C'est l'Espagne qui en subit le plus les conséquences. Serein, le Maroc a tout à gagner
L'accord de pêche conclu entre le Royaume du Maroc et l'Union européenne, entré en vigueur le 18 juillet 2019 pour une durée de quatre ans, expire le 17 juillet 2023. Or aucune négociation en vue de son renouvellement n'est en cours, les délais impartis en la matière étant dépassés.
Cet état de fait, en l'occurrence l'expiration imminente de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) entre le Maroc et l'Union européenne sera au centre des discussions de la désormais présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne. C'est ce que, d'ailleurs, a affirmé le ministre espagnol de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, Luis Planas.
Ce dernier a tenu, samedi dernier à Rome avec son homologue marocain, Mohammed Sadiki, une réunion bilatérale, en marge de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) de même que d'une conférence parallèle entre les ministres de l'Union européenne et l'Union africaine focalisée sur la problématique de la sécurité alimentaire.
«C'est un sujet qui intéresse beaucoup l'Espagne, car géographiquement, c'est le pays le plus proche de l'Union européenne du contient africain, et c'est là que se manifestent des phénomènes tels que les mouvements migratoires qui découlent de toutes les problématiques liées à l'alimentation et au changement climatique», a souligné le responsable gouvernemental ibérique.
En effet, en tout état de cause, cet accord est estimé comme l'un des accords de pêche les plus importants sur le plan aussi bien politique qu'économique pour l'Espagne car accordant des permis d'exploitation pour quelque 138 chalutiers européens, dont 93 espagnols (...)
Par ailleurs, l'accord de juillet 2019, contrairement à tous les scénarios précédents, n'est pas près d'être renouvelé. Il a été conclu, à l'instar de tous les accords passés, à la demande de la partie européenne.
Toutefois, une instance judiciaire européenne, en l'occurrence la Cour de justice de l'Union européenne, a rendu une décision - par ailleurs non contraignante - qui en conteste le bien-fondé au motif purement politique qu'il couvre les eaux marocaines au large des provinces du Sud - laissant entendre le trébuchement de pétrodollars de lobbying fallacieux et de chantage crapuleux - allant jusqu'à l'invalider le 29 septembre 2021, suite à quoi, un pourvoi formulé par le Conseil de l'Union européenne, entériné par les juridictions européennes compétentes a permis d'en maintenir les effets jusqu'à terme, un statu quo dans l'attente d'une décision finale de la Cour de justice, dont par ailleurs la date prévue cette année, n'est même pas encore fixée.
A cet égard, pour l'économiste Mohamed Jadri, prendre légèrement du recul, c'est se rendre compte que le Royaume du Maroc a tout à gagner à en finir avec cet accord, et ce, pour plusieurs raisons : «Le Maroc n'a plus à s'engouffrer dans les innombrables litiges qui entourent cet accord, les ratifications, les annulations avant reconduction, les procédures pénales... le tout, dans un mélange insoluble d'intérêts économiques et de récupération politique. Et cela dure depuis huit ans »...
Et de noter que si le premier partenariat entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc date de 1988, et qu'il a été renouvelé et approfondi au fil des années, ce n'est qu'en 2015 que la dimension politique s'est invitée dans le processus de renégociation.
D'autre part, un diplomate bien au fait de ce dossier complexe, affirme que ce pacte s'inscrivait dans le cadre d'un partenariat global. «Mais dans le fond, cet accord, qu'on ne peut résumer à une cession de matière première moyennant une compensation financière, n'est plus conforme à l'approche marocaine. Même avec l'obligation de débarquement dans les ports marocains, de transformation sur place et de présence d'experts nationaux pour contrôler les contenus des embarcations, cela reste un accord de première génération», observe-t-il en mettant en exergue que c'est à la demande de l'Union européenne et notamment d'un pays proche, que le Maroc a consenti à le renouveler. Non sans réticence, d'ailleurs...
« Nous avons largement critiqué cet accord, qui est considéré comme une exploitation des ressources naturelles marocaines à bas prix. Cet accord a, qui plus est, été exploité politiquement et est devenu un moyen de pression sur le Maroc. Or, nous n'avons nullement à nous justifier d'exploiter des ressources qui profitent d'abord à la population locale, et ce, d'après l'Union européenne elle-même », souligne, dans la même veine, le chercheur économiste Mohammed Jadri, pour qui les enjeux liés à la sécurité alimentaire post-Covid supposent un usage plus judicieux des ressources dont dispose le Maroc.
« Les produits de la pêche doivent être valorisés et trouveront facilement d'autres clients, marocains, européens et non européens. D'ailleurs, il y va de notre capacité à diversifier nos partenaires commerciaux et à sortir des schémas traditionnels. Le Maroc est déjà lié par des accords de pêche avec des pays comme la Russie ou le Japon. La Grande-Bretagne, l'Amérique du Nord, la Chine et l'Inde sont autant de clients potentiels pour nos produits de la pêche », a-t-il encore développé.
Dans cet imbroglio politico-géostratégique et économique, le Royaume du Maroc, qui était jadis demandeur, est devenu, d'ores et déjà observateur serein laissant aux Européens « le loisir » de s'extirper d'une situation confuse dans laquelle ils se sont malencontreusement embourbés pendant que le Maroc est en mesure de leur trouver aisément des remplaçants.
Ainsi, comme indiqué précédemment, le Royaume est déjà lié par des accords de pêche avec de nombreux pays, comme la Russie, en pôle position pour reconquérir la place des Européens - ce qui exaspère l'hostilité maladive des voisins de l'Est, de même que la Grande-Bretagne qui vient d'asséner une réponse cinglante à la milice des mercenaires du Polisario qui s'échinait à remettre en cause l'accord d'association Maroc-UE...
Cette mutation significative et bien réfléchie de l'attitude du Royaume trouve, clairement, sa justification dans sa nouvelle prodigieuse politique extérieure, car fort de ses grandes avancées diplomatiques, il adopte d'ores et déjà le ton de l'intransigeance du pragmatisme et de la fermeté en réclamant la pleine clarté quant aux positions de ses partenaires sur la question de sa souveraineté nationale et de la cause sacrée de son intégrité territoriale. En fait, aujourd'hui la donne a bien changé et le Royaume ne peut plus tolérer qu'il soit au coeur d'un chantage politico-diplomatique quelle qu'en soit la nature.
L'on peut conclure, de la manière la plus limpide et la plus rationnelle, que la balle se trouve indubitablement dans le camp européen, lequel camp est astreint objectivement à émettre, sans l'ombre de chantage et accessoirement loin de tous calculs d'intérêts géostratégiques des réponses claires et de se conformer aux standards de la légalité, la légitimité au lieu de mystifier effrontément la réalité des relations internationales dûment reconnue.