Afrique de l'Est: Transparency International alerte sur des cas de détournements d'aides humanitaires à Madagascar

Des résidents dans les communautés touchées par la sécheresse d’Ifotaka, au sud de Madagascar, reçoivent une aide alimentaire fournie par le PAM (archives)

Transparency International s'alarme de détournements d'aides d'urgence destinées aux populations de l'extrême sud de la Grande Ile. L'ONG a tenu un point de presse mercredi 5 juillet, à Antananarivo.

Frappés par une sécheresse depuis plusieurs années, plus d'1,5 million d'habitants sont en situation d'insécurité alimentaire dans cette partie de l'île. Le réseau Malina, cellule d'investigation de Transparency International, a mis en évidence à travers des témoignages de villageois et d'autorités locales des pratiques de corruption et de discrimination dans la sélection des bénéficiaires de l'aide l'urgence. L'enquête, diffusée sur la chaine Youtube de l'ONG, se concentre sur le district d'Ambovombe, l'un des plus touchés par la sécheresse et la famine.

Sacs de riz, de légumes secs, bidons d'huile mais aussi appuis financiers ont parfois été détournés des foyers les plus vulnérables, révèle Transparency International. L'ONG a enquêté de septembre 2022 à mars 2023 sur les aides venant du Programme alimentaire mondial et du Fonds d'Intervention pour le développement, fait savoir Mialisoa Randriamampianina, rédactrice en chef du réseau Malina :

« Les détournements sont de différentes formes. Par exemple, on a les personnes qui sont manutentionnaires, qui déplacent les sacs de riz, qui en prélèvent. On a aussi des autorités qui donnent des fausses cartes d'identité pour que des personnes puissent avoir accès aux aides humanitaires. C'est tout un enchaînement de petits maillons qui détourne complètement la marchandise vers d'autres personnes et on se retrouve avec des sacs de riz qui sont vendus sur la place du marché alors que normalement ce sont des sacs de riz qui auraient dû être distribués aux gens. (...) Cette investigation peut aider autant les autorités que les institutions qui gèrent ces aides à réfléchir sur la manière d'améliorer la gestion de celles-ci parce que ce sont des vies qui sont en jeu. »

Le FID, association privée reconnue d'utilité publique, placée sous la tutelle de la Primature, reconnaît des imperfections lors de l'attribution de certaines aides financières et précise dans l'enquête de Transparency International avoir mis sur liste noire les prestataires ayant fait défaut et avoir banni du programme ceux qui ont fait usage de faux.

« Sur les aides financières, nos témoins dénoncent aussi le fait qu'ils soient dépouillés de ces aides une fois qu'ils touchent les sommes, explique Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de Transparency International Initiative Madagascar. Donc il y a des dahalos [des voleurs, NDLR] mais il y a certaines personnes qui savent que les villageois vont toucher l'aide financière.(...) La plupart des personnes qui ont osé témoigner dans cette vidéo d'investigation déclarent avoir peur des représailles, non seulement des personnes impliquées dans ce mécanisme de trafic, de détournement et de corruption, mais aussi peur de la cessation des aides. C'est pourquoi on appelle les pouvoirs publics et tous les responsables, notamment les agences humanitaires, à regarder cette situation de près, à prendre des mesures concrètes pour améliorer les pratiques. Tout ceci nous ramène aussi à la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte parce qu'on a du mal à faire parler les gens. »

Contacté, le Programme alimentaire mondial à Madagascar indique être en train de recouper ces informations.

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