Afrique: Un spectacle inhumain

Toux ceux qui croyaient que le président tunisien, Kaïs Saïed, s'était trompé et travaillait à se rattraper, vont devoir déchanter. Il persiste et signe. Ce constitutionnaliste averti de 65 ans a réitéré son opposition à la présence des migrants subsahariens sur le sol tunisien.

Dans un communiqué de la Présidence diffusé sur Facebook, le 26 juin 2023, le chef de l'Etat tunisien a, une fois de plus, exposé sa haine contre les Africains qui transitent par son pays pour atteindre l'Europe. Lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité nationale, tenue en février dernier, il avait provoqué un tollé, en attribuant aux migrants d'Afrique subsaharienne, tous les malheurs de la Tunisie.

Ce discours a jeté en pâture les personnes incriminées, qui sont devenues les ennemis des extrémistes tunisiens. Plusieurs migrants subsahariens ont subi des violences et continuent d'ailleurs d'être persécutés. C'est ni plus ni moins, qu'une chasse à l'homme qui a contraint plusieurs pays africains (Mali, Côte d'Ivoire, Guinée...) à rapatrier leurs ressortissants.

Le président Saïed, qui a mandaté son ministre de l'Intérieur de mener une lutte sans merci contre les migrants, alimente incontestablement cette campagne de terreur. La nouvelle sortie médiatique de l'homme fort de la Tunisie intervient, dans un contexte de manifestations anti-migrant, dans la ville de Sfax, point de ralliement pour l'Europe. Les propos incendiaires du président Saïed, propres aux mouvements d'extrême droite, mettent en péril les migrants noirs africains, contraints de faire profil bas, pour ne pas subir les foudres de ses partisans.

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Déjà pointé du doigt pour ses dérives autoritaires (il a renforcé ses prérogatives dans un régime hybride parlementaire et présidentiel), Kaïs Saïed semble désormais surfer sur la vague du populisme, pour réhabiliter son image dans l'opinion. Au lieu de poser des actes remarquables contre la corruption et l'impunité comme l'attendent ses compatriotes, il transforme les migrants subsahariens en boucs émissaires, comme s'ils étaient à la base de tous les soucis de la Tunisie. C'est malheureusement le propre des dirigeants autoritaires en mal de popularité.

Le président Saïed joue à un jeu très dangereux, qui ne plait pas à tous les Tunisiens, dont la plupart ne font pas dans le rejet de l'autre. Il y a des méthodes plus humaines mais fermes pour faire face à l'immigration clandestine, sans pour autant tomber dans la xénophobie. Le chef de l'Etat tunisien doit oeuvrer à changer qualitativement la vie de ses compatriotes, sa mission première, que de chercher des noises. Il peut travailler en parfaite intelligence avec les autres Etats africains, pour trouver des solutions au problème des migrants subsahariens, sans nourrir le scandale.

Le spectacle inhumain qu'il sert, n'est pas de nature à grandir sa réputation et celle de sa chère patrie. Un pays africain ne saurait être en opposition aux autres, à un moment où on chante sur tous les toits, que les Etats africains doivent être solidaires dans la quête de solutions à leurs problèmes. D'ailleurs, le président Saïed, tout comme ses pairs africains, ont une part de responsabilité dans le phénomène de l'immigration clandestine, car la mal gouvernance l'explique en partie. Si les jeunes africains ne trouvent pas de bonnes conditions pour s'épanouir dans leurs pays, certains d'entre eux seront toujours tentés de partir à l'aventure, à leurs risques et périls. Ce ne sont pas les dérives langagières ou les politiques de rejet, qui vont permettre de venir à bout de l'immigration clandestine. Jamais !

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