Le président Macky Sall s'exprimera ce lundi soir sur la Radio-Télévision sénégalaise pour dire s'il briguera ou non un troisième mandat en 2024. Pour lui et pour ses partisans, la question de la légalité d'un troisième mandat est réglée mais tout le monde ne voit pas les choses de la même manière.
En ce premier dimanche après la Tabaski, les rues de Dakar sont calmes, mais le discours annoncé de Macky Sall pour ce lundi à 20h est déjà sur toutes les lèvres.
« Tout le monde est dans l'attente pour ce discours parce que les gens souffrent et ne veulent plus voir les dégâts qui ont eu lieu dernièrement », dit un homme. « Je veux que ce soit un discours limpide pour qu'on soit réglé, pour que la situation du pays soit réglée », espère un autre.
Un point final bienvenu après des années de rumeurs... ou un débat non avenu pour certains Sénégalais, comme Serigne Samb, étudiant en droit.
« Il n'y a pas à se prononcer là-dessus parce que la Constitution est très claire : il n'a pas le droit de se présenter pour un troisième mandat. Cela a créé des problèmes partout en Afrique et nous ne le souhaitons pas non plus au Sénégal. »
Tout le débat tourne donc autour de la Constitution qui n'autorise en effet que deux mandats consécutifs. Mais en passant du septennat au quinquennat, Macky Sall affirme avoir remis les compteurs à zéro. Le Conseil constitutionnel appuie le président, tout comme une partie des Sénégalais.
« Deuxième ou troisième mandat, tout dépend de ce que la Constitution lui permet, estime Baba Tandian, homme d'affaires. Si elle le lui permet, pourquoi pas ? Ce qu'on veut, c'est un président travailleur. Peu importe lequel, lui ou quelqu'un d'autre. Le Sénégal restera le Sénégal, uni et indivisible. »
L'affaire Sonko en toile de fond
Jusqu'au bout, Macky Sall aura maintenu le flou sur ses intentions. Le président répondra enfin, une décision libre et souveraine dit-il, sans pression et sans tenir compte de l'agitation des réseaux sociaux.
Dans ses dernières prises de paroles, devant la diaspora à l'étranger et les élus locaux au Sénégal, Macky Sall a volontairement maintenu l'ambiguïté, utilisant le « vous » ou le « nous » pour parler de l'après 2024.
Or, les enjeux sont immenses. Ce discours très attendu intervient dans un contexte tendu après les violences qui ont suivi la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko début juin.
Si Macky Sall décide de ne pas briguer ce troisième mandat, « le gros ballon de la colère va se dégonfler » selon un politologue. Se poserait toutefois la question de sa succession comme candidat de la majorité, à seulement huit mois de l'élection et sans leader désigné. S'il se présente, en revanche, une partie de la société civile craint un regain des tensions.
Et cette semaine pourrait aussi débloquer la situation d'Ousmane Sonko, assigné à résidence depuis sa condamnation. La décision de justice a été rendue publique, le procureur de la république peut donc désormais donner l'ordre aux forces de sécurité de l'arrêter à tout moment.
L'opposant appelle à « sortir massivement dans la rue »
Ce dernier s'est d'ailleurs longuement exprimé ce dimanche soir dans une déclaration vidéo. L'opposant, condamné à deux ans de prison le 1er juin pour « corruption de la jeunesse » appelle ses partisans à « sortir massivement dans la rue » pour « finir le combat » face au régime, et s'adresse à la communauté internationale, rapporte notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac.
« Ce n'est pas le moment de flancher », « il ne faut pas qu'on se laisse endormir » lance Ousmane Sonko dans ce message diffusé sur ses réseaux sociaux. Que le président Macky Sall présente sa candidature ou pas, l'objectif selon l'opposant est de l'écarter de la course à la présidentielle après le dialogue national initié par le chef de l'État.
« Ce qui va se passer n'est que la pose du dernier acte pour finir ce complot contre la candidature. L'assemblée nationale va être convoquée certainement en procédure d'urgence et faire passer ces mesures qui tendent à réhabiliter certains candidats et à tout faire pour exclure un candidat qui semble être le mieux placer pour remporter la prochaine élection présidentielle. »
Sa condamnation a provoqué des violences meurtrières dans le pays : 16 décès officiellement, 29 selon le leader du parti Pastef, qui dénonce un « usage disproportionné de la force », et interpelle les partenaires du Sénégal, notamment la France : « je ne doute pas que la France soit un pays ami du Sénégal. il est temps qu'on sache si c'est une amitié dédiée au peuple sénégalais ou bien à une élite, corrompue, violente. » Finalement, il demande : « je souhaiterais demandé au gouvernement d'arrêter de collaborer militairement, policèrement, avec le gouvernment français pour les sept prochains mois. »
Appel particulier adressé également à la Turquie, pour « cesser tout approvisionnement » de matériel militaire « durant cette zone de turbulences », dit-il. Ousmane Sonko appelle ses partisans à « ne pas avoir peur ». De son côté, le gouvernement accuse l'opposant d'inciter « à l'insurrection ».