Burkina Faso: Parce que je n'ai pas d'enfant...

Hier nuit mon voisin, celui du pan coupé m'a réveillé et confié que ces deux enfants, un garçon charmant et une pépite d'or n'étaient pas de lui. J'ai eu froid au dos et le long de ma colonne vertébrale, une lave de sueur dégoulinait sans tarir. Mon coeur battait son plein dans sa cage, de rage peut-être, mais surtout de compassion. Je n'ai jamais vu un barbu dodu pleurer et se noyer jusqu'au menton, sangloter en silence comme un malin bambin sans pain.

Pourtant, c'est un homme bien, généreux à l'infini, respectueux et respectable. Combien de fois, ai-je eu envie d'être comme lui, j'ai même rêvé de son embonpoint, de sa villa de marbre hors pair, de sa voiture unique et que sais-je encore ? Mon voisin m'a dit que s'il pouvait être un « pauvre ouvrier de plume » comme moi, il abandonnerait toute sa richesse sur l'enclume de la fertilité. Il m'a dit que s'il pouvait troquer mon "entrer-coucher" avec son duplex, sans complexe, il ne serait pas à cours de bons réflexes. Je suis resté perplexe face au destin qui vexe.

En naissant, nous ne savons pas si de nous naîtra un autre être, jusqu'au jour où nous doutions de notre raison d'être aux yeux d'une société sans pitié ; une société qui crie au loup et jette la pierre à l'infortuné. On vit toujours sa stérilité en silence, en latence jusqu'au jour où vient l'instinct de perpétuation. On vit toujours dans un désert inconnu, jusqu'au jour où la tempête nous surprenne. Même dans une villa cossue, on n'est pas toujours à l'abri du vent, du froid, de la solitude, du désespoir. Mon voisin a fait le tour de la terre pour espérer trouver le remède du mal. Des montagnes de son village aux rivières les plus intarissables, il s'est confié et même sacrifié au nom du fils ou de la fille qui ne vient pas. Des décoctions aux potions les plus amères, il a avalé son amertume sans sourciller, au nom du présumé enfant qui traine le pas.

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Des critiques les plus acerbes aux commérages qui exacerbent, il ploie sous le poids d'un entourage qui aboie. Parce qu'il n'a pas d'enfant ! Parce qu'il ne peut pas semer et récolter, faute de semi. Mais comment peut-on se moquer, insulter ou bouder quelqu'un pour un défaut infligé par défaut ? A quel saint se vouer quand nos malheurs deviennent des péchés au grand bonheur du prochain ? Combien d'infertiles sont traités de futiles et d'inutiles par de débiles babils d'une société de cruauté ? La femme-tigre de mon voisin a fini par cracher son venin un soir : « regarde-toi et dis-moi en quoi tu es un homme ! Tu n'as même pas un seul enfant parmi les deux !... ». Elle a traité son mari de tous les noms d'oiseau.

Elle lui a rappelé la faiblesse qui stresse et blesse. Et le vent emporta la douleur du pauvre dans le jardin des ragots, où les regards hagards égarent, où les allusions brisent toute illusion, où les sous-entendus sous-estiment. Il y a des affronts qui blessent à jamais, il y a des déceptions qui rongent l'existence. Il y en a qui ont fait le tour des lieux saints, des temples les plus inspirés aux églises illuminées, des mosquées immaculées aux bosquets sacrés. Leurs doléances sont restées sans suite. Ils ont perdu la foi, ils ont cessé de vivre. Mais ô juste ciel, pourquoi mon voisin, de quoi est-il coupable pour mériter une telle peine ? Ne pas être capable de procréer est un fardeau au dos que personne ne voit. On sourit sans être heureux, on rigole sans être joyeux, on vit comme on survit, peu importe le confort, point de renfort ; peu importe qu'on soit le plus fort, on a toujours tort, malgré le pactole de nos coffres forts.

Même acheté ou adopté, "l'enfant de l'autre" peut combler un foyer vide sans remplir le coeur avide, évidé et inassouvi, mais une chose est sûre : écoutez-moi ! Même si vos entrailles ne sont pas au rendez-vous des semailles et manquent de fruits, même si vos victuailles manquent de marmailles, même si les failles de vos entailles saignent, cessez de vous plaindre, arrêtez de geindre et de vous peindre en noir, accrochez-vous toujours à la vie, vaille que vaille, gardez la foi, malgré le poids, portez votre croix avec foi. A toutes ces femmes qui pleurent en cachette et rient aux éclats en public ; à tous ces hommes qui trimbalent la malle de leur mal dans les dédales d'une souffrance silencieuse et indicible ; à tous ces couples qui s'accusent, se refusent et se récusent sous les pressions des critiques qui fusent, abusent et désabusent ; tant qu'on vit, on est assez chanceux pour être heureux ! Tant qu'on vit...

 

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