Depuis le 1eᣴ juillet, et jusqu'à la fin du mois, Brazzaville abrite l'exposition « Entre deux mondes », où deux artistes majeurs venus de Kinshasa, de l'autre côté du fleuve Congo, présentent des oeuvres qui évoquent notamment la vie de l'époque coloniale dans ces deux cités chargées d'histoire et séparées uniquement par le cours d'eau.
Le Hall de l'Institut français du Congo (IFC) grouille de monde en cet après-midi de juillet. Assis en retrait, encore marqué par ce qu'il vient de voir, Chadrac Bouyou, un étudiant en arts de 25 ans, livre ses impressions après sa visite de l'exposition :
« Je tiens à noter que ce sont de très beaux tableaux. J'ai été emporté par ce que j'ai vu. Mais, il y a un détail : bien qu'ils soient beaux, on ne ressent vraiment pas de la joie dans ces tableaux. L'artiste a beaucoup plus parlé de ce rappel colonial, surtout du côté précaire et de la pauvreté », explique-t-il.
Ces tableaux décrits par le jeune étudiant sont l'oeuvre de l'artiste kinois Gaël Maski Kusa Kusa.
On peut y voir deux jeunes femmes, une élancée et une autre de taille moyenne, portant des enfants au physique différent. Au-dessus de leur tête, des colombes, dans leur dos, le fleuve Congo.
Ici, Gaël Maski Kusa Kusa a voulu montrer la grandeur de la femme : « On devrait plutôt arrêter de voir la femme comme un sujet, mais plutôt comme une pièce dans la roue qui, si cette pièce manque, il n'y a pas d'évolution. Il n'y en aura jamais. Il n'y a pas de création, il n'y a pas de monde », explique-t-il.
Pour ses oeuvres, l'artiste utilise la photographie, notamment celle de l'époque coloniale, et la peinture pour mieux rendre compte de la réalité mais aussi de l'irréel.
Des portes et des tabourets dans l'exposition entre deux mondes pour « l'ouverture » et « la bienvenue »
À l'exposition, au milieu des tableaux, l'artiste Alexandre Kyungu Mwilambwé présente des portes et des tabourets décorés. Il s'agit pour lui de « symboles d'ouverture » et de « vie en communauté », notamment entre les deux Congo. Selon lui, les deux pays chemineraient aujourd'hui ensemble si la conférence de Berlin de 1885, qui a décidé du tracé des frontières, n'avait pas eu lieu.
« Je combine peinture, dessin et sculpture dans mes travaux. Mes oeuvres, en fait, explorent cette question de migration, de mobilité, d'identité, d'espace, et de frontières. Tout cela, pour aborder cette question de l'imaginaire », explique l'artiste originaire de la RDC au micro de RFI.
Pour cet artiste visuel qui a commencé sa carrière entre 2015 et 2016, « les tabourets », communément appelés Ebonga, sur les deux rives du fleuve Congo, « sont symboles de la bienvenue quand ils vous sont servis, car l'Afrique vit en communauté ».
J'ai choisi pour cette exposition de présenter des portes. Les portes pour moi symbolisent l'ouverture ; elles symbolisent des rencontres et cette forme de supprimer cette frontière qui n'existerait pas si la Conférence de Berlin (de 1885) n'avait pas eu lieu. Quel est l'élément qui aurait justifié la carte. Et, comment les deux Congo auraient évolué.
L'artiste congolais Alexandre Kyungu Mwilambwé met en scène des tabourets et portes pour «l'ouverture» et «la bienvenue»