Sénégal: Affaire de troisième mandat - Macky Sall dressera-t-il le bûcher contre le Sénégal ?

Le président Macky Sall

Après plusieurs mois de suspense sur fond de manifestations violentes de rue, le président sénégalais, Macky Sall, a promis de clarifier sa position, c'est-à-dire s'il va oui ou non briguer un troisième mandat.

Pour ce faire, il a donné rendez-vous à ses compatriotes ce lundi 3 juillet 2023. Autant dire que pour l'heure, tout le Sénégal retient son souffle. Car, de ce que dira le natif de Fatick, dépendra la suite des événements. S'il fait preuve de renoncement, Macky Sall fera mentir tous ceux qui l'accusent de faire place-nette en vue de rebeloter pour un troisième mandat. Mieux, il surprendra agréablement l'opinion nationale et internationale, et rehaussera du même coup l'image du Sénégal longtemps présenté comme l'une des vitrines de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine où les changements anti-constitutionnels ont toujours pignon sur rue.

En tout cas, s'il refuse de céder aux sirènes des zélateurs et autres Raspoutine qui l'appellent à franchir le pas, Macky Sall aura fait preuve de sursaut d'orgueil en privilégiant l'intérêt supérieur du Sénégal. Il entrera ainsi dans l'histoire par la grande porte et deviendra ainsi la mauvaise conscience de cette race de dirigeants africains qui refusent de s'imaginer une autre vie en dehors du pouvoir.

L'annonce d'une prochaine candidature de Macky Sall pourrait remettre le feu aux poudres

A l'instar de l'ex-président nigérien, Mahamadou Issoufou qui, après ses deux mandats constitutionnels, a décidé et ce, contre la volonté de ses thuriféraires, de faire valoir ses droits à la retraite. C'est à cela que l'on reconnaît aussi les grands hommes, c'est-à-dire ceux-là qui savent quitter les choses avant que les choses ne les quittent. Macky Sall saura-t-il se ranger du bon côté de l'histoire ? On attend de voir. Mais une chose est sûre et Macky Sall lui-même en est conscient. S'il franchit la ligne rouge en annonçant qu'il sera candidat à la présidentielle de 2024, le locataire du palais de la République dressera le bûcher contre son propre pays. La preuve, il l'a eue avec les violentes et meurtrières manifestations qui ont suivi la condamnation de Ousmane Sonko présenté comme un opposant sérieux et crédible à même de lui tailler des croupières.

Certes, le pouvoir de Dakar a réussi à reprendre la main après 48 heures de confusion, mais l'annonce d'une prochaine candidature de Macky Sall pourrait remettre le feu aux poudres. Cela dit, on ne peut que nourrir de sérieuses inquiétudes pour le pays de la Teranga dans la mesure où certains signes laissent croire que le successeur de Abdoulaye Wade n'est pas prêt à quitter de sitôt le pouvoir. A l'image de Blaise Compaoré du Burkina Faso et Alpha Condé de la Guinée, il semble avoir fait le choix du chemin du précipice. Les faits parlent d'eux-mêmes. En effet, quelques heures avant son adresse très attendue à la Nation, Macky Sall est allé à la rencontre de ses soutiens, en l'occurrence les 475 maires et les 37 présidents de conseils départementaux qui ont signé une pétition l'appelant ouvertement à briguer un nouveau mandat.

S'il ne veut pas quitter la scène politique sur la pointe des pieds, Macky Sall se doit de refuser d'être l'otage d'un clan

Si ce n'est pas un manière d'approuver la démarche, cela y ressemble fort. Surtout quand on sait qu'une telle rencontre intervient quelques jours seulement après la phrase sibylline suivante du chef de l'Etat devant ses militants en Europe : « Nous nous maintiendrons au pouvoir ». Certes, certains ont cru pouvoir minimiser les dégâts en rappelant que le « nous » renvoyait, ici, à la coalition « Benno Bokk Yakaar » qui a porté Macky Sall au pouvoir. Mais d'autres ont vite franchi le pas en parlant d'une déclaration de candidature. Quand on ajoute à tout cela les condamnations judiciaires d'opposants tels que Karim Wade, Khalifa Sall, Barthélémy Dias et Ousmane Sonko, qui ne comptent pas pour du beurre, on peut dire que Macky Sall a plus ou moins tombé le masque.

On le voit venir avec ses vestes croisées, oubliant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Malheureusement, les hommes politiques sont ainsi faits qu'ils ne savent pas tirer leçon des erreurs des autres. Bien au contraire, ils se laissent convaincre que ça n'arrive qu'aux autres. Et c'est lorsque les choses tournent au vinaigre qu'ils se rendent compte que ceux qui les ont poussés à l'erreur, n'étaient ni plus ni moins que des hypocrites déguisés qui défendaient, en réalité, leur propre bifteck.

Pire, certains de ces laudateurs, comme s'ils cherchent à s'en laver les mains après-coup, n'hésitent pas à dire ceci : « Et, pourtant, je l'avais prévenu... ». En tout cas, s'il ne veut pas quitter la scène politique sur la pointe des pieds, Macky Sall se doit de refuser d'être l'otage d'un clan en décidant, en toute lucidité, de faire valoir ses droits à la retraite à l'issue de ses deux mandats constitutionnels. Ainsi, l'histoire retiendra de lui qu'il fut un « bon président » comme le clament ses soutiens, qui a su éviter le pire à son pays.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.