POINTE-NOIRE — Une nouvelle méthode basée sur l'analyse chimique des propriétés du bois et du sol d'où il a été prélevé permet de déterminer l'origine géographique du bois.
C'est la conclusion d'une étude réalisée dans les forêts du bassin du Congo et d'Indonésie par une équipe de chercheurs africains, indonésiens et européens, sous la direction de Laura E Boeschoten de l'Université et centre de recherche de Wageningen aux Pays- Bas.
L'étude a ciblé trois essences de bois à fort potentiel commercial à savoir: Azobé et Tali en Afrique centrale et Red Meranti à Bornéo-Mékong en Indonésie.
"la combinaison des profils du dosage des éléments chimiques du sol du site de collecte du bois et de celle du « bois à coeur » prélevé, permettent à la fois d'identifier parfaitement le bois récolté et d'identifier sa provenance géographique"Dyana NDiade Bourobou, IRAF, Gabon
« La méthode d'analyse pour la traçabilité du bois, est une méthode chimique qui permet de doser les isotopes stables du bois (oxygène, hydrogène, carbone, et soufre) par la méthode de la spectrométrie de masse(...) », explique à SciDev.Net Dyana NDiade Bourobou, chercheuse à l'Institut de recherches agronomiques et forestières (IRAF) de Libreville au Gabon, qui a activement participé à ce travail.
La chercheuse ajoute que « la combinaison des profils du dosage des éléments chimiques du sol du site de collecte du bois et de celle du « bois à coeur » prélevé, permettent à la fois d'identifier parfaitement le bois récolté et d'identifier sa provenance géographique (...) ».
Selon un livre en ligne produit par l'université Alioune Diop de Bambey (Sénégal), « la spectrométrie de masse est une méthode d'analyse qui permet la détermination de la masse moléculaire des composés analysés, ainsi que leur identification et leur quantification ».
Dans le cas d'espèce, grâce à la spectrométrie de masse, les chercheurs ont utilisé des spectres électromagnétiques pour déterminer la composition chimique et la structure bois.
Par la suite, ils ont croisé ces données chimiques avec les données environnementales, notamment la terre d'où le bois a été prélevé, et interrogé des bases de données.
L'étude révèle ainsi un taux de précision/satisfaction sur l'origine géographique du bois variant entre 70 % et 98 %, « selon l'échelle géographique et les caractéristiques chimiques environnementales du lieu de récolte investi », renseigne l'étude.
Pour Paolo Cerutti, chercheur au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), « cette méthode a du potentiel, il reste à voir jusqu'à quel niveau une amélioration est possible. Les cartes au sol par exemple peuvent bénéficier des recherches sur les stocks de carbone... ».
Processus de traçabilité
La fraude par des fausses déclarations d'origine affecte considérablement la qualité du suivi du trafic de bois par le code Q/R ou du code-barres.
En effet, les manipulations des données avant leur introduction dans le système informatique est une faiblesse à même de compromettre la sincérité du processus de traçabilité, explique Alain Osseri, chef de la Cellule de la légalité forestière et de la traçabilité (CLFT) au sein du point focal de l'APV (Accord de partenariat volontaire sur l'application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux ) entre l'Union européenne et la République du Congo.
« Lors de la conception et du développement de l'application numérique, il faut prévoir des feuillets Excel pour permettre aux agents de saisie d'avoir la possibilité de changer de feuilles lorsqu'ils introduisent des données erronées », déclare-t-il.
« Ce qui leur donne des marges de manipulation avant de soumettre leur travail pour des contrôles de premier niveau par l'administration compétente » ; précise Alain Osseri en s'appuyant sur le cas du Système informatisé de vérification de légalité (SIVL) en République du Congo ».
Abondant dans le même sens, David Gehl, senior manager de la traçabilité et de la transparence chez Environemental Investigation Agency (EIA), une ONG américaine spécialisée dans le suivi du trafic du bois, relève que de nombreuses interactions humaines dans le traitement des données entravent la crédibilité de la légalité et de traçabilité du bois.« Dans de nombreux systèmes de traçabilité numériques, les données sont d'abord enregistrées sur papier, puis ce sont les hommes qui les introduisent dans les ordinateurs. Les risques de manipulation sont élevés, comme nous l'avons vu dans le monde entier », soutient-il.
Selon David Gehl, la méthode basée sur l'analyse chimique des propriétés du bois est par conséquent une « bonne nouvelle ».
« Le grand avantage est qu'elle peut s'appliquer à tous les stades de l'exploitation de l'arbre. De la forêt au produit fini, on peut tracer le bois. Ce qui n'est pas le cas avec l'analyse par ADN qui perd de son efficacité lorsque le bois est mort », dit-il.
David Gehl pense « qu'associée à d'autres méthodes scientifiques telles que le suivi de l'exploitation du bois en temps réel, grâce à un système de données digitales et de géolocalisation (développé par EIA notamment), cette nouvelle méthode peut réduire le trafic illicite de bois à sa plus simple dimension ».
Toutefois, il estime que pour un fonctionnement efficient de ce système de contrôle de trafic de bois grâce à l'analyse chimique, il importe de mettre en réseau des laboratoires internationaux et de rassembler des bases de données de référence. Et, déclare-t-il, « cela a un coût »...