Par Amadou Thiam
Nabadji Civol (Matam), 2 juil (APS) -A 80 ans révolus, Nguédi Diaw, vice-président du Comité régional de gestion des courses hippiques de Matam (nord), continue à se battre pour le développement d'un sport pour lequel il a consacré plus de 50 ans de sa vie en entamant dès l'âge de 16 ans une carrière de jockey avant de devenir plus tard un propriétaire de chevaux.
Pendant plus de 50 ans, Nguédi Diaw a été au service des courses hippiques. Très jeune, l'actuel vice-président du Comité régional de gestion des courses hippiques de Matam a participé aux compétitions, avant de devenir propriétaire de chevaux et d'intégrer cette instance. De Kaédi, en Mauritanie à Thilogne, en passant par Bokidiawé, Ourossogui, Matam, Taiba, son village Nabadji, Nabadji Civol, le jeune jockey de l'époque a remporté une cinquantaine de courses, pour n'en perdre que moins de sept.
Pour retrouver la maison où habite Nguédi Diaw, il suffit juste de demander à la première personne rencontrée à Nabadji Civol, un village où il est visiblement bien connu.
Juste en face de la route nationale, à moins de 50 mètres, le domicile de cet amoureux des chevaux et des courses hippiques se distingue des autres par la présence d'un cheval attaché dans la cour. De là, le visiteur aperçoit presque tout dans la concession entourée de piquets en bois. A l'intérieur, juste deux bâtiments : l'un en construction et l'autre en banco, dans un état de délabrement très avancé.
Assis sous un arbre, Nguédi est entouré de son épouse, ses petits-enfants et un hôte venu s'y reposer, en attendant la fermeture du marché hebdomadaire du village qui se tient tous les mercredis.
L'odeur qui se dégage et les traces de sabots de vaches, de moutons et de chèvres renseignent sur le type d'élevage pratiqué ici. Les animaux sont allés paître derrière le village.
Habillé d'un boubou traditionnel noir, le chapeau traditionnel ou « tingadé » bien posé sur la tête, l'homme ne se sépare jamais de ses lunettes, ni de sa cigarette, qu'il n'hésite pas à allumer en plein entretien. Les chants des coqs, en grand nombre dans la maison, s'élèvent de temps à autre. Deux femmes qui s'affairent autour d'un repas en cette veille de premier jour du mois de ramadan, sont en pleine discussion.
"Je suis dans ce sport depuis 55 ans. J'ai été jockey pendant 25 ans. Mes parents n'ont jamais pratiqué ce sport, mais ils possédaient des chevaux comme beaucoup de gens ici. C'est mon oncle qui pratiquait ce sport avec des chevaux qui couraient à Kaédi, en Mauritanie", se rappelle, volontier, Nguédi Diaw. Cet octogénaire a dédié plus d'un demi-siècle de sa vie aux chevaux et aux courses hippiques.
Il se souvient qu'à l'âge de 15 ans, ses parents l'avaient envoyé dans cette ville frontalière de la région de Matam, pour y apprendre la bijouterie.
Engagé pour sauver la saison de son oncle
Propriétaire de chevaux, son oncle était à la recherche d'un jockey, après que ses cavaliers lui avaient tourné le dos. Adolescent, il décide de se lancer dans les courses pour sauver son tuteur qui s'était déjà engagé dans les compétitions.
"Il avait du mal à trouver un jockey et moi je me suis engagé à conduire ses chevaux, malgré mon jeune âgé. Tout le monde était contre ma décision, parce qu'ils ne savaient pas que je savais conduire un cheval. C'est ainsi qu'ils sont allés m'inscrire sur la liste", raconte le vieil homme.
A cette époque, se souvient-il, un trio dictait sa loi dans les hippodromes de la région frontalière et du côté du Sénégal. A 16 ans à peine, il obtient sa licence et participe à plusieurs courses, malgré son âge, mais avec un poids qui, selon lui, permettait de prendre part à toutes les courses.
"J'ai remporté ma première course organisée à Kaédi, ainsi que beaucoup d'autres comme celles organisées à Bokidiawé, Ourossogui et Matam. J'ai ensuite gagné la grande course de Hamady Débo Seck à Thilogne dans les années 60", se remémore Nguédi Diaw.
Ces villages étaient les seuls à organiser des courses de chevaux, avant que Kanel, ne soit inscrit sur la liste au début des années 70.
Le jeune jockey profite d'une pause pour poursuivre ses entraînements et s'essayer aux acrobaties. Il fallait s'entraîner dans le sable au bord du fleuve Sénégal, à Kaédi.
"Je m'entraînais dur pour réussir des acrobaties que je n'avais jamais faites auparavant. Parfois je tombais et je me blessais, mais je n'ai jamais arrêté, ce qui m'a permis de maîtriser plusieurs gestes. Une manière aussi d'assurer le spectacle lors des courses", souligne-t-il.
A la reprise, il remporte la course sur ses terres d'adoption, à Kaédi. Une victoire qu'il fête par des sauts périlleux. A la fin de cette course, un médecin français du nom de Jean, établi à Kaédi, le récupère et le loge.
"Il faisait tout pour moi. Il m'offrait des habits, me nourrissait et avait mis tous les moyens à ma disposition afin que je puisse réussir", raconte Nguédi.
Après une dispute avec la femme de son oncle, le jeune Diaw entre en front contre son tuteur et boycotte plusieurs courses, dont celle organisée à Kaédi.
"Mon oncle a perdu toutes les courses que j'ai boudées. Il a été défait même sur ses terres ainsi que de l'autre côté de la rive, au Sénégal, notamment à Matam, à Bokidiawé et à Ourossogui. J'étais devenu une star des hippodromes à cette époque. A mon absence, les courses n'avaient plus de saveur", se targue-t-il.
Une star des hippodromes
Il a fallu l'intervention de son ami Jean pour qu'il accepte à nouveau de se mettre en selle. L'argument de taille que ce dernier avait mis sur la table pour le convaincre a été une tenue de jockey toute neuve venue de France. Un privilège par rapport à ses concurrents.
Le jeune jockey se rappelle aussi avoir été conduit jusqu'à Matam, le jour de la fête de l'Indépendance par son nouveau bienfaiteur. Ce qui lui avait permis de se reposer en cours de route, « afin de courir dans de bonnes conditions ».
"Mon entrée fut spectaculaire, car personne ne s'attendait à mon retour en compétition. Les gens me portèrent en triomphe sur des dizaines de mètres. Ce jour-là, j'ai gagné toutes les courses avec trois catégories de cheval différentes", se souvient encore Nguédi Diaw.
A la fin, le Commandant de la brigade de gendarmerie de Matam de l'époque, Mody Sy lui remit 5.000 francs CFA, « une grosse somme à lépoque, sans compter l'argent que me remettaient les spectateurs qui étaient contents de me retrouver et me voir gagner".
Ce moment d'euphorie fut suivie d'une série de blessures contractées lors de séances d'entraînements à Kaédi. Les mésaventures s'enchaînent jusqu'à son empoisonnement, qu'il impute à des adversaires, et qui, selon lui, a précipité la fin de sa carrière, après plus de 25 ans à cheval sur la Mauritanie et le Sénégal.
Aujourd'hui à la retraite, le vice-président du Comité régional de gestion des courses hippiques de Matam bataille ferme aux côtés du président Aliou Thiam, pour faire vivre difficilement cette discipline dans la région nord.
« Nous voulons un hippodrome dans la région, parce que nos courses se tiennent dans différentes localités sans sécurité sur des terrains vagues accessibles à tous. En plus de cela, les coureurs ne sont pas licenciés, ils sont tous amateurs », souligne-t-il.
Pour ce qui est de l'hippodrome, Nguédi Diaw souhaite l'avoir dans son village, à Nabadji Civol. C'est « une localité qui vit les courses hippiques et (qui) n'est pas éloignée des villages où habitent beaucoup de coureurs de la zone, contrairement à Matam où l'hippisme n'est pas bien vécu », fait-il valoir.
"Les courses hippiques m'ont tout donné. Je suis allé jusqu'en Côte d'Ivoire, à Abidjan où je dispensais des cours de jockey à des Français", se vante-t-il, non sans déplorer le manque de soutien des autorités locales qui n'accordent, à ses yeux, aucune importance à cette discipline.
Le vieux Nguédi milite ainsi pour le développement de l'hippisme, non seulement en tant qu'un responsable de l'instance dirigeante, mais aussi en tant que propriétaire de chevaux qui participent aux compétitions dans la région. L'un d'entre eux est monté par son propre fils, comme pour prendre le relais de son père...à dos de cheval.