Sénégal: 3e mandat de Macky Sall - C'est 'Hubris tout entier à sa proie attachée'

analyse

Exit le faux suspense entretenu à demi-mot par le président Macky Sall au sujet de ses intentions de briguer un 3e mandat.

En effet, samedi dernier, au cours d'une réunion avec les élus de la coalition de partis au pouvoir, il a été on ne peut plus clair : "J'avais prévu de faire compter mon mandat de 2012, mais ils (les gens) m'ont dit d'enlever cette disposition transitoire car ce mandat est hors de portée de la disposition... c'est très clair. Mais ils (les opposants) nous disent que nul ne peut faire 2 mandats consécutifs et consort." Ils ne savent même pas qu'il y a quelque chose qui précède ce "nul" ne peut faire 2 mandats consécutifs. Si j'avais suivi ces gens-là, j'allais déclarer ma candidature depuis très longtemps".

Une déclaration qui vient comme pour enfoncer une porte ouverte depuis sa rencontre avec la diaspora sénégalaise vivant à Paris au cours de laquelle il avait annoncé qu'il prendrait une décision qui "nous engagerait sur le chemin de la victoire en 2024". On sait maintenant que le "nous" lâché à cette occasion, est à la fois un "nous" de majesté mais aussi celui qui unit le président sortant à sa coalition Benno Bokk Yakaar dont sont partie intégrante les plus de 500 élus qu'il a rencontrés ce 1er juillet.

Ces 2 déclarations de Macky Sall devant des partisans de sa coalition à Paris et à Dakar ont absolument défloré le contenu de son allocution solennelle annoncée, attendue et enfin promise pour ce lundi à 20 heures TU. A moins d'un improbable retournement de situation, l'enfant prodige de Fatick devrait, dans son adresse à la nation, s'attacher à expliciter les raisons pour lesquelles il est candidat à sa propre succession.

De fait, méthodiquement, par approche successive, lui et son camp ont tué tout suspense avant l'allocution de ce soir. Car, concomitamment aux débats des assises du Dialogue national, tenus du 31 mai au 23 juin, des élus locaux avaient initié une pétition soutenant la candidature de Macky Sall pour un 3e mandat. Elle a réuni 512 signatures favorables sur 604 potentiels, soit 85% de oui. Cela a sans nul doute conforté la décision des participants au Dialogue national, qui ont proposé de laisser au Conseil constitutionnel la décision de valider ou non cette probable candidature de Macky Sall. Plus lourde encore dans la balance des sympathisants du 3e mandat, cette initiative d'hommes religieux sous le leadership du cheick Serigne Moustafa Mbacké de Touba qui indique avoir réussi à "enrôler 444 chefs religieux appartenant à toutes les familles religieuses du Sénégal pour exiger une candidature de Macky Sall en 2024... plus apte à préserver les valeurs sénégalaises". Quand on connaît le poids des confréries religieuses au Sénégal, cette seconde pétition vaut son pesant de captation des faveurs de l'opinion publique et un gros pavé dans la marre du débat pour ou contre un 3e mandat de Macky Sall.

Du reste, c'est comme si sa décision déjà prise est actée par le Conseil constitutionnel et qu'il se met déjà dans la peau du candidat qui galvanise ses partisans à battre campagne hic et nunc. En effet, face aux élus locaux de sa coalition, il a littéralement déclaré : "Sachez que c'est nous qui dominons. Je vous demande donc d'aller sur le terrain et de travailler (pour préparer la présidentielle de 2024)". Quand s'y ajoute le "nous avons bien travaillé... je prendrai une décision qui nous engagera sur le chemin de la victoire en 2024", il y a là comme une tentation pour Macky Sall, après ses pèlerinages à Touba et à La Mecque, de mettre en avant une relation ontologique de lui au pouvoir au risque d'y laisser transparaître un "Hubris (1) tout entier à sa proie attachée".

La Rédaction

(1) Hubris (ou hybris) traduit du grec par « démesure » est une notion qui dans la Grèce antique renvoie à des attitudes excessives : passion, orgueil, outrage, crime, transgression.

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