le chemin à parcourir pour atteindre l'émergence est donc très rocailleux. D'un revenu de 695,1 USD, il faudrait réaliser le miracle de dépasser le cap de 10.000 dollars par habitant pour espérer atteindre le minima des pays émergents.

Ainsi, la RDC fait face aux mêmes défis que jadis le Congo belge devant le marasme consécutif à la fin de la seconde guerre mondiale en 1945.

La problématique de l'édification d'une grande nation au coeur de l'Afrique se pose analogiquement dans les mêmes termes qu'en 1885 ou en 1945 :

  • Comme H. Stanley l'a souligné, le premier défi reste la construction d'infrastructures socioéconomiques.
  • Sécurisation du patrimoine national face aux appétits des puissances voisines : réforme du système de défense et ce, dans la perspective de la sanctuarisation de sites miniers et du contrôle rigoureux des exportations.
  • Création d'un environnement politique et économique attractif pour les investisseurs internationaux.
  • Réformes structurelles : au-delà de secteurs traditionnels d'exportation des produits de base, il importe de découvrir les secteurs dans lesquels le pays peut devenir compétitif et qui seront de nouvelles sources de croissance de l'emploi et du revenu. (www.cerpec-cooperative.com)
  • Réforme de l'agriculture permettrait aux pays africains dont la RDC de capitaliser sur le développement rapide des marchés africains, qui devraient représenter près de 3.000 milliards de dollars d'ici 2030, selon le rapport Africa-Pulse publié par la Banque mondiale en septembre 2016.

A tout prendre, Arminio Fraga constate que les pays en développement comme la RDC sont confrontés aux vicissitudes de leur propre système politique et de leur histoire. Les contre-performances enregistrées depuis 1960 sont trop troublantes pour ne pas y voir le signe des comportements culturels et politiques qui débordent le cadre de l'économique, ce qui indique peut-être qu'une réforme politique s'impose avant les autres réformes. (www.economie-developpement.com)

  • Défis en matière d'organisation et stratégie politiques
  • Déficit du plan de développement stratégique

En 1960, la lutte pour la libération de notre pays du joug colonial n'a pas été suivie d'un plan stratégique de refondation de l'Etat, devant permettre aux professionnels technocrates d'apporter la science au mouvement ouvrier, afin de donner une impulsion historique décisive qui réformerait les institutions rétrogrades et accélérerait le développement socioéconomique.

Tout au contraire, la révolution indépendantiste en RDC a manqué de ressources en matière d'organisation et de stratégie politiques. Elle s'est caractérisée par de mouvements nationalistes débridés, exaltant le repli identitaire, le rejet de la religion, la culture et de la démocratie à l'occidentale...

  • Evolution stratégique pendant la 2ème république

Selon le diagnostic des dirigeants de la 2ème république, le 1er quinquennat (1960 à 1965) était caractérisé par de rebellions et sécessions, ayant causé le chaos, l'anarchie, ténèbres et désordre suscités, selon leur slogan, par la coexistence de 44 partis politiques, 22 provincettes, multitude de syndicats...

A partir de 1965, le « nouveau régime » s'est engagé à recadrer les mouvements indépendantistes sur les valeurs civiques, la transcendance des forces centrifuges tribales aux fins d'exaltation de l'unité nationale, la mutualisation coercitive des efforts productifs (Salongo) et la participation populaire dans la poursuite des objectifs socioéconomiques et au rayonnement scientifique, technologique, culturel, et militaire de la RDC alors Zaïre.

Il s'ensuivit la décision d'institutionnaliser le MPR, parti-Etat, en tant qu'une machine d'encadrement civique et politique, plate-forme d'orientation des forces de la société civile en vue d'inculquer le « civisme révolutionnaire » à chaque citoyen, quels que soient son rang social, son niveau intellectuel, son lieu de résidence, sa culture ou sa tribu, à travers la prolifération des « groupes chocs d'animation politique » et les sessions de formation et d'éducation civique et politique.

Notre pays avait l'ambition de se hisser au Top 3 de puissances économiques en Afrique, en s'appuyant sur le Manifeste de la N'sele, une déclaration de politique générale, sans véritable programme de gouvernance, ni paradigme stratégique de rupture avec le système d'exploitation coloniale.

Sur le plan économique, le plan Mobutu n'arrivera que tardivement en 1979, après que le pays ait gaspillé dans l'érection des éléphants blancs, les revenus tirés de la hausse du prix du cours du cuivre et de la disponibilité du crédit sur le marché international entre 1967 et 1974.

En contradiction avec la volonté exprimée par les pionniers de l'indépendance de se libérer du joug colonial, et d'accélérer la prise de contrôle par les nationaux de toutes les branches de l'économie nationale, la RDC alors Zaïre a été nonchalante dans la réforme historique des structures qui continuaient à exploiter les ressources nationales au profit de la métropole, tout en marginalisant les populations autochtones.

En effet, la pérennisation des structures économiques dualistes et extraverties a consacrée la démission des élites face à leurs obligations patriotiques de réécrire, comme le Héros national Patrice Lumumba l'exigeait, l'histoire glorieuse de la RDC en concevant de nouveaux paradigmes de développement intégré et endogène, par la sublimation de ressources humaines et naturelles, ainsi que la mise en oeuvre de chaînes de valeur dans tous les secteurs et toutes les provinces.

Faute d'innovations stratégiques, l'économie nationale a périclité comparativement aux pays d'Asie de l'Est qui ont vu leurs revenus doubler à deux reprises entre 1967 et 1992.

A part l'euphorie des années 70, notre pays a connu des déconvenues et des contreperformances (taux de croissance négatif sur plusieurs décennies) qui attestent l'échec des systèmes économique et politique concoctés par l'intelligentsia sous l'influence d'idéologies étrangères.

  • Instauration du dirigisme économique

Néanmoins, le Zaïre [RDC] s'est illustré dans de tentatives d'instauration d'une économie dirigée par les nationaux et pour les intérêts nationaux. Cette démarche salutaire a échoué parce qu'elle ne cadrait pas sur une stratégie cohérente, ni sur un plan de développement sous-tendu par des objectifs chiffrés et des indicateurs de performance et de repères précis.

La première initiative était la récupération en février 1965, à travers l'accord Tshombe et Spaak, d'une partie du portefeuille colonial confisqué par la Belgique.

De but en blanc, prônant un exclusivisme militant, le gouvernement a nationalisé l'Union Minière du Haut-Katanga avec ses sociétés filiales en janvier 1967, avant de déclencher le processus de zaïrianisation suivant la Loi n° 73-009 du 05 janvier 1973 particulière sur le commerce et, en 1975, « la radicalisation » devant faire passer la quasi-totalité des entreprises étrangères entre les mains de l'élite au pouvoir, en lieu et place d'une réelle classe moyenne nationale.

  • Remise en question stratégique

Plus tard, le gouvernement a, au rebours de la politique dirigiste menée sans succès au cours des années 60 et 70, opté pour l'économie sociale de marché sous la coercition des institutions de Bretton Woods.

A leur corps défendant, les gouvernants ont renforcé les fondements du néocolonialisme, et renoncé à la souveraineté de notre pays, à partir de la crise de la dette de 1982, en concluant avec le FMI et la Banque mondiale un programme drastique d'ajustement structurel fondé sur 2 piliers, à savoir : la stabilisation économique et la libéralisation des échanges commerciaux.

Cependant, le pays, bien que devenu l'élève modèle du FMI, n'a pas retrouvé le chemin de la croissance, tant la stimulation de l'épargne et des exportations n'a pas été réalisée. Cela a débouché sur la contraction de l'activité économique, notamment la destruction complète de filières agricoles autrefois rentables et, par conséquent, l'appauvrissement des populations rurales.

Même si monsieur Erwin Blumenthal alléguait dans son rapport en 1982 que « la corruption érigée comme système caractéristique du Zaïre avec ses manifestations les plus malsaines, sa mauvaise gestion et ses fraudes, détruira toutes les tentatives de ressaisissement et de restauration de l'économie zaïroise par les institutions internationales... »

En fait, le financement du FMI et de la Banque mondiale, sous le régime de la 2ème République, servait non pas au développement mais à la rétribution des dirigeants en échange de l'alignement du pays à l'Occident dans le cadre de la guerre froide.

Et pour comble d'opprobre, le Zaïre a été mis en index et privé de tout appui des institutions de Bretton Woods de 1991 à 2001 (le FMI à partir de 1991 et la Banque mondiale en 1993) pour manque de transparence dans la gestion de revenus issus du superprofit de la Gécamines en 1990. Mais en réalité, l'intérêt de l'Occident pour le régime avait disparu en 1989 avec la chute du Mur de Berlin suivie plus tard de l'implosion de l'URSS. (Stiglitz J., « La grande désillusion, 2002 »)

Avec du recul, on constate que toute la stratégie économique ainsi que l'exécution de plans de développement ont fait long feu, en raison du rôle prépondérant réservé à l'appui des investisseurs étrangers.

En fait, la dépendance extérieure s'est aggravée suite aux accords de partenariat économique UE et ACP et autres systèmes préférentiels, les OMD remplacés par les ODD, le programme économique soutenu par la facilité élargie de crédit...

Bien pire, le programme PPTE et l'immixtion des partenaires techniques et financiers extérieurs dans la gestion interne de l'aide (avec les agences d'exécution BCECO, BCMI, PDSS, COFED, CFEF...) ont consacré, au fil du temps, la perte d'autonomie et d'initiative des nationaux sur les affaires économiques.

Ni la mondialisation du marché financier, ni le nouveau partenariat pour le développement NEPAD sous-tendant l'Union africaine, ni l'adhésion aux zones économiques régionales, ni le régime de zones économiques spéciales, ni les DSRP n'ont permis la reprise par les nationaux de la direction de l'économie nationale.

  • Réforme démocratique

Le 24 avril 1990, le discours du Président de la République mettra fin au règne du parti unique en faveur du multipartisme intégral, et marqua la dissolution de ses organes de propagande et d'encadrement civique des citoyens.

Loin de poser les bases d'un système relevant la moralité publique aux fins d'instaurer la méritocratie et la bonne gouvernance, la conférence nationale souveraine de 1992 n'a réussi qu'à démonter le Parti-Etat, en replongeant le pays, comme naguère entre 1960 et 1965, dans le dysfonctionnement d'institutions budgétivores, tant au niveau central qu'à l'échelon des provinces et ETD.

Une fois de plus, l'avènement du « multipartisme tous azimuts » ne s'est pas accompagné d'un programme détaillé d'implantation des institutions démocratiques et de bonne gouvernance et qui pis, est en l'absence d'un plan de développement socioéconomique devant galvaniser les efforts de tous les citoyens dans l'édification d'un pays prospère.

Et comme les partis politiques ne peuvent véritablement remplacer les instruments d'encadrement civique de l'ensemble de la population, les gens du peuple sont abandonnés à eux-mêmes, dans une sorte d'individualisme anarchique, de repli identitaire militant, ressuscitant les pulsions nationalistes débridées, sous les auspices des forces d'autodéfense incontrôlées, suscitant partout l'émergence de seigneurs de guerre qui ramènent les milieux ruraux à l'époque du féodalisme, où les vassaux et les serfs devaient leur survie qu'à la protection des châteaux et domaines seigneuriaux..

Faute de substituer la machine d'encadrement civique du MPR parti-Etat, la situation tourne aux revers du 1er quinquennat de 1960 à 1965 : myriade de 761 partis politiques sans programme précis de gouvernance, patriotisme anarchique mettant en avant le repli identitaire, discriminations raciales et ethniques, forces d'autodéfense fratricides, conflits interethniques, guerres et razzias imposées par des puissances étrangères, menaçant la nation d'implosion et de balkanisation...

A plus d'un titre, la RDC n'a pas eu la chance de la Chine qui a réussi sa transition à l'économie libérale, sans distorsions systémiques qui fragiliseraient les institutions et l'administration publique, ni fracture sociale, ni rupture du contrat social intergénérationnel, en préservant, qui mieux est, les organes de propagande nationaliste et d'encadrement civique des citoyens.

De toute évidence, les partis politiques ne créeront jamais en RDC des institutions d'encadrement civique des populations, il revient donc au gouvernement de suppléer à cette carence en donnant plus de relief à l'enseignement des cours d'éducation civique et politique par la réforme du système éducatif et, sur toute l'étendue de la république, en implantant le Service national universel suivant le modèle français ou israélien.

  • Urgence de l'institutionnalisation du service national universel

Les réformes sur le plan économique et social ne peuvent réussir que si elles s'inscrivent dans un cadre stratégique cohérente, une planification pointue et une feuille de route précise. Cependant, la participation de forces de la société civile demeure la condition sine qua non. D'où la nécessité de réinventer la relation entre l'Etat et les citoyens en bâtissant un système d'encadrement civique des populations.

Par ailleurs, la sécurisation du patrimoine national face aux appétits des puissances voisines, appelle une défense nationale popularisée suivant les modèles israélien et européen. (www.cerpec-cooperative.com)

En France, le gouvernement a décidé, en juin 2018, que le service national universel (SNU) prenait une forme mixte, entre service civique et militaire. Il concerne tous les jeunes, filles et garçons, âgés de 15 à 17 ans. La deuxième phase facultative prend la forme d'un engagement pour une durée pouvant varier de trois mois à un an, concerne les jeunes de 16 à 25 ans et doit s'effectuer dans un cadre en lien avec la défense et la sécurité (armée, police, gendarmerie, pompiers, sécurité civile), la préservation du patrimoine ou l'environnement. Elle peut également être accomplie dans le cadre de l'actuel service civique.

En Israël, la loi 5747 - 1986 sur le service militaire s'applique à tous les citoyens, aussi bien en Israël qu'à l'étranger, même s'ils ont une autre nationalité, et même s'ils habitent de manière permanente à l'étranger. Le service militaire est obligatoire pour chaque personne apte à le faire, entre 18 et 29 ans compris.

L'armée est considérée comme un passage essentiel à l'intégration au point de constituer le creuset de la nation, l'agent d'intégration par excellence.

Dans le vieux continent, sept États-membres de l'Union européenne (UE) maintiennent un service national obligatoire : Grèce, Finlande, Suède, Danemark, Estonie, Lituanie, Autriche. En Lituanie, il a été réactivé de façon temporaire en 2015 face à la menace russe.

En tant que Nation, l'heure de la repentance a sonné : le peuple tout entier se doit de reconnaître les tares et les antivaleurs qui ont plombé les efforts de développement depuis l'indépendance, pour s'engager comme la population de Ninive dans la Bible (livre de Jonas 3 : 4-10) à rebâtir un pays fondé sur le droit et la justice, d'autant plus que l'acceptation de la parole de Dieu produit la paix. (Sous l'inspiration du livre du prophète Esaïe 32 : 15-18)

De manière péremptoire, les élites notamment les chercheurs scientifiques devront monter, sans discontinuer, en ligne pour conjurer l'obscurantisme qui induit depuis 1960 des politiques inefficaces, afin que les congolais mènent une vie paisible et prospère, en toute piété et probité. (Passage des ténèbres à la lumière selon 1 Pierre 2 : 6-10).

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