Madagascar: Exploitation d'ilménite à Taolagnaro - Retour des tensions sociales au QMM

Et rebelote pour les mouvements sociaux à l'encontre de QMM qui se retrouve perturbée. Depuis la fête de l'indépendance, lundi, la température n'est pas près de baisser dans la ville d'exploitation d'ilménite de l'Anôsy.

C'est la quatrième fois depuis février 2022. Des manifestants descendent dans les rues bordant l'usine d'exploitation de Mandena et y bloquent le passage. Trois cents personnes, membres du personnel de QMM, seraient coincées dans l'usine depuis le 26 juin, selon le communiqué de la compagnie QMM. Les manifestants « ont voulu forcer le barrage » qui mène au site, mais les forces de l'ordre sont intervenues et les bombes lacrymogènes ont éclaté encore une fois.

Les manifestants ont choisi le jour de la célébration de la fête nationale pour faire savoir qu'ils ne sont pas d'accord avec les décisions prises en Conseil des ministres, le 21 juin. « Les décisions les concernant ne devraient pas être prises dans les bureaux à Antananarivo, mais en concertation avec eux, ici à Taolagnaro. Les manifestants sont ainsi mécontents qu'ils n'aient pas été consultés concernant l'avenir de QMM ainsi que le leur », rapporte une source locale. La manifestation est conduite par l'association Lusud, « Lutte pour le Sud », qui a déjà réclamé en avril, auprès de divers ministères, la suspension du permis environnemental et la licence d'exploitation de QMM.

Près de quinze mille personnes habitant la région Anôsy, selon l'association le 16 avril, ont signé des doléances demandant la suspension de QMM. Des sources locales rapportent en revanche que l'association a promis que 20 millions d'ariary par ménage touché par les désagréments causés par l'exploitation, seront compensés par la compagnie minière. Et puisque cette dernière n'a pas payé, certains habitants démontrent leur insatisfaction dans la rue.

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Eaux impropres

L'eau utilisée par les riverains de l'usine ne serait pas consommable et, selon des manifestants, elle serait « insalubre et causant des maladies ». Le début du bras de fer entre QMM et les habitants remonte en février 2022 quand des poissons morts ont été retrouvés dans la rivière d'Andrakaraka. Les poissons auraient été tués par une intoxication chimique provenant des eaux usées par l'exploitation.

Les ministères de l'Eau, de l'assainissement et de l'hygiène, de la Pêche et l'économie bleue sont montés au créneau afin d'apaiser les tensions.

« Le ministre de l'Eau a promis de mettre en place un laboratoire d'analyse des eaux afin de ne pas toujours recourir à des services de la compagnie ou de la capitale. Mais rien ne va dans ce sens jusqu'à présent. Des manifestants disent que l'eau est polluée, mais comment vérifier, ou confirmer, ou infirmer les dires des manifestants», expliquent toujours des sources locales.

Des analyses ont été effectuées dans les laboratoires accrédités par le ministère de l'Eau en 2022, mais jusqu'à maintenant, les résultats n'ont jamais été rendus publics. L'eau de Taolagnaro est-elle affectée par des produits chimiques et toxiques ? La question reste en suspens.

Conseil

La convention d'Établissement de QMM a été revue par l'État lors du dernier conseil des ministres. Pourtant, d'après un spécialiste, cette convention ne prend fin qu'en 2048, mais ce sont plutôt les dispositions fiscales et douanières qui devront être mises à jour à partir de cette année 2023. « La Convention d'établissement entre l'État et Qit Fer et Titane Incorporation a été signée le 12 février 1998. Le régime fiscal est applicable à la date d'entrée en vigueur de cette convention. Le régime fiscal est accordé pour une durée de vingt-cinq ans. C'est ainsi que cet accord a pris fin en février et est à renouveler », explique la source. Ceci concerne les droits, taxes et prélèvements divers.

Le dernier conseil a retouché le fond de la Convention d'établissement. L'État décide d'effacer les 77 millions de dollars de part de recapitalisation qu'il doit à QMM depuis 2012. Il a été également décidé que les 3 millions de dollars de dette de la Jirama à l'endroit de la compagnie seront effacés. La compagnie minière est, par ailleurs, tenue de soumettre dès cette année une dividende anticipée de 12 millions de dollars à l'État. 40% des parts sociales reviendront à l'État annuellement et passeraient à 60% à partir de 2031 jusqu'en 2048. Le Conseil des ministres du 21 juin rapporte également que QMM doit participer à hauteur de 8 millions de dollars à la réfection des 109km de route nationale 13 reliant Ambovombe à Taolagnaro. Deux millions de dollars par an seront réservés à la responsabilité sociétale (RSE) de la compagnie, dont 500 000 dollars versés au programme de reboisement. Le communiqué du conseil des ministres rapporte que QMM doit encore quelque 700 millions de dollars à sa compagnie mère Rio Tinto.

Autres

Les exploitations futures autres que Mandena, telles que dans les gisements de Petriky ou Sainte-Luce devraient rapporter à l'État : 15 millions de dollars pour Sainte-Luce et 3,3 millions de dollars pour Petriky. La compagnie QMM doit mettre en place d'ici cinq ans, une centrale d'énergie renouvelable d'une valeur de 35 millions de dollars. Les conditions fiscales et douanières de QMM sont reconduites par tacite reconduction pour une durée de vingt-cinq ans, sauf pour les taxes professionnelles et l'Impôt foncier sur les propriétés bâties (IFPB).

Agitée

« Je regrette vraiment tous les impacts négatifs créés par ces manifestations », livre Harison H., un habitant d'Ampasikabo, au centre de Taolagnaro. « Les investisseurs ne voudront plus venir dans une ville agitée par des grèves incessantes. Le tourisme est refroidi par tout ce qui se passe, déjà que Taolagnaro reste une destination chère car le moyen le plus sûr et le plus rapide reste le transport aérien. Tout le monde se demande ce que fait l'État, les représentants de l'Extat dans notre région », s'étonne-t-il.

La fourniture d'électricité et l'approvisionnement en eau de la Jirama sont pointés du doigt et les habitants locaux se demandent si l'effacement des dettes colossales pourrait arranger la situation. « Les équipements sont vétustes. La mauvaise qualité de l'eau provient probablement de ces équipements. La facture reste pourtant salée », se désole Harison H.

« Il est grand temps de revoir à la baisse le prix de l'électricité à Taolagnaro après cette annonce d'effacement de dettes. La Jirama pourrait également effacer les dettes des abonnés qui n'ont pu honorer leur facture », suggère Julio Tanja, ancien chef de région de l'Anosy.

Jusqu'ici, le gouverneur de la région Anosy, Jocelyn Raharimbola, ne s'est pas encore prononcé sur la situation. QMM a suspendu ses activités en attendant que les choses s'arrangent. Pour rappel, des compensations financières ont été accordées par la compagnie et signées avec les représentants des communes le 24 janvier, ceci après un accord annoncé avec les villageois en décembre 2022.

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