Le procès de l'ancien ministre en charge des Transports, Vincent Dabilgou et six autres pour « détournement de deniers publics, financement occulte de parti politique et blanchiment de capitaux », a repris, le lundi 3 juillet 2023, au Tribunal de Grande Instance (TGI) Ouaga I. L'audience a été consacrée aux réquisitions et aux plaidoiries des avocats de certains accusés dont l'ancien Directeur administratif et financier (DAF), Jean Gabriel Séré perçu comme la boite noire dans ce dossier.
L'audience du procès de l'ancien ministre en charge des Transports, Vincent Dabilgou et six autres pour « détournement de deniers publics, financement occulte de parti politique et blanchiment de capitaux » a repris hier au Tribunal de Grande Instance (TGI) Ouaga I par la réquisition du parquet. Le procureur du Faso a demandé au tribunal de condamner M. Dabilgou le principal accusé dans ce dossier pour les faits de détournement de deniers publics de plus d'un montant de 926 millions 620 mille FCFA, pour financement occulte de parti politique et blanchiment de capitaux de plus de 620 millions 620 mille FCFA.
En représailles, le ministère public a requis contre le prévenu, une peine de 15 ans dont 10 ans ferme, une amende de 500 millions FCFA ferme et la confiscation de ses biens à concurrence des montants détournés avec un mandat d'arrêt. Il a aussi demandé que le président du Nouveau temps pour la démocratie (NTD) soit déchu de ses droits civiques à vie (droit de vote, droit d'éligibilité et d'être décoré).
Par la même occasion, le parquet a plaidé pour que son parti soit dissout et condamné à payer une amende de 23 millions 400 mille ferme pour des faits de complicité de financement occulte de parti politique et de blanchiment de capitaux. Pour les autres prévenus, le ministère public a requis diverses peines. Pour l'ancien DAF du ministère en charge des transports, Jean Gabriel Séré, poursuivi pour abus de fonction, de détournement de deniers publics et d'enrichissement illicite, il a expliqué que le prévenu peut être considéré comme la boîte noire dans ce dossier.
« C'est à partir de son grand déballage que des poursuites ont été engagées contre les autres. Il est resté droit dans ses bottes, il a reconnu les faits qui lui sont reprochés », a-t-il confié. Pour sa franche collaboration, le parquet a plaidé pour qu'il bénéficie d'une circonstance atténuante par son attitude républicaine. Cependant, le fait de signer un marché fictif, de recevoir de l'argent venant de ce marché, de délivrer des faux bordereaux signés par les directeurs régionaux du ministère, M. Séré se rend coupable et par conséquent, nous voulons qu'il vous plaise de le condamner à 24 mois ferme avec une amende de 10 millions FCFA ferme ainsi que la privatisation de son droit civique, a déclaré le ministère public.
Des contrats fictifs
Le procureur du Faso a justifié sa décision par le fait qu'un prévenu qui reconnaît les faits ne peut pas être traité de la même manière que celui qui nie les faits alors que sa culpabilité ne souffre d'aucune ambigüité. Dans cette veine, estimant que les autres n'ont pas voulu coopérer, il a requis contre l'ex-comptable matière du ministère en charge des transports, Ousmane Sigué pour complicité de détournement de fonds de 135 millions FCFA et enrichissement illicite de plus de 23 millions F CFA, 84 mois dont 48 mois ferme, une amende de 25 millions ferme et un mandat d'arrêt.
Le procureur a aussi demandé que l'ex-DG de la SOFAPEL-B, Malick Kouanda poursuivi pour abus de fonction, de détournement de fonds publics et complicité de financement occulte de parti politique, qu'il soit condamné à 10 ans dont 5 ans ferme et d'une amende de 100 millions F CFA et d'un mandat d'arrêt. Il a exigé que le prévenu soit déchu de son droit civique pour une période de 7 ans. L'accusé Alhoussaini Ouedraogo, ex-DAF de l'Ildo-Oil risque une peine de 60 mois dont 24 mois ferme, d'une amende de 10 millions F CFA ferme et d'un mandat d'arrêt pour des faits d'enrichissement illicite et complicité de détournement de fonds publics.
Le parquet a souhaité en revanche que le prévenu soit relaxé pour les faits de financement occulte de parti politique au bénéfice du doute. Concernant la prévenue Coulibaly Minata, responsable commerciale de Green Énergy, le ministère public l'accuse pour faux en écriture. Par conséquent, il a requis contre elle, 60 mois de prison assorti de sursis et une amende de 15 millions ferme. Le parquet a demandé la relaxe du PCA de la société Green Énergy, Yasias Sawadogo pour les faits de complicité de détournement de fonds publics et d'enrichissement illicite mais qu'il soit retenu coupable de faux en écriture.
En représailles, qu'il soit condamné à 46 mois avec sursis et une amende ferme de 10 millions FCFA. Pour le parquet, les faits contre les prévenus suscités sont suffisamment matérialisés. Il s'agit d'un crime organisé, d'un pillage des ressources de l'État, a-t-il déploré. De son avis, la longue instruction du dossier a permis de percevoir comment M. Dabilgou en intelligence avec les co-accusés ont creusé un trou dans les comptes du ministère en charge des transports pour financer la campagne du parti NTD en 2020.
« Ils ont procédé à un montage de contrat fictif entre la SOFAPEL-B et Green Énergy à titre d'exemple. Ils ont opéré des déblocages des fonds du compte trésor sans pièce comptable. En amont, ils ont monté des faux contrats pour justifier les montants. Ils ont produit des faux bordereaux qu'ils ont fait signer par les directeurs régionaux », a détaillé le ministère public.
Il a rendu service à la Nation
A la suite du parquet, la parole a été donnée aux avocats des prévenus. Les conseils de M. Seré se sont évertués à démontrer l'honnêteté, le courage et la repentance de leur client. De leurs avis, la dénonciation faite par M. Séré va permettre d'assainir le milieu politique. « Depuis 1990 nous n'avons pas souvenance d'un procès sur financement occulte de parti politique. M. Seré a, à sa manière, joué sa partition en rendant énormément service à la Nation. Il a mis sa vie en danger dans ce procès.
Imaginez le nombre de personnes qui sont fâchées contre lui », a expliqué la défense avant d'insister que si le tribunal renvoie leur client à la maison d'arrêt, le message ne passera pas. Vous encouragerez certaines à ne plus dénoncer les actes de corruption, ont justifié les conseils du prévenu. Ils ont en outre précisé qu'ils ne demandent pas de l'impunité pour M. Seré. « La dénonciation a eu lieu avant les poursuites. A partir de ce moment, c'est l'application de la loi.
Et en la matière, la loi est claire à savoir, prendre en compte des excuses absolutoires. Ce qui implique la relaxe de M. Séré », ont confié les avocats. N'ayant pas de pouvoir de décision, ils ont à défaut demandé une réduction de sa peine si le tribunal a une décision contraire. Les avocats d'Ousmane Sigué ont aussi défendu leur client. Pour eux, le ministère public s'est laissé emporter par ses propres émotions dans ses réquisitions. « On lui reproche d'avoir appelé les directeurs régionaux de venir signer les décharges.
L'acte de complicité pour être retenu doit être antérieur ou concomitant à la commission de l'infraction principale. Un acte après la commission de l'infraction ne peut pas être pris pour complicité », ont justifié les avocats de M. Sigué. Fort de ces arguments, ils ont demandé la relaxe de leur client pour infraction non constituée ou du moins au profit du doute. En cas de décision contraire du Tribunal, ils ont plaidé que le prévenu puisse bénéficier d'un sursis. L'audience qui a débuté à 9 heures 27 minutes a été suspendue à 16 heures 30 et elle reprend ce matin avec les plaidoiries des autres conseils des prévenus dont le cerveau Vincent Dabilgou.