Kenya: La levée de l'interdiction de l'exploitation des forêts fortement contestée

Forêt à Watamu, Kenya

Au Kenya, le président William Ruto a annoncé, dimanche 2 juillet, la levée de l'interdiction relative à l'exploitation forestière. Elle avait été imposée en 2018 dans les forêts publiques et communautaires pour éradiquer la coupe illégale d'arbres et augmenter la couverture forestière du pays. Le président Ruto est revenu sur cette décision, affirmant que cette levée était attendue « de longue date ».

« Nous ne pouvons pas avoir des arbres matures qui pourrissent dans les forêts alors que les habitants souffrent du manque de bois. C'est de la folie », a déclaré le président William Ruto. La levée de l'interdiction permettra aussi, selon lui, de créer des emplois pour les jeunes. Le gouvernement a d'ailleurs prévu de nouvelles taxes sur les importations de bois et ses produits dérivés pour privilégier l'industrie locale.

L'interdiction de l'exploitation forestière était décriée par le secteur. Les régions qui en dépendent en ont subi les conséquences, notamment ceux qui travaillaient dans l'abattage, le transport ou encore la scierie. D'après l'institut de recherche sur les forêts au Kenya (Kefri), ce sont 44 000 emplois qui avaient disparu, suite à ce moratoire.

Une décision fortement contestée

Mais sa levée inquiète fortement les défenseurs de l'environnement qui accusent le président Ruto de faire passer les profits avant la protection de la nature. L'environnementaliste Paula Kahumbu s'est dite « choquée » sur Twitter. Elle a appelé à préserver les forêts indigènes.

Menacées par l'exploitation forestière illégale, ces forêts indigènes sont essentielles pour purifier l'air et abritent des espèces rares et menacées, souligne Greenpeace. L'ONG s'est dite « alarmée » par cette décision et appelle le gouvernement à faire marche arrière.

William Ruto a assuré que l'État maintenait son objectif de planter 15 milliards d'arbres au cours des dix prochaines années.

« Un choc pour les Kényans »

William Ruto a beau promettre de maintenir l'objectif du gouvernement de planter 15 milliards d'arbres d'ici à 2032, Hamisa Zaja, secrétaire générale du parti des Verts, l'United Green Movement, jointe par RFI, n'est pas convaincue.

RFI: Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Hamisa Zaja : Ça a été un choc pour les Kényans. Nous nous demandons ce qui a bien pu passer par la tête du président pour qu'il prenne une décision pareille, car il ne peut pas, à la fois, insister sur la plantation d'arbres et sur leur abattage. Mais c'est ce qu'il a fait. Lorsqu'il a donné son feu vert pour couper les arbres, il a ensuite dit au gouverneur de la ville de Nakuru qu'il fallait s'assurer que, dans cinq ans, il aurait planté un certain nombre d'arbres. Mais les arbres ne poussent pas en cinq ans. Ça peut prendre 10, 20 ou 30 ans. Donc, ce n'est pas parce que vous les coupez aujourd'hui qu'ils vont repousser dans cinq ans.

Le gouvernement kényan a déclaré que seuls les arbres adultes qui « pourrissent » dans les forêts, seront autorisés à être abattus. Est-ce que cette déclaration vous rassure?

Lorsque vous autorisez les gens à aller couper des arbres, vous n'avez aucune garantie de pouvoir les surveiller et vous pouvez être sûrs que, lorsqu'ils iront exploiter les forêts, ils iront avec un esprit motivé par le profit. Quel que soit l'arbre - petit, jeune, vieux - tant qu'il leur convient, ils le couperont. Vous ne pouvez donc pas dire aux gens d'aller couper un seul type d'arbre et d'éviter les autres. À partir du moment où l'interdiction a été levée, tous les arbres sont en danger.

Et quels sont les risques pour l'environnement?

L'un des risques, c'est de voir de longues périodes de sécheresse, comme c'est le cas actuellement, avec des rivières et des lacs à sec. En ce moment, nous sommes également confrontés à une forte érosion des sols, en particulier dans l'arrière-pays, en raison de l'abattage des arbres. Seuls les arbres et leurs racines permettent de soutenir la terre. Lorsque vous les enlevez, les racines ne sont plus vivantes et le sol s'érode.

L'autre risque, c'est la mort de notre écosystème. Tout à l'heure vous avez parlé des arbres pourris que le président veut enlever, mais ils font partie de l'écosystème. Ils fertilisent la terre et permettent aux plantes de pousser. Tout cet écosystème, nous l'avons tué en coupant les arbres.

La déforestation a longtemps été un problème au Kenya. Est-ce que vous craignez qu'il redevienne un fléau?

Nous revenons en arrière. C'est un jour sombre qui nous renvoie aux années 1990. À l'époque, tout le monde pouvait aller dans la forêt et couper du bois pour en faire des meubles ou du charbon et cela a contribué à accélérer le changement climatique. La levée de l'interdiction de l'exploitation forestière signifie que nous ne parviendrons pas à lutter contre le changement climatique, ni même à l'atténuer et à y faire face.

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