Déployée depuis 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est appelée à quitter le pays à la demande des autorités de la Transition qui insistent pour que ce retrait se fasse dans les « meilleurs délais » qui n'excéderaient pas trois mois.
Dans ce sens, on apprend que les autorités maliennes ont déjà pris des mesures visant à interrompre le flux « des importations de tous matériels à destination de la mission onusienne ». C'est dire si le divorce entre Bamako et la force onusienne est déjà consommé. Reste maintenant la question des délais qui divisent les parties.
En effet, à côté des exigences des autorités de Bamako, des sources indiquent que la France a initié un projet de résolution qui prévoit six mois pour le retrait de la force onusienne, là où d'autres partenaires misent sur un délai plus long d'un an voire plus. La question qui se pose est de savoir à quoi répondent tous ces tiraillements. La question est d'autant plus fondée que le débat sur les délais du retrait de la force onusienne, ne semble pas anodin.
La mission onusienne était devenue source d'ennuis pour Bamako
En effet, d'un côté, en tirant fortement sur la corde du délai rapproché, on peut avoir le sentiment que Bamako est pressée de se débarrasser d'un partenaire devenu très encombrant. Mais de l'autre, tout porte aussi à croire que derrière l'impréparation de la MINUSMA à un retrait imminent du Mali, se cache une volonté de garder le plus longtemps possible le pied si ce n'est un oeil sur l'évolution de la situation sécuritaire dans ce pays où la question des droits de l'Homme est sujette à caution, dans la lutte contre l'extrémisme violent.
C'est dire si au-delà de toutes considérations, il y a des raisons de croire que la rupture qui conduit aujourd'hui au divorce précipité entre les autorités intérimaires du Mali et l'organisation mondiale, est le résultat d'une crise de confiance qui a vu les rapports entre les deux parties se détériorer au fil des ans au point que la collaboration était devenue très difficile.
En effet, c'est avec peine que la MINUSMA cachait son exaspération face à ce qui passait à ses yeux, pour des entraves à son action. Mais, non contente de ne pas répondre entièrement aux attentes des autorités maliennes en raison d'un mandat non offensif qui ne lui permet pas de monter à l'assaut des groupes terroristes, la mission onusienne était devenue source d'ennuis pour Bamako, pour ses accablants rapports d'atteintes aux droits de l'Homme produits contre l'armée malienne et ses supplétifs russes de Wagner. Et c'est peu dire que des membres et non des moindres de l'ONU, n'ont jamais vu d'un oeil le rapprochement de Bamako avec ce groupe paramilitaire à la sulfureuse réputation. Autant dire qu'au-delà des contraintes logistiques, ce retrait forcé et précipité de la MINUSMA, répond à des enjeux éminemment politiques.
Il revient aux autorités de la transition de travailler à ce que les Maliens ne regrettent pas le départ de ces forces internationales
Et si l'argument invoqué par Bamako, de la faillite de la mission onusienne qui « n'a pas atteint son objectif fondamental d'apporter les réponses adéquates à la situation sécuritaire du Mali », est difficilement contestable, on se demande si sa décision de rompre définitivement les amarres et de couper les ponts avec une force internationale qui se voulait dissuasive et qui, quoi qu'on dise, a contribué peu ou prou à contenir la menace djihadiste dans le pays, n'est pas maximaliste. Toujours est-il que son empressement à voir la MINUSMA débarrasser le plancher dans un contexte où le défi sécuritaire reste entier, ne manque pas d'interroger. Et la question est d'autant plus préoccupante que l'on se demande si Bamako est suffisamment préparée à combler le vide que créera immanquablement le départ des treize mille Casques bleus de la MINUSMA.
Car, l'antienne maintenant bien connue du souverainisme, ne doit pas se traduire seulement dans le discours, mais aussi dans les actes. Et avec ce retrait exigé de la MINUSMA quelques mois après celui non moins forcé de la force française Barkhane et de sa consoeur européenne Takuba, le Mali a l'occasion de s'assumer pleinement. En tout état de cause, il revient aux autorités de la transition de travailler à ce que les Maliens ne regrettent pas le départ de ces forces internationales. Et maintenant que le retrait de la MINUSMA dont le mandat arrive à expiration, ce 30 juin 2023, semble acté, on espère que les parties parviendront à s'accorder sur des délais raisonnables de sorte à ce que les choses ne se passent pas dans un désordre potentiellement préjudiciable.
Quant à l'ONU, c'est une rupture dans la douleur, qui appelle à une introspection sur ses missions de paix qui engloutissent, au Mali comme en République démocratique du Congo (RDC) par exemple, des budgets colossaux pour des résultats qui ne sont pas toujours à la hauteur des attentes des populations en termes de sécurité.