Macky Sall est donc enfin sorti du silence. Un silence qui était devenu bruyant ces dernières semaines. C'est que, depuis quelque temps, par petites touches successives, le président sénégalais laissait transparaître ses ambitions présumées, encouragé qu'il est par des partisans chauffés à blanc qui le conjurent de se présenter pour un troisième mandat.
Comme ce fut de nouveau le cas ce week-end avec les maires et les présidents des conseils départementaux de la coalition Benno Bokk Yakaar.
A l'image de cet élu local, l'écume aux lèvres, implorant le démiurge de continuer à porter le Sénégal sur ses généreuses épaules : « ...avec tout ce que vous avez construit, avec tous les projets que vous avez, il faut nous emmener à bon port et en toute sécurité... Vous êtes le seul à avoir la légitimité et la confiance de toute la sous-région et de tous les partenaires pour construire la stabilité de toute la sous-région ».
Dès lors, y avait-il encore le moindre doute sur ce que dirait le président dans son allocution d'hier lundi 3 juillet 2023 ; une adresse tant attendue et à laquelle est suspendu le sort de tout le pays ?
Pour beaucoup, il n'y avait plus le moindre doute, il allait franchir le Rubicon pour ne pas dire le fleuve Sénégal.
Il est vrai que pour le natif de Fatick, il aurait le droit avec lui dans la mesure où, objecte-t-il à ses opposants, son mandat de 2012 est hors de portée de la révision constitutionnelle de 2016. La loi, en général, ne disposant que pour l'avenir.
Mais à supposer qu'il ait juridiquement raison, n'oublions pas qu'en l'espèce, il s'agit plus d'une question d'opportunité que du tout juridisme à la petite semaine. Et question d'opportunité, le moins que l'on puisse dire est que cette volonté de jouer aux prolongations était inopportune.
D'abord, parce que lui-même Macky Sall, et on lui en sait gré, a combattu les velléités monarchiques de son prédécesseur et mentor, Abdoulaye Wade.
Ensuite, parce que lui-même avait annoncé qu'il ne briguerait pas un troisième mandat. De ce fait, l'annonce de sa candidature à l'élection de 2024 n'aurait rien été d'autre qu'un parjure présidentiel.
Mais alors donc que tout semblait indiquer qu'il marcherait sur des dizaines et des dizaines de cadavres qui ont jonché depuis de longs mois les rues sénégalaises pour jouer les prolongations, le chef de l'Etat sénégalais a pris tout le monde de court. A l'image d'un Mbappé, d'un Ronaldinho, d'un Zizou, d'un Ronaldo sur un terrain de foot, il a dribblé tout le monde y compris ses propres partisans dont certains doivent déjà être en train de regretter leurs propos outranciers, à moins que ce ne fût un simple jeu de rôle.
Voici ce qu'il a déclaré en substance : « Ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024 ».
C'est ce qu'on appelle la surprise du chef. Avec cette déclaration pour le moins inattendue, nul doute donc que le mercure sociopolitique sénégalais qui ne cessait de monter va retomber. Et c'est tout le pays de la Teranga qui doit pousser un grand ouf de soulagement tant les conséquences s'annonçaient désastreuses si sa décision avait été autre.