Comme d'habitude, le président de la République, Macky Sall a encore dribblé tout le monde. Depuis qu'il a accédé à la Magistrature suprême, le 25 mars 2012, le Chef de l'Etat n'arrête d'administrer des coups de Jarnac aussi bien à la classe politique (pouvoir comme opposition), qu'à la société civile et aux analystes politiques. Des remaniements ministériels, à la suppression-reconduction du poste de Premier ministre, en passant par la désignation de personnalités à la tête des instructions, il a toujours clignoté à gauche pour tourner à droite. Pendant 12 ans, il a tenu seul le gouvernail du « navire Sunugaal », jetant par dessus bord les passagers les plus encombrants.
Hier, lundi 3 juillet, à un peu plus de sept mois de l'élection présidentielle du 25 février 2024, tel un lièvre dans un marathon, il abandonne la course, ouvrant la porte à d'éventuelles candidatures qu'il avait pourtant lui même étouffé en instaurant un délit d'ambitions contre ceux qui avaient des velléités de le succéder. Ce qui met sa coalition Benno Bokk Yaakar dans une difficulté incommensurable, sans occulter son parti, l'Alliance pour la République (APR) qui aurait toutes les peines du monde à trouver un joker. Ne soyons donc pas étonnés d'assister à une débandade dans les rangs de la Majorité.
C'est dire que la décision de Macky Sall a été dictée par la pression. EIle est loin d'être réfléchie, mûrie, voulue. Elle s'est imposée à lui. Le Chef de l'Etat n'avait pas d'autres choix que de renoncer à se présenter. D'ailleurs, la pression se lisait sur son visage. Pour la première fois, depuis mars 2012, il laissait apparaître quelques signes de nervosité. Il n'arrêtait pas de transpirer, d'essuyer son visage en direct dans une salle supposée climatisée, devant un teleprompteur qui distillait trop lentement son discours. Que dire du montage qui laissait à désirer ? Le professionnalisme dont faisait montre la cellule de Communication du Palais est soudainement renvoyé aux calendes grecques. Le cameraman a même eu l'outrecuidance de projeter une image du Palais au milieu du discours du principal locataire.
La pression était palpable sur son visage. Une terrible pression de la communauté internationale, des médias internationaux, des réseaux sociaux, de la classe politique la plus radicale.
De sa déclaration de candidature à peine voilée à Paris, à la réception le 1er juillet dernier au Palais de 472 maires sur 558 que compte notre pays et 39 présidents de conseil départemental sur 46, qui ont tous signé la pétition pour sa candidature en 2024 en passant par sa sortie chez nos confrères français L'Express, tout indiquait qu'il allait briguer une fatidique troisième candidature.
Sauf qu'il aurait du mal le cas échéant à écarter, son opposant le plus irréductible, Ousmane Sonko de la course. Sans nul doute le pays allait s'embraser. Le président du Pastef /Les Patriotes a d'ailleurs annoncé les couleurs dans son discours de dimanche soir.
Au finish, Macky Sall a décidé de sauver le pays d'un chaos. Reste maintenant à savoir comment et par quelle alchimie il va arriver à faire adhérer sa coalition et son parti, autour d'un candidat unique qui aura la chance de conserver le fauteuil. Jusque là, il a réussi tous les coups. Mais celui-ci relève des 12 travaux d'Hercule. Surtout, si Ousmane Sonko venait à se constituer prisonnier pour espérer un acquittement en appel. Un scénario improbable mais qui reste dans l'ordre du possible. C'est dire que cette Présidentielle pourrait bien nous réserver des surprises.