Mali: Les enjeux des intenses négociations en cours sur le retrait de la Minusma

Les négociations intenses sur le retrait de la Minusma qui se poursuivent. Le mandat de la mission onusienne dans le pays expire ce vendredi. Initialement prévue ce jeudi, la réunion du Conseil de sécurité devant examiner non plus le renouvellement de la mission, mais la demande malienne de son départ «sans délai», a été repoussée à vendredi. Le temps de laisser les négociations se poursuivre jusqu'à la dernière minute. Les quinze membres du Conseil de sécurité, dont la France, les États-Unis, la Russie et la Chine, tentent de s'accorder, entre eux et avec le Mali, sur une résolution fixant la durée et les modalités du retrait de la Minusma. Mais les points de négociation sont nombreux, et aussi techniques que politiques.

Il y a d'abord la question du délai. Un projet de résolution initié par la France prévoit le retrait de la Minusma d'ici six mois. Mais d'autres voix plaident pour une durée plus longue d'un an, voire plus, tandis que le Mali voudrait au contraire aller encore plus vite, et envisage un départ au plus tard dans trois mois, selon des sources diplomatiques. Un document de la direction générale des douanes, daté du 27 juin et authentifié par RFI, indique d'ailleurs que le Mali a d'ores-et-déjà ordonné l'interruption « des importations de tous matériels à destination de la mission onusienne. »

Politique et logistique

La question de la durée du retrait est éminemment politique : les autorités maliennes de transition ne souhaitent pas donner l'impression que la Minusma s'attarde dans le pays, alors qu'elles viennent d'exiger avec force son départ « sans délai. » Le départ de la mission onusienne est cependant soumis à d'importantes contraintes logistiques et de terrain : il s'agit de mettre un terme à une mission qui compte près de 15 000 employés, dont près de 13 000 Casques bleus et policiers, répartis sur une douzaine de sites. Dans un pays où les distances et le contexte sécuritaire imposent aussi un certain rythme.

Infrastructures

Outre la durée, les questions que pose le retrait de la Minusma sont nombreuses et épineuses, aussi techniques que politiques, et constituent autant de potentiels sujets de confrontation. Il y a celle des infrastructures et des équipements, notamment militaires, que la Minusma emportera avec elle ou transmettra aux autorités maliennes de transition. Et donc à l'armée malienne et ses supplétifs russes du groupe Wagner, accusés par les Nations unies de nombreuses et graves exactions sur la population malienne. Il y a aussi la question des activités que la Minusma sera autorisée à mener pendant la période de retrait, qu'il s'agisse de l'accompagnement politique, des enquêtes sur les violations des droits humains ou des actions sécuritaires des Casques bleus.

L'ONU hors Minusma

En jeu également : la suite de la présence onusienne dans le pays, hors Minusma : l'implication de l'ONU dans le suivi de l'accord de paix de 2015, en premier lieu, mais aussi les activités au Mali des agences onusiennes comme la FAO, pour l'agriculture, le PAM pour l'aide alimentaire, l'Unicef pour les droits des enfants ou le HCR pour les réfugiés. Si les négociations en cours ne portent pas directement sur l'avenir des agences onusiennes dans le pays, la teneur et la « cordialité » des échanges sera forcément déterminante pour leur présence sur le long terme.

Au Mali et au monde

Enfin, l'image que renverront, au Mali et au monde, les différentes parties n'est pas un maigre enjeu. Les Nations unies, déjà prises de court par la demande malienne de retrait « sans délai », jouent leur crédibilité. En interne comme chez certains observateurs qui suivent de près la situation au Mali, beaucoup estiment que la Minusma avait fait ces derniers mois trop de concessions aux militaires qui dirigent le Mali, dans le but -non atteint- de préserver la pérennité de la mission. Au sein des Nations unies, certaines voix plaident donc pour une réaction énergique afin d'éviter une nouvelle humiliation.

Pour Bamako, ce nouveau bras de fer est une occasion supplémentaire de bomber le torse et de brandir la maxime favorite des autorités de transition, érigée en programme politique : la défense de la souveraineté nationale. Un argument devenu essentiel pour conserver l'adhésion des soutiens de base des Colonels au pouvoir, qui passe par la stratégie du coup d'éclat permanent et de la rude confrontation face aux anciens alliés du Mali, désormais perçus comme des acteurs de l'oppression occidentale.

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