Le procès de l'ex-ministre en charge des transports, Vincent Dabilgou, s'est poursuivi dans la journée du mardi 27 juin 2023, à Ouagadougou, au Tribunal de grande instance Ouaga I, avec l'audition des principaux témoins.
Le déroulé du procès de l'ex-ministre Vincent Dabilgou se poursuit au Tribunal de grande instance Ouaga I. En effet, dans la journée du mardi 27 juin, l'audience a, encore, concerné l'audition des témoins par le parquet. Pour rappel, Vincent Dabilgou, président du Nouveau temps pour le développement(NTD) et six autres de ses collaborateurs sont poursuivis pour détournement de deniers publics, financement occulte de parti politique et blanchiment de capitaux.
Au nombre des témoins qui se sont succédé à la barre pour apporter leur part de « vérité » sur le dossier, l'on peut retenir entre autres, Salfo Souleymane Ilboudo, administrateur général de la société Ildo Oil, Aristide Méda, Ramdé Ali, Ibrahim Sanfo, Abdoulaye Sinon, anciens directeurs régionaux des Transports, Amadou Onadja, secrétaire à la trésorerie du parti le NTD, etc. Au sujet des transactions financières entre Ildo Oil et le ministère des Transports, Salfo Souleymane Ilboudo, dans son témoignage, a indiqué ne pas avoir grande connaissance.
Il aurait délégué cette gestion d'exécution des marchés à Alhoussaïni Ouédraogo, le DAF de sa société. Dans les explications de ce dernier, il ressort que la société Ildo Oil a livré des montants en espèces plutôt que du carburant portant sur 2 marchés. Il s'agit, par exemple, d'un montant de 25 millions F CFA que Ildo Oil a versé en espèces au ministère des Transports. Salfo Souleymane Ilboudo a fait savoir que pour l'exécution pratique des marchés, la délégation a été donnée au DAF, Alhoussaïni Ouédraogo. « Selon moi, les carburants étaient normalement livrés jusqu'à ce que l'ASCE-LC nous interpelle », a-t-il déclaré à la barre.
Des incohérences, selon le parquet L'administrateur général de la société Ildo Oil a révélé que le ministre Vincent Dabilgou l' a appelé pour le signifier que son ministère a signé un contrat avec Ildo Oil mais qui n'est pas à mesure de livrer du carburant. « C'est ainsi que j'ai appelé Alhoussaïni Ouédraogo, mon directeur administratif et financier pour comprendre», a-t-il dit. A l'entendre, Ildo Oil a simultanément signé deux contrats de marché avec le ministère des Transports, en 2020 dont le premier s'élève à 77 millions F CFA et le deuxième à 49 millions F CFA.
Pour lui, livrer de l'argent en lieu et place du carburant est contraire à la procédure normale de la société. « Je n'ai jamais eu connaissance des traces de bordereaux de livraison d'argent plutôt que le carburant», a-t-il indiqué tout en réitérant que livrer de l'espèce au lieu du carburant est contraire à la procédure de la société. Un des témoins à passer à la barre a été Amadou Onadja. Il est le secrétaire à la trésorerie du parti le NTD dont le financement jugé « illicite » fait l'objet du débat contradictoire à ce procès. Pour ce qui est du mode de financement du parti, il a soutenu qu'il est fait de cotisation des militants et de dons.
C'est ainsi qu'il a déclaré avoir reçu 80 millions F CFA en même temps, juste avant l'ouverture de la campagne électorale le 31 octobre 2020. Mais, son affirmation souffre de sincérité, selon le procureur, ce d'autant plus que le 26 juin 2023, à la barre, le témoin Clément Sawadogo, coordonnateur de l'Alliance des partis de l'ex-majorité présidentielle (APMP) avait affirmé que le don de 80 millions avait été fait en deux phases. Pour la précampagne électorale, 30 millions F CFA ont été remis au NTD, selon lui.
Et, pour la campagne, ce sont 50 millions FCFA qui ont été remis, selon Clément Sawadogo. Toute chose qui fait dire au procureur, qu'il y a de l'incohérence dans les révélations de M. Onadja. Avec les ex-directeurs régionaux, le procureur a voulu comprendre les faux bordereaux d'approvisionnement de carburant qu'ils ont signés mais qui n'a jamais été livré.
Des ordres du « patron »
Mais, les témoins ont fait savoir qu'il leur a été demandé de signer sur instruction de leur « patron ». Interpellé sur la manière par laquelle les bordereaux ont été signés par sa personne, le témoin Aristide Méda a soutenu avoir été contacté au téléphone par Ousmane Sigué(ex-comptable matière du ministère) de passer le voir au ministère.
C'est sur les lieux au ministère, a-t-il fait savoir, qu'il a été informé que le ministère avait des difficultés pour justifier le carburant et que les directeurs régionaux devraient émarger pour justifier ce manque. « Il m'a fait d'abord signer un bordereau de 9 315 000 FCFA. C'était en 2020, a-t-il précisé, ajoutant qu'en 2021, deux autres bordereaux, respectivement de 2 500 000 FCFA et 5 millions FCFA ont suivi. « M. Sigué n'est pas votre supérieur hiérarchique, pourquoi avez-vous obéi à ses ordres ? », a interrogé le procureur. Et M. Méda d'indiquer que l'ordre vient du patron en faisant allusion au ministre Dabilgou.
Selon les autres directeurs régionaux, la procédure de signature des bordereaux a été la même. Sur ces entrefaites, Jean Gabriel Séré a été rappelé à la barre pour dire à qui on fait allusion dans l'utilisation du mot « patron ». Dans sa réplique au procureur, M. Séré a soutenu qu'aucune décision ne pouvait être exécutée dans le ministère sans que le ministre(Dabilgou) ne soit au courant. Pour M. Séré, dans le cadre de cette affaire, rien n'a échappé au ministre Dabilgou ».
Malgré ces témoignages à charge, les avocats de la défense de M. Dabilgou soutiennent que rien ne prouve toujours que le « patron » dont fait cas les directeurs régionaux dans leurs dépositions était bien le ministre Vincent Dabilgou. Ainsi, selon eux, on ne peut donc lui imputer une quelconque responsabilité bien qu'étant premier responsable du département. Mahamadi Ouédraogo, direc-teur de la société Green Energy est également passé témoigner au cours de l'audience du mardi 27 juin. Sa déposition a été relative à un marché d'environ 138 millions FCFA qui a été passé entre le ministère des Transports et la société Green Energy pour la livraison de carburant.
Ce marché aurait été exécuté, en espèces, pour 25 millions FCFA au lieu du carburant. Mais selon Mahamadi Ouédraogo, sur la livraison en espèces du carburant, il a été saisi par la responsable commerciale, Minata Coulibaly, qui lui fait savoir que Ousmane Sigué a exprimé le besoin d'être livré en espèces. Mais reconnait-il, une erreur qui, à l'entendre, vient de sa collaboratrice Minata Coulibaly. « C'est ici que j'ai entendu que c'est l'argent qui était livré », a révélé le directeur de Green Energy. A l'issue de ces passages à tour de rôle devant le procureur, l'audience du jour a été suspendue pour reprendre le jeudi 29 juin 2023.