Madagascar: Nationalité d'Andry Rajoelina - Non-respect de l'état d'une personne

La question de la double nationalité - malgache et française - du président de tous les Malgaches ne relève pas d'une affaire d'Etat mais de l'état d'une personne.

Intrusions

La nationalité fait partie des éléments qui constituent l'état d'une personne, auquel la loi attache des effets de droit. Notamment le droit au respect de la vie privée qui est entendue de manière classique, comme une protection contre les intrusions publiques ou privées au sein de la sphère d'intimité de chaque personne. La consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.

Intérêt général

Dans le cas d'espèce, on est en droit - au propre comme au figuré - de se demander si la publication sur les réseaux sociaux de la double nationalité de la personne d'Andry Rajoelina est justifiée par l'intérêt général c'est-à-dire ce qui est pour le bien public ou au contraire, par des intérêts particuliers voire politiques. Et ce, à quelques mois de la course à la magistrature suprême dans la perspective de laquelle d'aucuns s'activent pour la disqualification de l'actuel tenant du titre, en évoquant l'article 46 de la Constitution qui édicte que « tout candidat aux fonctions de président de la République doit être de nationalité malagasy (...) ». Mais aussi et surtout les dispositions de l'article 42 , Titre 3, Chapitre 1 de l'ordonnance n°60-064 du 22 juillet 1960 : « Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ».

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Désuétude

Ces dispositions légales prises juste au lendemain de l'Indépendance, dans le maelström souverainiste, ont été rarement sinon jamais appliquées, au point d'être tombées en désuétude. Et pas seulement à Madagascar. Pour ne citer que le code de la nationalité belge qui prévoit en son article 22, paragraphe 1er, 1° que « celui qui, ayant atteint l'âge de 18 ans, acquiert volontairement une nationalité étrangère, perd la qualité de Belge ». Même topo dans le code civil espagnol qui dispose en son article 24 que « l'Espagnol majeur ou émancipé, qui acquiert volontairement une autre nationalité et qui réside habituellement à l'étranger, perd sa nationalité d'origine dans un délai de 3 ans ». Quant au droit allemand, il stipule que « l'Allemand qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, perd automatiquement sa nationalité allemande, sauf s'il réside de façon permanente en Allemagne ». En somme, c'est le pays de résidence qui est pris en considération dans ce troisième pays où la double nationalité est également tolérée et ancrée dans la tradition.

Tendance mondiale

Force est de constater qu'il s'agit quasiment du « copier-coller » de la législation malgache, sans qu'il importe de savoir qui a copié qui. En tout cas, la majorité des Etats du monde pour ne rappeler que ceux cités en exemple, reconnaissent ou tolèrent la double nationalité. C'est une tendance mondiale quand bien même leurs législations n'auraient pas encore été modifiées expressément. De toute façon, la double nationalité ou citoyenneté n'est plus problématique sur le plan du droit international et/ou de l'ordonnancement juridique interne de chaque pays. Y compris à Madagascar où la loi n'oblige pas un citoyen à signaler à l'état-civil qu'il possède une autre nationalité, sans qu'il commette pour autant une fausse déclaration ou une infraction par omission. La double nationalité ou la multi-nationalité n'est du reste pas inscrite dans le droit malgache. Pas plus qu'il n'existe de certificat l'attestant.

Modification ou abrogation

En tout état de cause, il est à tout moment loisible au législateur, de procéder à la modification des textes antérieurs ou à l'abrogation de ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Rien n'empêche donc l'Assemblée nationale et le Sénat de procéder dans ce sens, surtout que l'IRD dispose de la majorité absolue au niveau des deux Chambres du Parlement. En vertu du parallélisme des formes, il suffirait même d'une ordonnance pour amender explicitement celle de 1960 qui est tacitement inopérante. Un texte remontant à un passé décomposé que certains veulent conjuguer au présent, pour des motifs inavouables et inavoués. En faisant notamment la publicité du fameux article 42 qui n'est pas comme la réclame d'une célèbre marque de pile électrique - datant d'ailleurs de la même époque - qui « ne s'use que si l'on s'en sert ».

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